Macron impose sa réforme sans vote parlementaire, des manifestations éclatent à travers la France

Des manifestations ont éclaté hier soir à travers la France, après que le Premier ministre Elisabeth Borne a annoncé qu’elle imposerait la réforme de retraites de Macron sans vote parlementaire. La colère explose dans la classe ouvrière, qui entre dans une confrontation directe et d’une portée révolutionnaire avec le gouvernement Macron.

L’Etat-policier de Macron foule aux pieds la démocratie et le peuple. Il a ignoré l'opposition des trois-quarts des Français, et les grèves nationales de millions de travailleurs se qui poursuivent depuis deux mois maintenant. 60 pour cent des Français soutiennent une grève générale pour bloquer l'économie et forcer Macron à retirer ses coupes, et les grèves et les protestations se multiplient en France.

La police a attaqué des milliers de manifestants à Marseille, Lyon, Lille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Rennes, Brest, Dijon, Angers et Besançon. Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées place de la Concorde à Paris, face à des policiers lourdement armés. Des affrontements ont éclaté quandla police a chargé la manifestation: des incendies ont brûlé dans les rues du centre de Paris alors que les manifestants affrontaient les forces de l’ordre. Au moins 250 manifestants ont été arrêtés.

Une situation objectivement révolutionnaire émerge en France et dans toute l'Europe, où la lutte des classes éclate au milieu de la guerre OTAN-Russie en Ukraine. Des millions de personnes font grève contre l'inflation et l’austérité salariale en Allemagne et en Grande-Bretagne, les grèves se poursuivent aux Pays-Bas et au Portugal, et une grève générale a frappé la Grèce hier. La colère sociale prend des dimensions titanesques à travers l'Europe, mais Macron n'a rien d'autre à offrir qu’un déni de démocratie et la répression policière.

Hier matin, il a annoncé à son conseil des ministres qu'il activerait le 49-3. Cette mesure permet au gouvernement de forcer l'Assemblée à adopter des lois sans vote, à moins qu’elle ne vote pour faire chuter le gouvernement. L’annonce est intervenue alors qu’il devenait évident que Macron, dont le parti est minoritaire à l'Assemblée, n’avait pas assez de voix pour faire adopter sa réforme, à cause de réticences de parlementaires du parti de droite Les Républicains (LR).

Macron a déclaré que si l’Assemblée avait l’occasion de voter contre sa réforme, le résultat – sur fond de crise financière ouverte, de craintee de faillite des banques européennes, et de spéculations grandissantes sur la dette nationale française – serait catastrophique. Cela compromettrait non seulement les banques, mais sa tentative de financer son budget militaire de 413 milliards d'euros et sa participation à la guerre de l'OTAN contre la Russie en Ukraine en attaquant les retraites.

Macron a dit: «Mon intérêt politique et ma volonté politique étaient d’aller au vote. Parmi vous tous, je ne suis pas celui qui risque sa place ou son siège … Mais je considère qu’en l’état, les risques financiers, économiques sont trop grands».

Ainsi il a renoncé à son mensonge selon lequel sa réforme est dictée par la nécessité d'assurer la viabilité financière des retraites. C’est un vaste cadeau aux banques et à l’appareil militaire.

Le CAC-40, qui avait lourdement chuté en début de séance, a bondi après que Borne a annoncé le recours au 49-3. Les marchés s'attendant à de nouveaux profits, le CAC-40 a gagné plus de 120 points pour clôturer à nouveau au-dessus de la barre des 7.000.

Le gouvernement Macron compte imposer l’austérité, coûte que coûte. Borne a donné une interview au journal de 20h sur TF1, pour défendre son bilan, rejeter les questions de la presse sur l'opposition populaire, et promettre que la réforme sera appliquée.

L'intersyndicale, y compris les appareils de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et de la Confédération générale du travail (CGT) stalinienne, a tenu une brève conférence de presse hier soir. Ils ont appelé à une nouvelle journée de mobilisation, le 23 mars.

