Perspective

Non à la réforme des retraites et à la guerre, faisons chuter le gouvernement Macron!

Mardi, 3 millions de travailleurs ont fait grève et défilé en France pour bloquer l’économie et stopper les réformes de Macron. Ce mouvement de masse, le plus important en France depuis la grève générale de mai-juin 1968, revêt un caractère historique. Une confrontation aux implications révolutionnaires émerge entre la classe ouvrière et le gouvernement Macron.

Le secteur public, cheminots et les transports en commun, les centrales électriques et les raffineries, mais aussi l'automobile, de l'aérospatiale et de la construction navale ont vu des grèves massives. Les étudiants ont bloqué des universités dans des villes à travers la France et ont envoyé des délégations défiler aux côtés des grévistes. Les grèves se poursuivent dans les raffineries et les dépôts de carburant pour couper l'approvisionnement en pétrole et forcer Macron à capituler.

La colère ouvrière explose, bien au-delà des millions de personnes qui ont défilé. Les trois quarts des Français s'opposent à la réforme, qui détournerait des dizaines de milliards d'euros des retraites pour faire des cadeaux fiscaux aux riches et augmenter le budget militaire à 413 milliards d'euros, alors que l’OTAN intensifie la guerre contre la Russie en Ukraine. Six Français sur dix souhaitent que les grévistes bloquent l'économie pour vaincre Macron.

Le Parti de l'égalité socialiste (PES), section française du Comité international de la IVe Internationale (CIQI), avance les revendications suivantes :

1) La classe ouvrière doit faire chuter le gouvernement Macron. Malgré l’opposition écrasante, Macron appauvrit des travailleurs tout en attisant une guerre entre des États dotés de l'arme nucléaire. Son gouvernement n'est pas un régime démocratique qui peut être réformé, mais l'outil impénitent d'une oligarchie financière implacablement hostile envers les masses.

2) Mettre fin à la guerre menée de l'OTAN contre la Russie en Ukraine, qui menace de faire éclater une guerre totale à travers l'Europe et le monde, avec l'utilisation d'armes nucléaires. Sans stopper cette guerre, il sera impossible d’opérer le transfert nécessaire de milliards d’euros de la machine de guerre au financement des besoins sociaux essentiels.

3) Saisir les fonds publics des plans de relance qui enrichissent l'aristocratie financière et alimentent une inflation dévastatrice à l'échelle mondiale. Ces plans de relance ont augmenté le patrimoine des milliardaires français de 200 milliards d'euros depuis le début de la pandémie en 2020. Ces fonds publics doivent servir aux besoins sociaux des masses et à mettre les grandes industries sous contrôle public afin qu’elles fournissent emplois et services abordables aux travailleurs.

4) Surtout, étendre les grèves au-delà des frontières de la France, à travers l'Europe et le monde en une révolte contre les appareils syndicaux pro-capitalistes. Dans une économie mondialisée dirigée par des sociétés transnationales, alors que les élites dirigeantes ont déjà entraîné la Russie, l'Ukraine et l'OTAN dans une guerre, aucune des revendications essentielles de la classe ouvrière ne sera réalisée en mobilisant les travailleurs à l'intérieur d'un seul pays.

Le mouvement en France fait partie d'une situation objectivement révolutionnaire qui émerge dans toute l'Europe, traversée de grèves de masse. Des millions de travailleurs défilent contre l'inflation et l'austérité salariale en Allemagne et en Grande-Bretagne et pour défendre la santé en Espagne. Des grèves nationales de cheminots sont en cours en Belgique, en Italie et en Grèce où, après un horrible accident de train qui a coûté la vie à 57 personnes un mouvement explosif s'est développé contre toute l'élite dirigeante qui poursuit depuis des décennies une violente politique d’austérité.

