L’attaque de drone contre un aérodrome à Koursk mardi marque une escalade majeure dans la guerre que l’OTAN mène contre la Russie. Elle survient un jour seulement après que la Russie a accusé Kiev de lancer des attaques de drones sur deux aérodromes militaires en plein territoire russe.
L’attaque, qui a eu lieu à 100 km de la frontière ukrainienne, n’a fait aucune victime. Mais un incendie majeur s’est déclaré lorsque des citernes de pétrole, qu’on croit avoir été touchées, ont brûlé. L’incendie a duré 10 heures et s’est étendu sur près de 5.500 pieds carrés.
L’emplacement des attaques et leur mise en œuvre mettent une fois de plus en évidence l’implication directe des États-Unis.
Les responsables russes avaient déjà imputé à Kiev les attaques de lundi contre deux bases aériennes à Riazan et Saratov, en Russie centrale et méridionale. On estime qu’elles impliquaient des drones russes Strizh modifiés de l’ère soviétique, lancés par l’Ukraine. Trois militaires ont été tués et quatre blessés; deux avions ont été endommagés. Les bombardiers frappés à l’aérodrome Engels-2 et à la base aérienne de Dyagilevo étaient tous deux à capacité nucléaire. Des images de Dyagilevo montrent un bombardier Tu-22M3 à capacité nucléaire, dont la queue est endommagée, avec un missile Kh-22 suspendu sous son aile.
Le ministère russe de la Défense a déclaré que les attaques de lundi étaient des actes de terrorisme et a réagi en bombardant des infrastructures clés ukrainiennes.
Des drones ukrainiens présumés ont également attaqué l’aéroport militaire de Belbek à Sébastopol mais ont été abattus par la défenses aérienne russe, tandis que des drones visaient également sans succès un dépôt de carburant de la région de Briansk, selon des sources russes.
Briansk, Koursk et Belgorod, situés tout près de la frontière avec l’Ukraine ont tous été attaqués de nombreuses fois. Mais les dernières attaques et les cibles choisies impliquent clairement une vaste collecte de renseignements et une collusion de haut niveau.
L’analyste militaire ukrainien Serhiy Zgurets note sur le site Web d’Espreso TV que les bases aériennes touchées étaient les seules installations russes capable d’assurer l’entretien complet des bombardiers utilisés pour les attaques visant l’Ukraine. Le gouvernement ukrainien a refusé de reconnaître publiquement les frappes, mais un haut responsable ukrainien a confirmé au New York Times qu’au moins un des drones avait été lancé depuis l’Ukraine et qu’une des frappes avait été effectuée à l’aide de forces spéciales proches de la base russe.
Ces cibles sont les plus lointaines que les Ukrainiens aient jamais frappées en Russie durant tout le conflit. L’une des bases aériennes, Ryazan, n’est qu’à 115 miles [185 km] au sud-ouest de Moscou. Saratov est à environ 400 miles [640 km] de la frontière ukrainienne. Les commentateurs militaires russes ont souligné que si l’Ukraine pouvait frapper aussi loin en territoire russe, elle pouvait aussi frapper Moscou. La correspondante de Sky News à Moscou, Diana Magnay, a déclaré qu’il y avait «beaucoup de questions maintenant sur comment l’Ukraine avait réussi à le faire», avant de suggérer une «défaillance du contre-espionnage en Russie ayant permis un drone depuis l’intérieur de la Russie, peut-être avec l’aide de collaborateurs ukrainiens».
La chaîne a rapporté des commentaires officieux de hauts responsables occidentaux se vantant que de telles attaques en territoire russe avaient porté un puissant coup psychologique «montrant bien» que les forces ukrainiennes pouvaient « opérer en Russie à volonté.» Selon le ministère britannique de la Défense la Russie considérerait probablement ces attaques comme «l’un des échecs les plus importants sur le plan stratégique en matière de protection des forces depuis son invasion de l’Ukraine».
Le New York Times s’est réjoui de ce que ces attaques «s’ajoutaient aux signes indiquant que Kiev souhaitait rapprocher la guerre de Moscou et du président Vladimir V. Poutine», qu’elles avaient «modifié la géographie de la guerre, montré les défaillances des systèmes de défense aérienne de Moscou et signalé la détermination de Kiev à faire payer à la Russie un prix plus fort pour son assaut incessant des infrastructures ukrainiennes».
La capacité de l’Ukraine à mener de telles attaques ne serait inexplicable que si Kiev ne pouvait compter sur le réseau d’espionnage de Washington et ses nombreux contacts accumulés en Russie durant des décennies. Cela place ces dernières attaques parmi les «succès» ukrainiens en nombre nombre croissant et les provocations plus secrètes, conçus collectivement pour prolonger et intensifier la guerre.
Cela inclut:
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Le bombardement des pipelines Nord Stream 1 et 2, mettant fin au transit du gaz naturel russe par la mer Baltique vers l’Allemagne.