C'est une impasse pour les travailleurs de France et de toute l'Europe. Il n’y a rien à négocier avec Macron, qui fait fi de l'opinion et de la démocratie. Pour briser les tentatives de Macron d'appauvrir les travailleurs et de les entraîner dans la guerre, les travailleurs doivent d'abord ôter la lutte des mains des bureaucraties syndicales et construire des comités de la base, afin de mener une lutte politique pour faire chuter le gouvernement Macron.

Sur fond de panique générale au sein de l'establishment dirigeant français, les journalistes bourgeois et les politiciens de pseudo-gauche colportent l'idée que les travailleurs devraient se limiter à supplier Macron de changer d'avis, ou à supplier les parlementaires de censurer son gouvernement. C’est une tentative désespérée de gagner du temps, de donner à la bureaucratie syndicale l’occasion de contrôler la situation pour bloquer une lutte révolutionnaire contre Macron.

«C’est un début de quelque chose qui dérape … la démocratie représentative ne permet plus à dégager la voix du peuple», a commenté Natacha Polony, rédactrice de Marianne, sur BFM-TV, dont l'éditorialiste Bernard Duhamel a dit: «le risque que les syndicats ne tiennent plus. Est-ce que les centrales syndicales vont tenir?»

Les membres de la Nouvelle Union Populaire de Jean-Luc Mélenchon ont colporté l'illusion que Macron et l'élite dirigeante allaient soudain abandonner la réforme. 'Nous sommes dans une crise politique majeure', a déclaré la Verte Sandrine Rousseau, qui a proposé à LR de fournir les votes nécessaires à l’Assemblée pour forcer de nouvelles élections. A Macron, elle a lancé: «Il faut apaiser, le gouvernement a une responsabilité d’apaiser les choses».

«Il faut rétablir l'harmonie sociale. M. Macron doit revenir à la raison», a dit François Ruffin, dirigeant du parti de Mélenchon, la France insoumise (LFI).

Le dirigeant du PCF stalinien, Fabien Roussel s'est engagé à organiser une pétition pour recueillir quatre millions de signatures et demander à Macron de revenir sur sa réforme. «Quel président de la République prendrait la décision de s’asseoir dessus?» a-t-il demandé cyniquement.

C’est d'une escroquerie. Si Macron accepte de fouler aux pieds l'opposition de 50 millions de Français et de 3 millions de grévistes, il va rejeter sans difficulté 4 millions de signatures.

La bureaucratie syndicale signale également, dans ses discussions en coulisses avec le patronat, mais aussi désormais dans les médias, qu'elle fera tout son possible pour étouffer les travailleurs. Jean-Christophe Deprat, bureaucrate à Force ouvrière (FO)-RATP, s’est plaint «des risques de débordement. Ca risque de tourner au n’importe quoi».

«Une certaine insurrection est possible», a averti Frédéric Ben, bureaucrate de la CGT-Energie. «On combat la radicalisation des mouvements, (…) mais sur un piquet de grève, il n’y a pas que des (grévistes) CGT, et les agents, ils font ce qu’ils veulent.»

Par ces déclarations, les appareils syndicaux s'engagent à ne pas mobiliser l'opposition ouvrière aux prochaines mesures de répression de Macron. Hier déjà, les forces de l’ordre ont dispersé les piquets de grève des éboueurs parisiens et ont arrêté plusieurs syndiqués de la CGT-Energie pour avoir distribué de l'énergie gratuite aux foyers.

Seule l'organisation indépendante de la classe ouvrière, armée d'une perspective socialiste révolutionnaire, peut vaincre les tentatives de la bureaucratie d'étrangler les luttes ouvrières et de donner une victoire à Macron. Ce qui émerge en France n'est pas une crise nationale qui peut être résolue par des discussions avec le gouvernement Macron-Borne, ou par son remplaçant. C'est l'expression en France d'une crise économique et militaire insoluble du capitalisme mondial.

Cette crise ne peut être résolue par des réformes ou des manœuvres parlementaires, mais seulement par le transfert du pouvoir d'État aux organisations de lutte de la classe ouvrière, des comités de la base en France et à travers l'Europe et l'international, mobilisées pour bâtir une société socialiste.

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