L’incendie d’une maison a tué 22 Palestiniens, dont sept enfants, lors d’une fête de famille dans le quartier nord de Jabaliya, à Gaza, jeudi soir dernier. C’était le résultat direct des conditions de vie atroces créées par le blocus criminel israélien de 15 ans qui a transformé Gaza en une prison à ciel ouvert pour ses 2,3 millions d’habitants.
La famille Abu Rayya célébrait le retour de Maher Abu Rayya, ancien vice-ministre du ministère du Travail à Gaza, qui venait d’obtenir un doctorat en Égypte, et l’anniversaire d’un autre membre de la famille, lorsqu’un immense incendie a ravagé le troisième étage de leur immeuble résidentiel de trois étages, tuant tous les convives.
Des voisins ont tenté pendant près d’une heure de défoncer la porte d’entrée de l’immeuble et la porte de l’appartement avant l’arrivée des pompiers. Bahaa Abu Rayya, un parent de la famille, a déclaré à Middle East Eye qu’il a fallu 40 minutes aux équipes de la défense civile pour arriver sur les lieux car elles étaient confrontées à un autre incident à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Quand elles sont arrivées, c’était sans échelles pour atteindre le troisième étage, ni lance à eau assez longue ou une alimentation en eau adéquate. Elles ont été incapables de maitriser immédiatement le feu qui se propageait rapidement ou d’évacuer les membres de la famille avant qu’ils ne soient brûlés vifs ou ne succombent à la fumée.
Choqués et indignés par l’incendie, des milliers de personnes sont venues de tout Gaza pour assister aux funérailles de vendredi.
Après la guerre arabo-israélienne de 1967, lorsqu’Israël s’empara de la bande de Gaza contrôlée par l’Égypte, les Palestiniens ont été soumis à une répression toujours croissante sous une occupation jugée illégale au regard du droit international. Même après le retrait unilatéral d’Israël de Gaza en 2005, son occupation de fait – son contrôle des frontières terrestres et maritimes – s’est poursuivie.
Au cours des 15 dernières années, Israël a soumis Gaza à un siège maritime, aérien et terrestre strict, après que le Hamas – le groupe clérical bourgeois affilié aux Frères musulmans qui remporta la majorité aux élections palestiniennes de janvier 2006 – ait empêché un coup d’État par des partisans de l’Autorité palestinienne (AP) dominée par le Fatah et prit le contrôle de la bande de Gaza en juin 2007.
Depuis lors, Israël a imposé des restrictions strictes à l’entrée de la plupart des marchandises et biens dans l’enclave assiégée, empêchant la fourniture d’équipements indispensables aux hôpitaux, à la police et aux équipes de défense civile de Gaza, ainsi que de matériaux de construction pour réparer les dégâts causés par les attaques meurtrières répétées d’Israël sur l’enclave essentiellement sans défense. Israël limite les déplacements des Palestiniens à la sortie et à l’entrée de la bande de Gaza, refusant fréquemment l’autorisation de rechercher des soins médicaux urgents et vitaux en dehors de Gaza.
Israël est aidé et encouragé par l’Autorité palestinienne contrôlée par le Fatah du président Mahmoud Abbas, qui refuse de transférer de l’argent à Gaza, et le dictateur militaire égyptien Abdel Fattah al-Sissi, dont les forces contrôlent la frontière sud de Gaza. Il est important de noter que ses actions illégales sont soutenues par les États-Unis, le principal bailleur de fonds d’Israël, et les principales puissances européennes. Malgré leurs prétentions humanitaires, tous apportent à Tel-Aviv le soutien politique et diplomatique aux Nations unies qui lui a permis d’éviter les sanctions. Cela contraste fortement avec les sanctions imposées à la Russie pour avoir envahi l’Ukraine. Cela les rend complices des crimes d’Israël contre les Palestiniens.
Israël, en tant que puissance occupante dotée de la machine militaire la plus avancée du Moyen-Orient, a reçu carte blanche pour infliger sans restriction la mort, la violence et la souffrance aux réfugiés piégés dans un immense ghetto de sa propre fabrication. Les habitants de Gaza ont subi la destruction de leurs moyens de subsistance ainsi que des bombardements répétés et des assauts militaires au cours des 15 dernières années.
