Les complices du meurtre social

La pseudo-gauche internationale et la levée du Zero-COVID en Chine: Première Partie

Depuis son apparition il y a plus de trois ans, en janvier 2020, la pandémie de COVID-19 a tué plus de 20 millions de personnes et en a handicapé des dizaines de millions d’autres avec le COVID long. Elle a poussé les systèmes de santé au bord de l’effondrement et a exacerbé les inégalités sociales et accéléré le déclenchement de la guerre en Ukraine, antichambre de la Troisième Guerre mondiale.

Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, l’espérance de vie a diminué au niveau mondial en 2020 et 2021. Malgré l’affirmation du président américain, Joe Biden, selon laquelle «la pandémie est terminée», reprise par les politiciens capitalistes du monde entier, cette catastrophe sociale se poursuit. Chaque semaine, près de 100.000 décès supplémentaires sont imputables à la pandémie dans le monde, soit environ 1 million de décès tous les trois mois. Avec la fin du Zéro-COVID en Chine et l’abandon à l’échelle mondiale de toutes les mesures d’atténuation qui ralentissent la propagation du coronavirus, celui-ci mute et évolue vers de nouveaux variants, potentiellement plus dangereux.

La classe dirigeante a saisi l’occasion de la pandémie pour s’enrichir et approfondir l’attaque qu’elle mène depuis des décennies contre les conditions de vie de la classe ouvrière internationale. Tout en refusant de mettre en œuvre les mesures de santé publique nécessaires pour arrêter la transmission du virus, les gouvernements capitalistes avancés ont adoptés en mars 2020 des mesures de sauvetage financier sans précédent. Alors que les décès se comptent par millions, la fortune collective des entreprises qui profitent de la pandémie s’est accrue de plusieurs milliers de milliards.

Les classes dirigeantes soucieuses de supprimer les protocoles de santé publique qui interféraient avec le processus de production capitaliste qui est l’origine de la plus-value et du profit, ont encouragé l’ignorance, la superstition et les peurs irrationnelles vis-à-vis de la science. En même temps, elles ont attisé les forces d’extrême droite pour qu’elles s’opposent au confinement, au port de masques, à l’apprentissage à distance et à toutes les autres mesures nécessaires pour enrayer la pandémie. Leur devise était qu’il vaut mieux que plusieurs milliers de travailleurs d'une usine soient infectés que de subir une semaine de perte de production de l'ensemble des ouvriers!

Le président de l’époque, Donald Trump, regarde le Dr Scott Atlas, conseiller de la Maison-Blanche pour les coronavirus et promoteur de l’«immunité collective», s’exprimer lors d’une conférence de presse sur la pandémie en septembre 2020. [AP Photo/Alex Brandon]

Pendant des décennies, les gouvernements capitalistes ont considéré l’augmentation progressive de l’espérance de vie avec consternation et inquiétude. La possibilité pour les personnes âgées d’obtenir des soins médicaux subventionnés alors qu’elles atteignent 70, 80 et même 90 ans est considérée comme une calamité budgétaire.

Pendant la pandémie, les élites capitalistes ont considéré le décès des travailleurs âgés «non productifs», ainsi que la diminution de l’espérance de vie, comme des résultats positifs permettant de réduire les obligations en matière de pensions et les autres dépenses de protection sociale. Elles ont ravivé les conceptions eugénistes et darwinistes qui ont dominé dans les cercles dirigeants au cours de la première moitié du 20e siècle et qui ont motivé l’Holocauste. Le concept nazi de lebensunwertes Leben, ou «vie indigne de la vie», est désormais appliqué aux personnes âgées et immunodéprimées qu’on laisse mourir en masse.

Les scientifiques ont prévenu que le changement climatique et l’urbanisation sauvage forcent les animaux à migrer en dehors de leur habitat d’origine. Ils apportent avec eux des milliers d’agents pathogènes susceptibles de se répandre dans les populations humaines, rendant ainsi les futures pandémies pratiquement inévitables. Or, rien n’indique que les gouvernements cherchent à prévenir ce danger à court terme ou à s’y préparer. Au contraire, dans la mesure où les élites dirigeantes ont tiré des leçons de la catastrophe de ces trois dernières années, c’est qu’on doit laisser la nature suivre son cours. On ne devrait pas perturber le processus de production et les intérêts financiers des entreprises, et ne pas entraver l’accumulation des profits et des richesses. La mort de millions de personnes est acceptée comme le «prix à payer pour faire des affaires» lors des futures pandémies. Les mots tristement célèbres de l’ancien Premier ministre britannique Boris Johnson ― «Que les corps s’empilent» ― définissent les politiques publiques.

