L’effondrement de la Silicon Valley Bank (SVB) – la deuxième plus grande faillite bancaire en termes nominaux de l’histoire des États-Unis – et les turbulences actuelles du système bancaire, qui laissent entrevoir la possibilité d’autres faillites, sont une autre expression de la crise historique du capitalisme américain et mondial.
Cette corruption et cette décadence croissantes constituent la force motrice sous-jacente de deux développements interconnectés dans la politique américaine et mondiale: l’escalade rapide vers une troisième guerre mondiale et l’assaut continu et intensifié contre la classe ouvrière aux États-Unis et dans le monde, les classes dirigeantes cherchant à lui faire payer la crise existentielle de leur système de profit privé obsolète et réactionnaire.
Le gouvernement Biden s’engage à faire «tout ce qui est nécessaire» pour protéger l’argent et les richesses des investisseurs financiers, des spéculateurs et des riches. Cela met à nu une nouvelle fois la véritable nature des gouvernements capitalistes qui agissent comme les comités exécutifs chargés de gérer les affaires des élites au pouvoir.
Il n’y a pas d’argent pour la santé, l’éducation et les autres besoins sociaux vitaux de la classe ouvrière, actuellement frappés par la pire inflation depuis plus de quarante ans, mais des milliers de milliards de dollars peuvent être trouvés du jour au lendemain pour défendre les richesses de l’oligarchie financière.
En même temps, aucune dépense n’est épargnée pour développer les moyens nécessaires à la poursuite de la guerre: la guerre des États-Unis et de l’OTAN en Ukraine, dont l’objectif est de démembrer la Russie, et la campagne de guerre contre la Chine, que les États-Unis considèrent comme leur principal rival mondial.
Un lien profond et organique existe entre la débâcle de SVB et la possibilité d’une implosion du système financier et la campagne de guerre.
Des crises financières continuent d’éclater, malgré toutes les affirmations des régulateurs et des autorités financières selon lesquelles on a tiré des leçons et des mesures de sécurité sont mises en place. Cela est l’expression du déclin historique de la puissance économique de l’impérialisme américain, qu’il cherche à résoudre par des moyens militaires.
L’analyse perspicace de Léon Trotsky en 1928 vient à l’esprit. Il a noté que le caractère agressif de l’impérialisme américain apparaîtrait plus ouvertement brutal dans les conditions de son déclin historique que dans les conditions de son ascension, aussi sanglante et violente qu’elle ait été.
La disparition de SVB et les ondes de choc qu’elle provoque dans le système financier, dont on ne voit pas encore toutes les conséquences, sont une autre expression de la dynamique essentielle, on pourrait dire une loi du mouvement, du capitalisme américain qui s’exprime.
En retraçant l’évolution des 50 dernières années, cette dynamique apparaît clairement: les mesures prises par la classe dirigeante et son État pour tenter d’éviter ou d’atténuer une crise à un moment donné ne font que créer les conditions de son éclatement, sous une forme encore plus violente, à un autre moment.
En août 1971, en réponse au déclin de la position du capitalisme américain par rapport à ses rivaux, le président américain Nixon a retiré la garantie or du dollar américain, mettant ainsi fin au système monétaire d’après-guerre.
L’une des conséquences de cette décision, prise pour consolider la position des États-Unis, a été d’alimenter la croissance de la spéculation financière. Cela a de plus en plus caractérisé le mode de fonctionnement du capitalisme américain tout au long des années 1980, tandis que des pans entiers de l’industrie qui avaient constitué la base du boom de l’après-guerre étaient détruits.
En octobre 1987, la crise qui se développait à la suite de ces mesures a éclaté sous la forme d’un krach à Wall Street, qui reste la chute la plus importante de l’histoire en une seule journée (plus de 22 pour cent).
La garantie donnée par le président de la Réserve fédérale américaine, Alan Greenspan, en réponse à cette crise, connue sous le nom de «Greenspan put», que la Réserve fédérale américaine soutiendrait les marchés financiers a conduit à une orgie de spéculation au cours des deux décennies suivantes, qui a débouché sur l’éclatement de la crise financière américaine et mondiale de 2008.
La Réserve fédérale et le gouvernement américain ont alors organisé un sauvetage des banques à hauteur de centaines de milliards de dollars, tandis que le taux de chômage dépassait les 10%, que les familles de la classe ouvrière perdaient leur logement, et que les conditions de travail se dégradaient, notamment en raison de la généralisation des systèmes de salaires à deux vitesses mise en oeuvre par le gouvernement Obama avec la collaboration des syndicats.
Dans le sillage de la crise, la Réserve fédérale a lancé son programme d’assouplissement quantitatif, consistant à injecter des milliers de milliards de dollars dans le système financier en achetant des obligations du Trésor et des titres adossés à des créances hypothécaires. Au lieu de mettre fin à la spéculation effrénée qui avait précipité le krach de 2008, la banque centrale, principale division financière de l’État capitaliste, l’a alimentée davantage.
