À quelques jours d’intervalle, les gouvernements australien et néo-zélandais ont annoncé l’arrêt brutal des rapports quotidiens sur le COVID, réduisant ainsi considérablement l’accès de leurs populations aux informations sur les taux d’infection, les hospitalisations, les vaccinations et les décès. Les deux pays passeront à un rapport hebdomadaire simplifié.
Ce changement a été décidé alors que les taux de décès et de cas dans les deux pays pour 2022 sont énormes par rapport à ceux des deux premières années de la pandémie, après que leurs gouvernements aient supprimé les mesures de santé publique efficaces et se soient tournés vers un programme de «laisser-faire» axé sur le profit.
Dans ces conditions, le changement dans les déclarations, annoncé sans la moindre discussion démocratique, et encore moins sans mandat populaire, a le caractère d’une conspiration coordonnée au niveau international contre les travailleurs.
Cela a une portée mondiale, car il marque le renversement des derniers vestiges d’une réponse de santé publique coordonnée à la pandémie dans tous les pays capitalistes avancés.
En Australie, le passage aux rapports hebdomadaires s’est fait discrètement vendredi dernier, et n’a fait l’objet que d’une poignée de reportages superficiels et non critiques dans les médias nationaux. En Nouvelle-Zélande, la première ministre travailliste Jacinda Ardern a annoncé lundi la fin des rapports quotidiens, sans aucun avertissement préalable.
Cette décision n’a aucun fondement scientifique ou médical. Elle a été vivement condamnée par des épidémiologistes de principe dans les deux pays, y voyant une atteinte au droit des populations à être informées de l’urgence médicale en cours et à la capacité des experts en santé publique à la suivre.
Les gouvernements, cependant, ne sont tout simplement pas intéressés. Au contraire, ils proclament ouvertement que les intérêts commerciaux sont la priorité suprême.
Ardern a déclaré sans ambages: «C’est le moment où enfin, plutôt que d’avoir l’impression que le COVID nous dicte ce qui nous arrive, nos vies et notre avenir, nous reprenons le contrôle, tout en continuant à favoriser l’activité économique et notre reprise». En d’autres termes, toutes les mesures de santé publique, aussi limitées soient-elles, doivent être supprimées afin d’assurer la pleine participation de la main-d’œuvre dans le but d’augmenter la production et les bénéfices des sociétés.
Conformément à ce programme, Ardern a annoncé la fin du port obligatoire du masque, sauf dans les établissements de santé et de soins aux personnes âgées. Les personnes qui vivent avec quelqu’un de COVID-positif ne seront plus tenues de s’isoler, portant ainsi un coup au contrôle le plus élémentaire des infections. La vaccination obligatoire, y compris pour les travailleurs de la santé, est aussi abolie.
Le gouvernement travailliste australien a également réduit la durée d'isolement des personnes infectées par le COVID de sept à cinq jours. Cette mesure, qui, selon les experts, aura pour conséquence que jusqu'à la moitié des cas de COVID se mêleront à la communauté alors qu'ils sont infectieux, vise manifestement à maintenir les travailleurs au travail, même s'ils sont porteurs d'un virus potentiellement mortel. Les masques ne seront plus non plus obligatoires sur les vols intérieurs.
Le but évident de la censure de l’information est de promouvoir le mensonge selon lequel la «pandémie est terminée», ou du moins le «pire est derrière nous», pour justifier ces mesures dangereuses.
Mais rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. En Australie, le 9 septembre, dernier jour des rapports quotidiens, a été le sixième jour le plus meurtrier de toute la pandémie, avec 133 décès confirmés dans tout le pays. Le mois d’août a été le plus meurtrier de tous les mois: 2.056 personnes ont perdu la vie à cause du virus.
En Nouvelle-Zélande, le nombre de décès est passé de moins de 30 à la fin de l’année dernière à près de 2.000. Cela a placé à plusieurs reprises ce pays de cinq millions d’habitants en tête de la liste des décès par habitant dans le monde, tandis que le coronavirus est devenu la principale cause de décès dans le pays.
Les gouvernements australien et néo-zélandais suivent un plan élaboré par le gouvernement Biden aux États-Unis, au nom des grandes banques et sociétés américaines.
En février, le ministère américain de la Santé et des Services sociaux a mis fin à son système qui permettait aux hôpitaux de signaler quotidiennement au gouvernement fédéral les décès dus au COVID-19.
À l’époque, le World Socialist Web Siteétait la seule publication à attirer l’attention sur ce changement et à en souligner la portée considérable dans la suppression des connaissances sur les ravages de la pandémie. Business Insidera qualifié la couverture du WSWS de «trompeuse» mais n’a jamais publié de correction, malgré la fin des rapports quotidiens sur le COVID-19 dans presque tous les États-Unis. Tous les États américains, à l’exception de quatre, ont mis fin à leurs propres rapports quotidiens, ce qui rend impossible le suivi des décès au jour le jour.