L’assaut prolongé de 2008-09 a tué 1400 Palestiniens et laissé une grande partie du territoire en ruine. L’opération de 2012 a tué 177 Palestiniens et détruit ou endommagé de nombreux immeubles publics et privés, tandis que l’assaut de 50 jours en 2014 a coûté la vie à près de 2200 Palestiniens, en majorité des civils, et a détruit une grande partie des infrastructures de l’enclave. Le bombardement par Israël en mai 2021 a détruit 1500 établissements économiques, la Banque mondiale estimant que Gaza avait besoin de 485 millions de dollars pour le remettre dans l’état précaire dans lequel il se trouvait avant la guerre.
En août dernier, Israël a lancé une offensive militaire sur Gaza ciblant le Jihad islamique palestinien et sa division armée, les Brigades Al-Quds, tuant 49 Palestiniens, dont 17 enfants, et en blessant plus de 360 lors de son bombardement de trois jours sur la bande.
La crise économique déjà désespérée de Gaza s’est aggravée en 2018 avec la décision de l’administration américaine Trump de retirer sa contribution de 300 millions de dollars au budget de fonctionnement de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA) – l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens – qui représentait un tiers du budget annuel de l’UNRWA de 1,2 milliard de dollars.
L’électricité n’est disponible que quelques heures par jour. Au moins 56 pour cent de la population active est au chômage. Les systèmes de santé et d’éducation sont dysfonctionnels. L’accès à de nombreux produits alimentaires essentiels est restreint. La majeure partie du réseau d’eau est contaminé par des eaux usées non traitées ou du sel, tandis que les eaux usées non traitées sont rejetées directement dans la mer, polluant les plages de baignade.
Les équipes de la Défense civile souffrent d’une grave pénurie d’équipements de sécurité, ce qui rend difficile de répondre aux appels rapidement ou efficacement.
Selon une enquête préliminaire des autorités de Gaza, un facteur majeur dans la propagation de l’incendie de jeudi soir dernier a été le stockage d’essence sur les lieux. C’est une pratique répandue, compte tenu de la grave pénurie de combustible pour alimenter l’unique générateur de Gaza. L’électricité n’étant disponible que quelques heures par jour, les Palestiniens se sont tournés vers le diesel et le gaz pour alimenter leurs propres générateurs. Des voisins ont déclaré que la famille Abu Rayya utilisait un générateur fonctionnant à l’essence. Il y a eu de nombreux incendies de maisons similaires causés par des bougies, de l’essence ou du gaz utilisé pour l’éclairage et le chauffage depuis le début de la crise de l’électricité à Gaza.
Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a publié une déclaration cynique et hypocrite disant que «le coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires a envoyé une offre d’aide humanitaire pour évacuer les blessés vers les hôpitaux [...] Israël est prêt à apporter une aide médicale aux blessés de Gaza pour sauver des vies.» Il n’y avait pas de blessés à emmener à l’hôpital. Toutes les personnes présentes sont mortes dans l’incendie. Il n’a rien dit sur la fourniture à Gaza d’échelles, de combinaisons de pompiers, d’oxygène et d’autres équipements nécessaires.
Les États-Unis et l’OTAN ne se lassent pas de dénoncer la Russie pour «crimes de guerre» en Ukraine et la Chine pour avoir commis «des crimes contre l’humanité et un génocide contre les Ouïghours musulmans» sur la base de preuves non confirmées ou inexistantes. Ils sont cependant restés silencieux sur l’incendie de Gaza, tandis que la presse mondiale bourgeoise en a fait peu de cas et sans commentaire.
Leur silence est lié au rôle de Tel-Aviv en tant que chien d’attaque de l’impérialisme américain dans la région tout en permettant à Washington de nier leur propre politique de normalisation des guerres de conquête, d’occupation et de répression. Cela signifie que les méthodes criminelles utilisées par Israël pour réprimer les Palestiniens seront utilisées contre la classe ouvrière et la jeunesse qui se révoltent contre les diktats des élites dirigeantes à l’échelle internationale.
(Article paru en anglais le 21 novembre 2022)