Pour la classe ouvrière, la pandémie a été un choc traumatique qui a bouleversé la vie sociale et révélé la brutalité des rapports de classe. Elle a accéléré et intensifié la radicalisation des travailleurs dans le monde entier, précipitant de nombreuses luttes contre les politiques meurtrières des élites dirigeantes. Aux États-Unis, au Canada, en Italie et dans d’autres pays, les fermetures tardives de mars 2020 n’ont été mises en œuvre qu’après que la classe ouvrière a organisé des grèves sauvages, indépendamment des syndicats pro-capitalistes, pour sauver des vies.

En commençant par la Chine, l’opposition croissante des travailleurs a contraint plusieurs gouvernements à mettre en œuvre des politiques globales de Zéro-COVID dès les premiers stades de la pandémie. Fondées sur la solidarité de masse de la classe ouvrière, ces politiques Zéro-COVID ont permis de sauver de nombreuses vies. Le nombre de morts en Chine, en Nouvelle-Zélande, au Viêt Nam et dans d’autres pays est resté une fraction infinitésimale de celui des États-Unis et d’autres puissances impérialistes. Cependant, confrontés à la pression incessante du capital financier mondial, ces gouvernements ont fini par lever leur politique Zéro-COVID en 2021 et 2022, ce qui a eu des conséquences catastrophiques dans chaque pays.

Tout au long de la pandémie, le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) et le World Socialist Web Site ont défendu les intérêts de la classe ouvrière et préconisé une stratégie mondiale de santé publique qui vise à éliminer le COVID-19 dans tous les pays. Le WSWS a publié plus de 5.000 articles sur la pandémie au cours des trois dernières années, analysant tous les développements scientifiques et politiques majeurs liés à la pandémie dans le monde.

Une réponse sensiblement différente est apparue au sein de sections substantielles de la classe moyenne supérieure et des partis politiques qui expriment leurs intérêts. Dans une large mesure, ces couches sociales ont pu s’isoler ou travailler en toute sécurité à la maison tout au long de l’année 2020, la pandémie étant généralement considérée comme une perturbation grave, mais seulement temporaire. En outre, les propriétaires de petites entreprises et les professionnels indépendants qui n’ont pas reçu un soutien suffisant lors des premiers blocages, ainsi que les couches plus fortement investies dans le marché boursier, ont largement adhéré à la propagande antiblocage diffusée par la classe dirigeante. Une fois vaccinée au début de 2021, la classe moyenne aisée était impatiente de reprendre son mode d’accumulation de richesses et d’amusement qui caractérisait la période d’avant la pandémie et de faire comme si rien de grave ne s’était produit.

Les intérêts sociaux et les conceptions politiques de la classe moyenne aisée sont exprimés par divers partis politiques qui constituent ce que le CIQI a défini comme la «pseudo-gauche». Ce terme se justifie par le fait que ces organisations n’ont rien de commun ― en termes de programme politique, de pratique et d’électorat social ― avec ce que le terme «gauche» a signifié depuis l’aube du mouvement socialiste dans la première moitié du 19e siècle.

Certaines de ces organisations conservent ― en raison d’une association historique de longue date avec le marxisme et même le trotskisme ou, plus communément, par opportunisme le plus cynique ― les mots «socialisme» et «travailleurs» sur leurs cartes de visite politiques. Mais ce type de publicité mensongère ne détermine pas le contenu social objectif de leur programme et de leur pratique. La nature essentielle de ces organisations se trouve définie par des politiques d’identité personnelle, centrées sur la race, l’ethnie, la nationalité, le genre et l’orientation sexuelle.

Leurs activités ne sont donc pas centrées sur la lutte des classes, le développement de la conscience socialiste et le renversement révolutionnaire du capitalisme par la classe ouvrière. Leur «gauchisme» vise plutôt à obtenir une plus large distribution des richesses actuellement monopolisées par les 1 ou 2 pour cent les plus riches de la société. Le programme social de leur «gauchisme» serait satisfait si une part un peu plus importante de l’argent qui circule au sommet était autorisée à ruisseler vers les couches les moins fortunées des 10 pour cent les plus riches.

