Vendredi soir, après des semaines de protestations de la part de la famille et des membres de la communauté, la ville de Memphis, dans le Tennessee, a diffusé des images vidéo qui montrent le passage à tabac fatal de Tyre Nichols par la police le 7 janvier.
Les images des caméras corporelles de la police et d’une caméra fixe située à proximité du lieu de l’agression policière montrent l’agression sauvage de Tyre Nichols par au moins cinq policiers de Memphis, qui a entraîné son hospitalisation et sa mort trois jours plus tard.
Les images macabres, regardées par des millions de personnes à travers les États-Unis, ont provoqué un choc et une indignation, qui a déclenché des manifestations à Memphis, Atlanta, New York, Washington DC et dans d’autres villes. Les protestations devraient se poursuivre pendant le week-end et s’étendre à d’autres villes. Vendredi soir, la police aurait arrêté des manifestants à Times Square, à New York.
Ce père de famille de 29 ans et travailleur de FedEx a été attaqué après avoir été arrêté, prétendument pour une infraction au Code de la route, par des membres de l’unité Scorpion («Street Crimes Operation to Restore Peace In Our Neighborhoods») du département de police de Memphis, créée à l’automne 2021 par l’administration démocrate de la ville.
Conduisant des véhicules banalisés, les policiers ont avancé de manière agressive vers le véhicule de Nichols et ont encerclé l’homme terrifié et complètement innocent. Comme Nichols, tous les policiers impliqués – Demetrius Haley, Tadarrius Bean, Emmitt Martin III, Desmond Mills et Justin Smith – étaient afro-américains.
La vidéo montre que Nichols a couru après avoir été encerclé par la police, qui a tenté de le neutraliser avec un taser. La police a rattrapé Nichols et l’a violemment battu pendant de nombreuses minutes, à l’aide de matraques, de tasers, de coups de poing et de coups de pied. Pendant que la police l’agressait, Nichols, qui se trouvait à environ 100 mètres de la maison de sa mère, a crié à plusieurs reprises pour appeler sa mère et a demandé pourquoi on l’attaquait.
Les policiers se sont relayés pour se moquer de Nichols et le rouer de coups jusqu’à ce qu’il perde connaissance. On pouvait les entendre crier: «Donne-moi tes put**** de mains» et «oh que je vais te matraquer».
La vidéo de la caméra fixe montre que, pendant plus de 25 minutes, il y avait au moins une douzaine de policiers alors rassemblés sur les lieux qui ont tous refusé d’offrir une aide médicale ou d’emmener la victime inconsciente à l’hôpital.
Dans une tentative d’apaiser la colère avant la diffusion de la vidéo vendredi, le département de la police de Memphis a annoncé le licenciement des cinq policiers qui ont tué Nichols. Jeudi, le procureur du comté de Shelby a retenu contre eux plusieurs chefs d’accusation, dont meurtre au second degré, enlèvement et oppression. Les cinq policiers ont été placés en détention à la prison du comté de Shelby jeudi, mais à ce jour, quatre d’entre eux ont été libérés sous caution.
Le meurtre de Nichols est le dernier d’une série interminable de meurtres commis par la police. Depuis le début de l’année, au moins 79 personnes ont été tuées, selon un système de suivi tenu par le Washington Post. À ce rythme, soit environ trois meurtres par jour, 2023 atteindra ou dépassera le bilan de 2022, soit plus de 1.100 personnes tuées par des policiers aux États-Unis.
Le passage à tabac mortel de Nichols par cinq policiers afro-américains met à mal le récit racialiste de la violence policière avancé par le Parti démocrate et ses alliés de la politique identitaire et raciale. Elle fait voler en éclats l’affirmation selon laquelle la réponse aux brutalités policières consiste à «diversifier» les services de police.
La violence policière, comme tout autre mal social sous le capitalisme, est fondamentalement une question de classe. Aux États-Unis, plus de Blancs sont tués par la police que de Noirs ou d’Hispaniques, bien que les personnes de couleur soient tuées en nombre disproportionné par rapport à leur pourcentage de la population. Le racisme joue un rôle, mais un rôle secondaire par rapport à la classe sociale. La police est recrutée dans les couches les plus arriérées de la population, et les services de police sont connus pour être truffés d’éléments fascistes et suprématistes blancs, dont de nombreux vétérans des guerres impérialistes des États-Unis dans le monde.