Ainsi, lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé au début de l’année 2020, le gouvernement Trump, soutenue par les démocrates, a refusé d’instituer les mesures de santé publique nécessaires, craignant qu’elles ne fassent éclater la bulle spéculative.
Au lieu de cela, la Réserve fédérale a injecté encore plus d’argent après le gel financier de mars 2020, lorsque, pendant plusieurs jours, il n’y avait plus de marché pour la dette publique américaine, censée être l’actif financier le plus sûr au monde qui alimentait ainsi encore plus la spéculation et le parasitisme financier.
Mais cette opération a eu des conséquences sur l’économie réelle: le refus d’éliminer le COVID, l’injection de quatre mille milliards de dollars dans le système financier, la spéculation effrénée et les profits éhontés des grands négociants en matières premières et les entreprises alimentaires géantes, ainsi que l’offensive militaire contre la Russie en Ukraine se sont combinés pour déclencher le taux d’inflation le plus élevé depuis quarante ans.
Craignant les conséquences d’une hausse des salaires de la classe ouvrière, ennemi juré du système financier, la Réserve fédérale a alors changé de cap et entamé les hausses de taux les plus fortes depuis le début des années 1980 pour tenter de l’écraser.
Ces mesures ont créé les conditions d’une nouvelle crise financière, comme le montre l’effondrement de la SVB. Comme tant d’autres banques et sociétés financières, la SVB, qui était étroitement liée au secteur des hautes technologies en Californie, s’est gavée de l’argent bon marché fourni par la Fed en 2020 et 2021.
Elle disposait de tellement de liquidités qu’elle a dû en placer une grande partie dans des obligations du Trésor et des titres adossés à des créances hypothécaires, des actifs censés d’être ultra-sûrs.
Avec le passage de la Réserve fédérale à un régime de taux d’intérêt plus élevés, pour prétendument lutter contre l’inflation, mais en réalité pour réprimer la classe ouvrière, par le biais d’une récession s’il le fallait, la situation s’est brusquement inversée.
La valeur de marché des obligations détenues par la SVB a chuté avec la hausse des taux d’intérêt, de sorte que l’on a estimé que ses obligations perdaient 1 milliard de dollars pour chaque hausse de 25 points de base (0,25 point de pourcentage) du taux des fonds fédéraux, qui a maintenant été relevé d’environ 450 points de base.
Cet effondrement de la base d’actifs a conduit à une liquidation de 42 milliards de dollars de la banque, ce qui a entraîné sa faillite.
Les circonstances de la SVB ne se reproduisent pas partout. Mais tous les secteurs du système financier, la force dominante de l’économie capitaliste, sont devenus si dépendants de l’afflux d’argent bon marché qu’ils sont maintenant lourdement touchés par les hausses de taux d’intérêt, dont les effets commencent à peine à se faire sentir.
Quelles en sont les conséquences? Elles découlent de la nature même du capital financier.
À première vue, il semble être en mesure de créer des quantités toujours plus importantes d’argent à partir de l’argent lui-même.
Mais cette forme d’apparence masque une réalité plus profonde. Le capital financier ne crée pas de valeur supplémentaire ou nouvelle. En dernière analyse, il s’agit d’une revendication sur la plus-value extraite de la classe ouvrière dans le processus de production capitaliste.
Ainsi, tout en cherchant continuellement à s’échapper vers un royaume où l’argent engendre plus d’argent, le capital financier s’efforce toujours d’intensifier l’exploitation de la classe ouvrière, surtout en temps de crise, comme l’expérience de 2008 l’a si bien démontré.
Dans le même temps, poussés par l’aggravation de la crise économique et sociale, le gouvernement et l’État capitaliste doivent faire payer la guerre à la classe ouvrière en procédant à des coupes massives dans les dépenses sociales.
Dans chaque crise, les deux principales classes de la société s’alignent de plus en plus directement sur leurs intérêts matériels fondamentaux. Le programme de la classe dominante se développe en conséquence: opérations de sauvetage de l’oligarchie financière combinées à la guerre et à la contre-révolution sociale.
La classe ouvrière est également amenée à se heurter à l’ensemble de l’appareil du système capitaliste. Cependant, pour que cette lutte soit couronnée de succès, quelle que soit la profondeur de la crise de la classe dirigeante et de son système, la classe ouvrière doit être politiquement armée d’un programme et d’une perspective clairs: la conquête du pouvoir politique et la construction d’une économie socialiste.
Et surtout, elle doit avoir à sa tête un parti révolutionnaire. L’effondrement de la SVB et l’approfondissement de la crise du capitalisme qu’il exprime sont donc un appel à la construction du Comité international et de ses sections aux États-Unis et dans le monde.
(Article paru en anglais le 14 mars 2023)