Parmi les pseudo-gauches, on trouve les pablistes de International Viewpoint, les tendances morénistes, dirigées par la Fraction trotskyste-Quatrième Internationale (FT) et la Ligue ouvrière internationale-Quatrième Internationale (IWLfi), les capitalistes d’État, dirigés par la Tendance socialiste internationale (TSI), ainsi que la Tendance marxiste internationale (TMI), le Comité pour une Internationale ouvrière (CWI), l’Alternative socialiste internationale (ASI) et la Ligue socialiste internationale (LSI). Parmi les principaux groupes nationaux de pseudo-gauche figurent Syriza en Grèce, Podemos en Espagne, le Parti de gauche en Allemagne, le Parti du socialisme et de la liberté au Brésil et d’autres encore.

La pseudo-gauche a réagi à la pandémie de COVID-19 par un haussement d’épaules collectif. Après avoir ignoré les premiers signes de la crise mondiale qui se développait en janvier-février 2020, ils n’ont, à partir de mars 2020, publié chacun que quelques articles d’actualité par mois tout au long de la première année de la pandémie. Avec le déploiement des vaccins en 2021, ils ont progressivement cessé de couvrir la pandémie.

Au cours des trois dernières années, ces partis à eux tous ont écrit à peine quelques centaines d'articles sur la pandémie. Aucun d'entre eux n'a publié de déclaration programmatique décrivant une stratégie scientifique visant à éliminer le COVID-19 à l'échelle mondiale. Comme l'indique un récent fil de discussion sur Twitter, ils gardent également le silence sur les conséquences catastrophiques du COVID long.

L’hostilité de la pseudo-gauche à l’égard de la santé publique et son soutien à l’impérialisme se sont exprimés dans leur évolution au cours des trois dernières années. Cela a trouvé son expression la plus nette dans leur demande ― qui fait écho à celle des médias occidentaux et de l’establishment politique ― que la Chine abandonne sa stratégie Zéro-COVID. Cette demande a atteint son paroxysme au cours des quatre derniers mois, durant lesquels toutes les tendances de la pseudo-gauche dans le monde ont soutenu ce changement de politique catastrophique en Chine.

Cet essai fournira un échantillon représentatif de la réponse de ces organisations, qui se réclament ostensiblement de la gauche, du socialisme et même du trotskisme, à cette dernière manifestation de la plus grande crise sanitaire de l’histoire moderne, dans laquelle elles sont devenues les défenseurs inconditionnels de l’infection de masse. Il s’agit d’une biopsie politique qui met à nu les cellules malignes d’un milieu social profondément malade et politiquement réactionnaire. Ce processus peut s’avérer laborieux, car il s’agit d’une soupe alphabétique d’organisations, mais il n’y a pas moyen d’y échapper. Ces organisations doivent être identifiées et leurs positions doivent être retenues d’un point de vue historique. Leur culpabilité dans ce crime social ne peut pas être oublié.

Qui est responsable de la levée du Zéro-COVID en Chine?

Le 23 janvier 2020 a marqué le début de la première politique de Zéro-COVID au monde, lorsque 13 millions de personnes ont été confinées dans l’ensemble de la ville de Wuhan, en Chine. Cette mesure a été rapidement étendue aux 15 autres villes de la province de Hubei, touchant 57 millions de personnes au total. Les mesures de confinement, sans précédent dans l’histoire mondiale, ont été associées à un programme de tests réguliers de masse, à une recherche rigoureuse des contacts, à l’isolement en toute sécurité des patients infectés, à des restrictions de voyage et au port universel du masque, autant de mesures de santé publique que l’humanité a accumulées depuis la peste noire au XIVe siècle.

Sur cette photo d’archive du 15 avril 2020, des fonctionnaires se tiennent à l’extérieur d’une tente bleue utilisée pour coordonner le transport des voyageurs de Wuhan vers des sites de quarantaine désignés à Pékin. [AP Photo/Sam McNeil, File]

Après 76 jours d’une immense abnégation et détermination de la part des travailleurs chinois, qui ont permis d’éliminer le coronavirus dans toute la Chine, le 17 avril 2020, les mesures de confinement ont été levées et la vie quotidienne de la population chinoise a repris son cours normal.

Les responsables de la santé publique et les scientifiques d’autres pays qui étaient sceptiques quant à la capacité d’éliminer le COVID-19, dont le Dr Michael Baker, en Nouvelle-Zélande, ont observé ce qui s’est passé en Chine et ont décidé de reproduire ce programme Zéro-COVID. Cela a conduit à l’élimination du virus dans de nombreux pays, en particulier dans la région Asie-Pacifique. Chaque fois qu’un foyer de COVID-19 a franchi les systèmes de gestion des frontières, ces mêmes mesures ont permis d’arrêter rapidement la transmission virale.