La Grande-Bretagne a annoncé la fin de son propre système de déclaration quotidienne le même mois qu’aux États-Unis. Des mesures similaires sont en cours dans une multitude de pays et de juridictions. Au Canada, par exemple, l’Ontario et plusieurs autres provinces ont déjà cessé leurs rapports quotidiens.
Le changement intervenu en Australie et en Nouvelle-Zélande est particulièrement notable, car ces deux pays ont réussi à limiter les décès et les infections plus tôt dans la pandémie. Ils sont donc un microcosme du fossé entre une réponse scientifiquement fondée à la pandémie, même avec des limites, et la politique nue d’«immunité collective» que les deux pays ont adoptée depuis.
Les gouvernements de l’État australien et le gouvernement fédéral ont toujours rejeté un programme d’élimination du virus, au motif qu’il serait trop coûteux. Ils ont été néanmoins contraints sous la pression d’une partie importante des travailleurs et des experts de la santé d’instituer des mesures de sécurité, y compris des confinements, qui, malgré une série d’exemptions en faveur des entreprises, ont permis de contenir le virus à plusieurs reprises. La Nouvelle-Zélande a été le seul pays au monde, en dehors de la Chine, à poursuivre systématiquement l’élimination du virus.
Au cours des deux premières années de la pandémie, il y a eu moins de 400.000 infections en Australie et les décès se sont élevés à 2.239. Pendant de longues périodes, les mesures de sécurité ont mis fin à toute transmission du virus.
À la suite de la «réouverture complète de l’économie» en décembre dernier, ces chiffres ont grimpé en flèche pour atteindre 10,1 millions d’infections et 14.357 décès. En raison de l’effondrement du système de dépistage, une grande majorité des 25 millions de personnes que compte le pays ont probablement été touchés cette année. Le COVID long, un ensemble d’affections graves associées à des cas même «légers», a affaibli jusqu’à 10 pour cent de la population active.
En Nouvelle-Zélande, on avait eu moins de 5.000 infections totales et 30 décès avant que le gouvernement Ardern n’annule son programme d’élimination en octobre de l’année dernière. Aujourd’hui, les infections officielles atteignent 1,76 million et les décès près de 2.000.
Cette transformation est un avertissement de ce qui se produirait si la Chine renonçait à sa stratégie d’élimination, comme l’ont exigé les principaux gouvernements, sociétés et médias impérialistes. Des centaines de milliers ou des millions de personnes mourraient dans ce pays de 1,4 milliard d’habitants, rejoignant ainsi les quelque 20 millions de personnes qui ont péri dans le monde depuis le début de la pandémie.
L’assaut prolongé contre le programme d’élimination de la Chine n’est pas seulement dû à son impact sur les activités de la finance mondiale et des grandes entreprises, mais aussi parce qu’il démontre qu’une alternative existe aux politiques homicides d’«immunité collective» mises en œuvre partout ailleurs.
L’évolution de la situation en Australie et en Nouvelle-Zélande est importante, car dans ces deux pays la propagation sans entrave du virus est présidée par un gouvernement social-démocrate.
En Nouvelle-Zélande, Ardern, présentée dans les médias comme une sainte, fait fi de l’infection et de la mort massives que son gouvernement a déclenchées, proclamant au contraire l’importance de «l’activité économique». En Australie, le premier ministre travailliste Anthony Albanese ne dit rien du nombre record de décès quotidiens. Il promet aux entreprises qu’on n’aura plus jamais de retour aux confinements.
Cette ligne va de pair avec les gouvernements travaillistes qui président à l’intégration toujours plus grande de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande dans les affrontements des États-Unis avec la Russie et la Chine, brandissant la menace d’une guerre mondiale et la mise en œuvre de l’austérité budgétaire et des attaques contre les salaires, les emplois et les conditions des travailleurs.
Le programme de «laisser-faire» ne souligne pas seulement que les partis sociaux-démocrates ont complètement abandonné toute prétention à représenter les travailleurs, et sont devenus les partisans les plus agressifs des intérêts des grandes entreprises. Il démontre également que les gouvernements capitalistes ne mèneront pas la lutte pour mettre fin à la pandémie et éliminer le virus mortel dans le monde voire même un seul pays.
Au contraire, une lutte internationale en faveur des mesures scientifiques nécessaires pour arrêter progressivement la transmission du virus et finalement mettre fin à la pandémie est nécessaire. La classe ouvrière internationale, dont les intérêts sont la santé et la vie, et non le profit, est la seule force sociale capable de mener à bien cette lutte. La lutte contre la pandémie doit s’inscrire sur la bannière de ses grèves, protestations et batailles de classe renaissantes.
(Article paru en anglais le 13 septembre 2022)