Les explosions dans le port naval de Sébastopol le 29 octobre, impliquant également apparemment des drones, qui ont partiellement détruit un pont.
Les explosions du 15 novembre dans un village agricole polonais qui ont tué deux civils.
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Chacune de ces actions pue la participation secrète des États-Unis et de l’OTAN, chacune étant plus irresponsable et potentiellement plus dangereuse que la précédente.
Le bombardement de Nord Stream a privé la Russie de revenus vitaux et a confirmé son isolement des marchés européens après que la Maison-Blanche eut dénoncé l’Allemagne pendant des mois. Les conséquences des efforts de l’Ukraine pour faire porter à la Russie la responsabilité de son attaque à la roquette contre la Pologne, Kiev demandant à l’OTAN d’invoquer l’article 5 (qui oblige les États membres à la défense mutuelle), étaient si graves que le président américain Joe Biden est intervenu pour s’opposer à ce qui aurait signifié le passage immédiat à une guerre directe avec la Russie, à laquelle les États-Unis n’étaient pas encore prêts.
Les dernières frappes au cœur du territoire russe pourraient avoir été orchestrées par des sections de l’élite militaire, du renseignements et de la politique aux États-Unis, qui poussent à une telle issue – peu importe les conséquences potentiellement désastreuses d’une telle politique de la corde raide.
Commentant les attaques, le New York Times écrit qu’il y a «peu de place pour une escalade» de la part de la Russie. Il cite ainsi Mick Ryan, officier de l’armée australienne en retraite, à propos des frappes ukrainiennes: «Ce n’est pas, comme certains ne manqueront pas de le prétendre, une escalade. Mais c’est une mesure politique et militaire nécessaire pour l’Ukraine afin de limiter les dégâts humanitaires des attaques brutales de drones et de missiles de la Russie».
Cette déclaration est absurde. Ces attaques de l’Ukraine, coordonnées avec les États-Unis, constituent une escalade majeure de la guerre. Les États-Unis, ayant fomenté et provoqué une guerre qui a déjà tué des dizaines de milliers d’Ukrainiens, ont franchi non seulement les «lignes rouges» de la Russie mais encore les leurs.
Chaque fois que les États-Unis ont affirmé qu’ils ne feraient pas quelque chose en Ukraine, ils sont allés de l’avant et l’ont fait.
En mai, Biden a publié une tribune dans le New York Times intitulée «Ce que l’Amérique fera et ne fera pas en Ukraine» où il déclarait: «Nous n’encourageons ni ne permettons à l’Ukraine de frapper au-delà de ses frontières». Or, c’est précisément ce que Washington a fait. Il a fourni à l’Ukraine informations, armes et soutien logistique lui permettant de frapper au cœur du territoire russe.
Un schéma se dessine, dans lequel les États-Unis et l’OTAN continuent de faire pression sur la Russie pour tester jusqu’où ils peuvent aller sans provoquer de réaction de la part du régime de Poutine.
Il est clair qu’exercer une pression économique, militaire et politique toujours plus forte sur la Russie exacerbera les divisions entre les oligarques et ouvrira la possibilité d’un changement de régime interne à travers quelque révolution de palais. L’assassinat de l’idéologue fasciste russe Daria Dugina a clairement averti les oligarques russes que la punition pour avoir soutenu Poutine va potentiellement au-delà de sanctions et de la saisie de biens. Les renseignements utilisés par l’Ukraine dans sa dernière offensive pourraient au bout du compte provenir de partisans russes bien placés, ayant déjà des liens avec Washington, et qui font pression pour un règlement du conflit à tout prix.
Dans le même temps, certaines forces dans l’oligarchie russe poussent à une réponse beaucoup plus agressive de la part de l’armée russe.
L’escalade incessante et irresponsable de la guerre par les États-Unis comporte le risque que le gouvernement russe réponde par une escalade majeure de son côté, avec des conséquences potentiellement catastrophiques.
Ce samedi 10 décembre, l’International Youth and Students for Social Equality organise une réunion en ligne «Pour un mouvement de masse de la jeunesse et des étudiants pour arrêter la guerre en Ukraine»!
L'appel à cette réunion explique:
«L'interaction entre le militarisme impérialiste de l'OTAN, qui poursuit de façon irresponsable son agenda géopolitique mondial quelles qu’en soient les conséquences et l’exaspération croissante du régime capitaliste oligarchique russe menace de dégénérer en conflagration nucléaire».
«L’espoir que “la raison l’emportera” et que la guerre connaîtra bientôt une conclusion négociée est une illusion politiquement paralysante et dangereuse. L’OTAN ne veut pas la “paix”. Elle veut la guerre…»
«La guerre sera stoppée non pas par des appels et des protestations adressés à la classe dirigeante et à ses gouvernements, mais par la mobilisation politique de la classe ouvrière internationale».
Tous les lecteurs du World Socialist Web Site devraient prévoir d'assister au rassemblement du 10 décembre.
(Article paru d’abord en anglais le 7 décembre 2022)