Au cours des deux années suivantes, l’establishment politique et les médias des puissances impérialistes, en particulier des États-Unis, n’ont cessé d’exiger la levée du Zéro-COVID partout où cette politique était en vigueur. Eux-mêmes coupables d’avoir tué des millions de leurs citoyens, ils ne pouvaient tolérer la preuve vivante que les infections et les décès massifs étaient le résultat évitable de leurs politiques socialement criminelles.

Parallèlement à l’élaboration du mensonge du laboratoire de Wuhan ― qui accusait à tort la Chine d’avoir délibérément ou accidentellement lâché le COVID-19 sur le monde ― les médias occidentaux ont diffusé un flux constant de propagande dénonçant le Zéro-COVID, et en particulier les confinements, comme étant «autoritaires» et «antidémocratiques», des qualificatifs qui ont ensuite été adoptés par la pseudo-gauche.

Le Parti communiste chinois (PCC) est un régime autoritaire, mais l’application de ce terme à sa politique initiale de Zéro-COVID face à la pandémie est fausse et vise à discréditer des mesures de santé publiques essentielles pour sauver des vies. Tout au long de la pandémie, les confinements ont toujours été temporaires et ciblés, contrairement au mythe selon lequel les villes ont été définitivement fermées et coupées de l'accès aux ressources essentielles.

Le problème incontournable de la réponse chinoise c’était l’impossibilité d’appliquer le Zéro-COVID à une échelle purement nationale. Il n’était pas possible de construire et de maintenir une «grande muraille de Chine» anti-COVID impénétrable qui empêcherait les épisodes incessants de pénétration virale provenant de sources extérieures. À ce problème fondamental s’ajoutait l’impact économique, sur l’économie capitaliste chinoise, des pressions impérialistes en faveur de l’abandon du Zéro-COVID.

En octobre et novembre derniers, Wall Street et les grandes entreprises mondiales ont exercé une pression économique intense sur le PCC pour qu’il lève le Zéro-COVID. Apple, Google, Samsung, Microsoft et d’autres entreprises ont menacé de transférer leur production hors de Chine s’il n’était pas mis fin à des mesures de fermeture, même limitées, et à d’autres mesures élémentaires de santé publique. Dans le même temps, l’opposition au Zéro-COVID s’est accrue au sein de la bourgeoisie et de la classe moyenne supérieure chinoises, dont la richesse était de plus en plus affectée par ces mêmes mesures. Le PCC a finalement cédé le 11 novembre, annonçant 20 mesures qui assouplissaient tous les aspects du Zéro-COVID, alors que les infections officielles se multipliaient déjà dans tout le pays.

Le 24 novembre, un incendie d’appartement a eu lieu à Ürümqi et a tragiquement coûté la vie à 10 personnes. Sans aucune preuve, on a prétendu que la politique Zéro-COVID en était responsable. En réalité, le quartier où l’incendie a eu lieu n’était pas strictement confiné et les habitants n’étaient pas empêchés de quitter leurs appartements et l’immeuble. Les barrières qui ont empêché un camion de pompiers d’atteindre l’immeuble avaient été installées avant la pandémie, en raison d’une mauvaise planification urbaine, et non dans le cadre d’un confinement.

Néanmoins, l’incendie d’Ürümqi a déclenché une série de manifestations chorégraphiées contre le Zéro-COVID dans les universités et les villes de toute la Chine, impliquant principalement des étudiants de la classe moyenne supérieure et pas plus de quelques milliers de manifestants sur une population de 1,4 milliard d’habitants. Après un véritable tsunami de reportages et d’éditoriaux dans la presse occidentale qui saluaient ces manifestations, le PCC a supprimé, le 7 décembre, toutes les mesures de santé publique restantes.

L’abandon brutal du Zéro-COVID a eu des conséquences catastrophiques. Plus d’un milliard de personnes seraient tombées malades lors de la première vague d’infection massive du pays. Bien que les chiffres officiels soient désormais totalement inexacts, la société d’analyse sanitaire Airfinity estime que plus de 1,6 million de personnes sont probablement mortes du COVID-19 depuis le 1er décembre. Cela fait plus que le bilan de plus de 1,1 million de morts aux États-Unis sur trois ans, condensé en quatre mois seulement.