Ce que l’écrasante majorité des victimes de violences et de meurtres policiers ont en commun, c’est qu’elles font partie de la classe ouvrière. Le racisme est lui-même une arme idéologique et politique utilisée depuis longtemps par la classe capitaliste pour diviser la classe ouvrière, conformément à la stratégie «diviser pour régner».
Les politiques racialistes renforcent cette stratégie de la classe dominante. Memphis en est un exemple clair. La deuxième plus grande ville du Tennessee a une population de 635.000 habitants, dont plus de 65 pour cent s’identifient comme afro-américains. Environ 56 pour cent des policiers s’identifient également comme Afro-Américains, y compris la chef de la police, Cerelyn Davis. Quatre mois après avoir prêté serment comme chef de la police, le 14 juin 2021, Davis a créé l’unité Scorpion qui est devenue célèbre pour ses méthodes brutales et répressives.
La tragédie de Tyre Nichols souligne l’impasse de la subordination de l’opposition sociale des travailleurs et des pauvres au Parti démocrate et à ses promesses de «réforme» de la police.
Après le meurtre de George Floyd par la police en mai 2020, des millions de jeunes, d’étudiants et de travailleurs de toutes origines ethniques ont défilé ensemble en opposition à la violence policière dans les villes des États-Unis, ainsi que dans des pays du monde entier. Le Parti démocrate et ses alliés sont intervenus pour faire dérailler les manifestations selon des critères racialistes et les canaliser derrière les campagnes électorales de politiciens démocrates, dont Joe Biden, alors candidat à la présidence.
Au cours des presque trois années qui se sont écoulées depuis le meurtre de Floyd par la police, on a dépensé des milliards de dollars pour les services de police du pays, et les meurtres de travailleurs et de pauvres de toutes origines se sont poursuivis sans relâche.
En juin 2021, cinq mois après son entrée en fonction, le président Biden a annoncé que les États et les localités pourraient utiliser n’importe quelle partie des 350 milliards de dollars de fonds de secours en cas de pandémie qui leur sont alloués dans le cadre du plan de sauvetage américain de 1900 milliards de dollars pour financer leurs services de police.
Lors d’un discours prononcé en mars dernier pour dévoiler son budget 2023, Biden a déclaré: «La réponse n’est pas de définancer nos services de police. C’est de financer notre police et de lui donner tous les outils dont elle a besoin… Le budget met plus de policiers dans les rues pour la police de proximité afin qu’ils apprennent à connaître la communauté qu’ils surveillent».
Un exemple de cette «police de proximité dans les rues» est l’unité Scorpion à Memphis.
Dans les conditions d’une crise économique, sociale, politique et géopolitique sans précédent du système capitaliste mondial, marquées par la marche vers la guerre mondiale, la croissance des forces fascistes et l’effondrement des formes démocratiques de gouvernement, et la reprise à l’échelle mondiale des luttes de la classe ouvrière, les oligarchies dirigeantes doivent faire appel aux forces répressives de l’État pour défendre leur richesse et leur pouvoir.
Comme l’explique Engels, la police est l’un des «corps spéciaux d’hommes armés» de l’État capitaliste. Elle existe pour réprimer la résistance de la classe ouvrière, avec toute la violence nécessaire, pour défendre la propriété et la richesse de l’oligarchie au pouvoir.
Dans une société aussi catastrophiquement inégalitaire que les États-Unis, il est impossible de gouverner sans la sauvagerie de la violence policière, qui se retournera de plus en plus contre les travailleurs en grève.
Mettre fin à la violence policière exige l’unification de la classe ouvrière armée d’une compréhension politique que la défense des droits démocratiques, y compris le droit à la vie lui-même, exige une lutte pour mettre fin au capitalisme et réorganiser la société sur une base égalitaire, c’est-à-dire socialiste.
(Article paru en anglais le 28 janvier 2023)