En Turquie, la colère monte contre la complicité de l'ensemble de l'establishment politique dans la construction de logements insalubres qui ont fait des dizaines, voire des centaines de milliers de morts lors des tremblements de terre turco-syriens en février. Alors qu'il dépense des milliards pour la guerre, le gouvernement n'a pas réussi à organiser ne serait-ce que des recherches pour retrouver les victimes enfouies sous les décombres.

Ce n’est pas d'une série de luttes syndicales à résoudre par un « dialogue social » avec tel ou tel État national. Elles sont le produit d'une crise internationale mortelle du capitalisme. Partout, les travailleurs se mobilisent contre les mêmes problèmes mondiaux : l'inflation, l'austérité, la dégradation de l'environnement, la répression et la guerre; partout, ils sont menacés ou attaqués par les forces de l’ordre au service de gouvernements discrédits. Cette situation va déclencher des explosions révolutionnaires non seulement en France, mais aussi dans toute l'Europe et au-delà.

On ne peut laisser la tâche de faire chuter Macron à l'establishment politique français et à des forces visant à introduire un nouveau régime capitaliste. Il faut l’accomplir par la lutte ouvrière pour le pouvoir, pour renverser le capitalisme et l'Union européenne et construire les Etats-Unis socialistes d'Europe.

Le PES s'oppose aux tentatives de subordonner les initiatives ouvrières aux bureaucraties syndicales nationales. Il appelle à la formation de comités de la base, indépendants des appareils, afin de coordonner les luttes et l'action politique de la classe ouvrière en France et à l'échelle internationale.

Cela place le PES dans une opposition irréconciliable à la pseudo-gauche petite-bourgeoise. Tous s'adaptent à la guerre en Ukraine ou la soutiennent ouvertement, s'efforçant de retarder l'explosion sociale à venir et, si elle ne peut être évitée, de bloquer une lutte ouvrière pour le pouvoir. Alors que le chef de la CGT, Philippe Martinez, se vante de visites « de courtoisie » avec le Premier ministre Elisabeth Borne, le dirigeant de La France Insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, lance un appel à Macron pour qu'il organise un référendum ou des élections.

Juan Chingo, un chef de la fraction dissidente Révolution permanente du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) pabliste, a exposé la perspective pro-capitaliste qui anime ces forces. Dans une interview publiée ce week-end, Chingo a déclaré : «La situation n’est pas révolutionnaire, je suis d’accord avec ce constat.»

Il a encensé la démocratie sous le capitalisme en proposant une réforme constitutionnelle du parlementarisme français. Selon lui, sa réforme devrait « développer des éléments d’un … programme démocratique, comme la création d’une Assemblée unique, à la fois législative et exécutive ». Le but, a-t-il ajouté, serait d’aider « le mouvement de masse à faire une expérience avec la démocratie représentative bourgeoise ».

C’est un piège politique pour la classe ouvrière. Il n'y a pas d'accord à conclure avec Macron. Quant à l'objectif d'aider les travailleurs à faire l'expérience de la démocratie représentative capitaliste, il est réactionnaire et faux pour une raison essentielle : L'oligarchie capitaliste ne peut pas davantage représenter démocratiquement le peuple en 2023 que l'aristocratie féodale ne le faisait au début de la Révolution française de 1789.

Appeler comme Chingo à concentrer les pleins pouvoirs dans une seule assemblée sous un régime capitaliste, c’est proposer une dictature parlementaire réactionnaire. Un fait le souligne de manière frappante : La figure que la bourgeoisie française met comme principale rivale de Macron est la néo-fasciste Marine Le Pen.

Le PES lutte pour construire des comités de la base parmi les travailleurs et les jeunes, pour les mobiliser indépendamment des bureaucrates et des charlatans de pseudo-gauche qui se donnent pour des révolutionnaires tout en soutenant le capitalisme. La nécessité d'une telle politique découle des grandes expériences du mouvement trotskiste dans les luttes révolutionnaires du 20ème siècle.