Contrairement aux mensonges du PCC selon lesquels il s’agira d’une «vague de sortie» unique qui ramènera le pays à la «normale» d’avant la pandémie, la Chine est en fait désormais intégrée dans le cauchemar mondial du «COVID perpétuel». Cela se traduit par des vagues sans cesse renouvelées d’infections massives, de décès et de débilitation dus au COVID-19 long.

La levée de l’obligation du Zéro-COVID en Chine équivaut à un crime social massif à l’encontre de la classe ouvrière chinoise et internationale, qui a ouvert une nouvelle phase de la pandémie. Le régime du PCC, en tant qu’agent capitaliste de l’impérialisme mondial et lien entre le capital financier mondial et la classe ouvrière chinoise, porte clairement l’entière responsabilité de ses actes.

Les puissances impérialistes occidentales et leurs grands médias, qui, pendant plus de deux ans, n’ont cessé d’exiger la levée du Zéro-COVID sans se soucier des conséquences sociales, sont également profondément impliqués dans ce crime.

Enfin, tous les partis politiques et publications de la pseudo-gauche qui ont fait de l’agitation contre le Zéro-COVID sans se soucier des conséquences partagent la culpabilité de ce crime social.

Les manifestations contre Foxconn et le «livre blanc»: propagande contre réalité

Après l’abandon par le PCC de la stratégie du Zéro-COVID le 11 novembre, les infections officielles par le COVID-19 en Chine ont continué à augmenter et à battre de nouveaux records. Pas une seule publication en dehors du World Socialist WebSite n’a préconisé la remise en œuvre du Zéro-COVID, sans parler de l’extension de cette stratégie d’élimination dans le monde entier. Tout au long de ces semaines critiques de novembre, au cours desquelles il était encore possible de contenir l’épidémie croissante, toute la pseudo-gauche est restée silencieuse, donnant son aval tacite à ce changement de politique.

Le 22 novembre, une grande manifestation qui réunissait des milliers de travailleurs a eu lieu dans le célèbre atelier de misère de Foxconn à Zhengzhou, la plus grande usine au monde, produisant les iPhone d’Apple. Les travailleurs ont exigé de recevoir les salaires et les primes qu’on leur avait promis, tout en s’opposant à l’abus du «système en circuit fermé» dans lequel une épidémie de COVID en cours a pu se propager au sein de l’usine alors les travailleurs étaient empêchés de la quitter. Les travailleurs étaient tous masqués et n’avaient pas demandé la fin de Zéro-COVID.

Les sentiments exprimés par ces manifestants correspondaient à ceux de la majorité des personnes interrogées lors d’un sondage réalisé à l’époque. Le sondage a révélé que 58,5 pour cent de la population chinoise était favorable à des «ajustements sur des points spécifiques» de la politique Zéro COVID, mais pas à son abandon. Lorsque le PCC a mis fin à la politique Zéro-COVID, seuls 11,9 pour cent de la population étaient favorables à un «ajustement à grande échelle» de cette politique.

Ignorant ces sentiments, la pseudo-gauche et la presse bourgeoise ont rapidement mis dans le même sac les manifestations de la classe ouvrière à Foxconn et les manifestations de la classe moyenne contre la politique Zéro-Covid qui ont eu lieu à la suite de l’incendie d’Ürümqi. Quelques jours après ces dernières manifestations, fin novembre, les tendances de la pseudo-gauche ont rompu leur silence en saluant universellement ces manifestations du «papier blanc», au cours desquelles les manifestants tenaient des feuilles de papier vierges censées symboliser la censure d’État exercée par le PCC.

Manifestants du «papier blanc» à Pékin, dimanche 27 novembre 2022. [AP Photo/Ng Han Guan]

De nombreux articles ont comparé les manifestations du «livre blanc» aux manifestations de la place Tiananmen en 1989, occultant ainsi la base et l’orientation de classe de ces protestations. Les manifestations du «livre blanc» n’ont rassemblé que quelques milliers de jeunes poussés par la droite dans une frénésie anti-santé publique. Les manifestations de la place Tiananmen ont rassemblé des millions de travailleurs, de jeunes et de paysans en rébellion contre les politiques pro-capitalistes menées par le PCC dans les années 1980 et ils étaient motivés par des convictions politiques socialistes, y compris des appels à l’expansion des droits démocratiques.

L’un des premiers articles sur les manifestations du «livre blanc» a été rédigé le 28 novembre par Alex Callinicos pour Socialist Worker, l’organe du Socialist Workers Party (UK), qui est la principale section de l’IST. Callinicos est le secrétaire international et le principal théoricien du SWP.

Dans son article, Callinicos présente l’abandon du Zéro-COVID comme inévitable, affirmant qu’«un véritable Zéro-COVID est impossible à réaliser». Justifiant le changement de politique du gouvernement, il écrit: «Le mécontentement créé par le Zéro-COVID a atteint un nouveau niveau. Mercredi dernier, les travailleurs de l’usine d’assemblage géante de Foxconn à Zhengzhou ont affronté la police antiémeute… Puis un incendie à Urumqi, capitale de la province du Xinjiang, a tué dix personnes. La ville a été bouclée pendant trois mois et le zéro-covid a été tenu pour responsable de ces décès».

Socialist Worker a publié le même jour un autre bref article de Yuri Prasad, membre de longue date du SWP. Ce dernier faisait l’éloge des manifestations du «livre blanc» tout en reconnaissant que «la levée immédiate de toutes les restrictions sur le Covid en Chine entraînerait 5 millions d’hospitalisations et 1,55 million de décès».

Le 28 novembre également, le premier article détaillé sur la situation en Chine est paru dans Izquierda Diario, la publication de la malhonnête Fraction trotskiste-Quatrième Internationale (FT), l’une des principales tendances morénistes internationales [1]. La FT est surtout présente en Amérique latine, et notamment en Argentine, où elle dirige le Frente de Izquierda y de los Trabajadores-Unidad (FIT-U), qui dispose de quatre sièges à la Chambre des députés.

L’article, intitulé «Les manifestations historiques en Chine contre le “Zéro-COVID” ouvrent une nouvelle situation politique», a été écrit par André Barbieri, un dirigeant de la section brésilienne du FT, le Movimento Revolucionário de Trabalhadores (MRT). Barbieri a approuvé les manifestations, qu’il a qualifiées de «puissantes démonstrations de la colère populaire» et de «manifestations de répudiation des enfermements autoritaires du “Zéro-COVID”».

«Le mouvement contre la politique zéro- Covid, pilier central de la directive préconisée par Xi Jinping lors du 20e congrès en octobre, est sans précédent depuis les manifestations de la place Tiananmen en 1989», a poursuivi Barbieri. Créant un amalgame entre les manifestations de la classe moyenne centrées sur les universités et celles de Foxconn, il écrit que «La grève des travailleurs de Foxconn à Zhengzhou […] a été l’étincelle indéniable de la colère populaire qui s’est propagée dans toute la Chine».

Au cours de l’année écoulée en particulier, le FT et Izquierda Diario ont été parmi les tendances pseudo-gauchistes les plus virulentes à dénoncer le programme de santé publique chinois «Zéro-COVID».

Le 2 décembre, la section française du FT, Révolution permanente (RP), a publié un article distinct sur les manifestations en Chine, rédigé par Irène Karalis et intitulé «En Chine, des manifestations profondément politiques ouvrent une crise pour le régime».

Dénonçant les bouclages, les tests de masse et l'isolement des patients infectés, Karalis écrit de manière incohérente: «Aujourd’hui, après une période où l’on a cru la pandémie disparue, les restrictions [Zéro-COVID] continuent à être en vigueur [en Chine] pour contrer la vague provoquée par le variant Omicron et les habitants doivent se faire tester tous les deux jours».

Seule une personne complètement détaché de l’expérience de la classe ouvrière internationale, en particulier, des travailleurs de la santé confrontés à l’afflux des vagues récurrentes de patients atteints du COVID-19 a pu écrire que: «l’on a cru que la pandémie disparue».

Karalis a affirmé à tort que l’incendie d’Ürümqi «était le résultat des restrictions sanitaires en place, y compris la fermeture des portes de l’immeuble, qui ont empêché les habitants de s’échapper». Contredisant son affirmation précédente selon laquelle la pandémie était terminée, Karalis a reconnu que la levée du système «Zéro-COVID» entraînerait des décès massifs. Elle a cité The Economist, dont les modèles indiquaient à l’époque que «les infections atteindraient un pic de 45 millions par jour. Environ 680 000 personnes mourraient, même si les vaccins restaient puissants et si toutes ces personnes recevaient des soins.»

Ce résultat n’a pas effrayé Karalis. «Rien ne garantit donc, que la situation sanitaire est sur le point de s’améliorer, bien au contraire. Or, la situation sanitaire, en plus d’affecter la situation politique et sociale du pays, affecte également la situation économique.» Dans ce scénario, Karalis donne la priorité à la «situation économique» plutôt qu’à l’infection massive et à la mort de centaines de milliers de personnes en Chine.