À maintes reprises, les luttes en France ont servi d'indicateur révolutionnaire pour le monde. La grève générale française de mai-juin 1936 a été la dernière grande occasion pour la classe ouvrière d'éviter l'éclatement d’une Seconde Guerre mondiale ; cette grève a ensuite inspiré des millions de travailleurs qui ont lancé grèves et insurrections armées contre le régime fasciste en Europe occupée. La grève générale de mai-juin 1968 a déclenché une vague internationale de luttes qui a fait chuter les gouvernements en Grèce, au Portugal, en Grande-Bretagne et en Espagne.

Mais à plusieurs reprises, les travailleurs français ont accumulé d’amères expériences avec la trahison d’opportunités révolutionnaires. Les travailleurs ont laissé l'initiative révolutionnaire leur échapper et tomber aux mains d’appareils syndicaux liés aux partis capitalistes. Les bureaucrates ont ensuite vendu les luttes ouvrières afin d'éviter la révolution. Ceci a produit des défaites désastreuses.

En 1936, le Front populaire (alliance du Parti radical bourgeois, des sociaux-démocrates et du Parti communiste stalinien), a bloqué l’offensive ouvrière avec les concessions dans les accords de Matignon. Le gouvernement a ensuite lancé une campagne de réarmement et une autre, de calomnies visant Trotski. Il a aussi réprimé les grèves qui ont éclaté contre le cadre des accords de Matignon. Cela a ouvert la voie à une nouvelle guerre mondiale, à la défaite de la France en 1940 et à l’instauration par l'establishment politique français de la collaboration avec le nazisme.

En 1968, l’appareil de la CGT et le PCF stalinien ont travaillé pendant des semaines pour mettre fin à la grève générale et imposer aux ouvriers les accords de Grenelle avec l'État capitaliste. Avec divers renégats pablistes du trotskisme, ils ont soutenu le tout nouveau Parti socialiste (PS) de l'aventurier bourgeois ex-collaborationniste François Mitterrand. Toutefois, dès son arrivée au pouvoir en 1981, le PS s'est révélé être un outil d'austérité et de guerres néocoloniales. C'est de ce parti que Macron (et Mélenchon, qui s'est proposé comme premier ministre de Macron) ont émergé.

En 1935, Trotsky a expliqué la nécessité de créer des comités d'action dans la base pour éviter de telles trahisons par la bureaucratie. S'appuyant sur l'expérience des comités ouvriers (soviets) qui ont pris le pouvoir lors de la révolution d’Octobre 1917 en Russie, il a appelé à la formation de tels comités avant la grève générale de 1936. Dans 'Comités d'action, pas de front populaire', il s'oppose à l'alliance entre le stalinisme, les sociaux-démocrates « de gauche » comme Marceau Pivert et le Parti radical bourgeois. Il écrit :

Les réformistes et plus encore les staliniens craignent les radicaux. L'appareil du front unique joue tout à fait consciemment le rôle de désorganiser systématiquement les mouvements spontanés des masses. Et les 'gauchistes' du type Marceau Pivert ne font que protéger cet appareil de la colère des masses. On ne peut sortir de cette situation que si l'on aide les masses en lutte, et, dans le processus même de la lutte, à créer un appareil nouveau qui réponde aux nécessités de l'heure. C'est précisément en cela que réside la fonction des comités d'action. … La première condition pour ce faire comprendre soi-même clairement la signification des comités d'action comme l'unique moyen la briser la résistance anti-révolutionnaire des appareils des partis et des syndicats.

Ces lignes résonnent 88 ans plus tard, alors que l'Europe et le monde sont au bord d'une nouvelle guerre mondiale et qu'une colère ouvrière explosive monte à travers le monde. Les possibilités révolutionnaires d'arrêter la guerre, d'élever le niveau de vie et de créer une société socialiste sont énormes. Mais pour agir sur ce potentiel, il faut bâtir l'Alliance internationale des travailleurs des comités de base (IWA-RFC) et à la construction de sections du CIQI en tant qu'avant-garde ouvrière révolutionnaire, luttant pour le socialisme et les États-Unis socialistes d'Europe.

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