Il est significatif que Left Voice, la section américaine de FT, n’ait pas publié une seule déclaration sur la levée du «Zéro-COVID» en Chine, se contentant de reprendre des articles publiés dans Izquierda Diario.

L’autre tendance morénistes dominante, la Ligue internationale des travailleurs - Quatrième Internationale (IWLfi), a également approuvé les manifestations de fin novembre en Chine, en publiant deux articles le 30 novembre, suivis de quatre autres en décembre.

L’article le plus complet a été publié le 30 novembre, titré «La Chine connaît des jours agités de défiance à l’égard du gouvernement» a été écrit par Marcos Margarido. En 2016, Margarido s’est présenté à la mairie de Campinas en tant que membre du Partido Socialista dos Trabalhadores Unificado (PSTU), le plus grand groupe morénistes du Brésil.

Margarido a approfondi les mensonges de Barbieri et Karalis, en écrivant: «Après près de trois ans de restrictions, l’expérience de la mise en quarantaine à la maison, avec des portes verrouillées, voire soudées, et des sorties de secours des bâtiments bloquées, est commune à de nombreux Chinois dans tout le pays». Au cours des premiers mois de la pandémie, il y a eu une poignée de cas isolés où des personnes ont été enfermées chez elles pendant des quarantaines, mais dire que c’était «courant» est une déformation grossière de la réalité.

Margarido a poursuivi, il a averti que: «si les restrictions se poursuivent […] la colère accumulée contre la politique bureaucratique et dictatoriale de lutte contre le COVID […] pourrait donner lieu à de nouvelles manifestations plus importantes». Après avoir reconnu que la levée du Zéro-COVID provoquerait «une augmentation vertigineuse des cas», ainsi qu’une mort de masse qui éclipse les horreurs subies sous Jair Bolsonaro au Brésil, Margarido a néanmoins soutenu cette politique meurtrière, avec la justification cynique que «même la dictature la plus enracinée… ne peut pas dompter les crises cycliques du système capitaliste».

La seule déclaration publiée par le Comité pour une Internationale ouvrière (CWI) sur la levée du Zéro-COVID en Chine a été publiée le 29 novembre. Dénonçant les «dures politiques chinoises de “zéro Covid”» et le «recours souvent brutal aux fermetures brutales». Le CWI a approuvé les manifestations anti «Zéro-COVID», qu’il a décrites comme «un ressentiment qui brûle lentement contre les règles de fermeture toujours draconiennes qui ont explosé le week-end dernier».

La Ligue socialiste internationale (LSI) n’a publié aucune déclaration internationale sur la levée de la loi Zéro-COVID en Chine au cours des quatre derniers mois. Le seul article publié par un affilié national de la LSI est celui de Verónica O’Kelly, d’Alternativa Socialista-PSOL au Brésil, daté du 7 décembre. L’article commence par faire l’éloge des manifestations contre Zéro-COVID, qu’elle caractérise comme «rien de plus qu’un contrôle social extrême basé sur la persécution et la répression».

Après avoir falsifié le caractère des manifestations contre Foxconn et la «feuille blanche», O’Kelly écrit que Xi Jinping «a été contraint de céder et d’assouplir les mesures d’isolement et de distanciation sociale». Elle conclut son article en déclarant que «Les révolutionnaires du monde entier ont pour tâche de soutenir le courageux peuple chinois qui se soulève et d’être solidaires avec lui. Depuis LIS, nous sommes au service de cette tâche importante».

De nombreux articles similaires dénonçant le Zéro-Covid et falsifiant ce qui s’est passé en Chine en novembre ont été publiés dans pratiquement tous les médias de la pseudo-gauche internationale.

Socialist Alternative proteste contre le Zéro-COVID aux côtés d’une «organisation conservatrice pro-capitaliste».

La réponse la plus désordonnée et la plus ouvertement réactionnaire à la levée du Zéro-COVID en Chine est venue de l’Internationale Socialist Alternative (ISA) [2]. Cette organisation a accueilli avec enthousiasme une politique de mort massive en Chine, publiant de nombreux articles et organisant même des manifestations pour soutenir les protestations contre le verrouillage en Chine.

Le premier article de l’ISA a été rédigé par Vincent Kolo et Li Yong et publié le 29 novembre. Intitulé «La révolte de masse en Chine ― où en est-on?», il dénonce la «folie» du Zéro-Covid et déclare: «Après trois ans de contrôles et de bouclages “Zéro Covid” étouffants et d’une brutalité indicible, les gens ont atteint le point de rupture».

Kolo et Yong poursuivent: «Les demandes de droits démocratiques et de fin de la dictature se sont combinées. Avec l’indignation face à l’insistance insensée et non scientifique de la dictature à vouloir à tout prix tuer un virus impossible à tuer».

Le 30 novembre, Mick Barry, membre de Socialist Alternative, a prononcé un discours devant le Parlement irlandais (Dáil Éireann), dans lequel il déclarait notamment:

Je tiens à exprimer ma solidarité et celle de l’Alternative socialiste internationale avec les jeunes manifestants en Chine. … Ils réclament la liberté d’expression, la fin de la politique rigide et extrême du COVID et le respect des droits démocratiques.

Le 3 décembre, la branche de Socialist Alternative à New York a publié le tweet ci-dessous annonçant une manifestation qu’elle organisait le lendemain:

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Ce tweet et cette manifestation ont été vivement dénoncés, beaucoup commentant qu’ils étaient clairement coordonnés avec le Département d’Etat américain. Parmi les personnes citées comme «co-organisateurs» figure «Étudiants pour un Tibet libre» (Students for a Free Tibet), qui est publiquement répertorié comme ayant reçu neuf subventions de la Dotation nationale pour la démocratie des États-Unis (National Endowment for Democracy – NED) depuis 2016, pour un montant total de 480.810 dollars. La NED est connue comme la «deuxième CIA» en raison de ses liens étroits avec les agences de renseignement américaines.

Bien que le tweet qui annonçait la manifestation ait été largement critiqué, la dirigeante de Socialist Alternative, Kshama Sawant, l’a néanmoins partagé avec ses partisans, les encourageant ainsi à y participer. Depuis qu’elle a partagé ce tweet, Kshama Sawant est restée silencieuse sur la catastrophe qui s’est déroulée en Chine et sur la pandémie en général.

Le 7 décembre, l'ISA a publié un rapport sur son rassemblement à New York, ainsi que sur les rassemblements similaires qu'elle a organisés à Londres et à Taipei, intitulé «Les manifestations sont (en grande partie) réprimées en Chine, mais de façon décisive, elles se poursuivent à l'extérieur». L'auteur, Elan Axelbank, membre de la section de l'ISA en Angleterre, au Pays de Galles et en Écosse, écrit:

Notre branche de New York City rapporte que de nombreux participants soutenaient dans une certaine mesure le capitalisme, ainsi que l’impérialisme américain et occidental. L’une des organisations qui parrainaient se trouvait être le Parti démocratique de Chine, une organisation conservatrice procapitaliste composée des Chinois qui vivent aux États-Unis, mais n’ayant aucune base en Chine.

Axelbank a reconnu que la levée du Zéro-COVID tuerait un grand nombre de personnes, mais il a renchéri sur le soutien de l’ISA à cette politique meurtrière, en écrivant:

… il est tout à fait possible que la Chine soit frappée par une vague majeure de décès de COVID au cours des mois d’hiver, comme Hong Kong au début de cette année. Les scientifiques et les experts en matière de COVID estiment que si la politique du Zéro-COVID est levée, entre 1,5 et 2 millions de personnes pourraient mourir dans tout le pays, et certains disent même plus.

Mais, dans la nouvelle période ouverte par les récentes manifestations, les bouclages complets et de longue durée comme à Urumqi, qui ont duré plus de 100 jours, seront de plus en plus difficiles à appliquer pour l’État… C’est pourquoi la section Chine/Hong Kong/Taïwan de l’Alternative socialiste internationale a demandé ― au-delà de l’arrêt du zéro-covid ― des ressources massives pour construire et équiper le système de santé, intensifier le programme de vaccination, en particulier pour les personnes âgées, et la levée immédiate de l’interdiction des vaccins étrangers à ARNm.

L’appel de l’ISA au PCC pour qu’il développe les soins de santé et achète des vaccins à ARNm, une ligne défendue par l’ensemble des médias occidentaux et de nombreuses autres tendances de la pseudo-gauche est une tentative de couvrir leur promotion de la fin du Zéro-COVID. Mais la rapidité avec laquelle les infections et les décès massifs ont frappé la Chine était à la fois prévisible et prévue, et la mise en œuvre de ces demandes limitées n’aurait rien fait pour empêcher cette catastrophe.

À suivre.

(Article paru d’abord en anglais le 24 March 2023)