Cette résolution a été adoptée à l'unanimité lors du septième congrès national du Parti de l'égalité socialiste (US), qui s'est tenu du 31 juillet au 5 août 2022. Lisez le rapport complet du congrès et les autres résolutions ici (en anglais).
1. La tentative de coup d’État de Donald Trump du 6 janvier 2021 a constitué un tournant irréversible dans l’effondrement de la démocratie américaine. Le président américain en exercice a pris la tête d’une vaste conspiration qui impliquait la direction du Parti républicain et des sections substantielles de l’appareil militaire, policier et de renseignement. L’objectif était de renverser l’élection de 2020 et de se maintenir au pouvoir en tant que président-dictateur. Les conspirateurs ont mobilisé des groupes paramilitaires fascistes pour prendre d’assaut le Capitole américain et kidnapper et tuer les élus considérés comme des obstacles au complot.
2. La tentative de coup d’État est intervenue à l’issue d’une campagne électorale comme on n’en avait jamais vue dans l’histoire des États-Unis. Au cours de cette campagne, Trump a été l’instigateur d’une violence fasciste; il a tenté de saisir les bulletins de vote et a promu le Grand Mensonge selon lequel on lui avait volé l’élection. Le 6 janvier, la foule dirigée par Trump est passée à deux doigts de tuer le vice-président Mike Pence et de capturer de nombreuses autres personnes. On a délibérément laissé la police du Capitole sans préparation pour l’attaque que tout le monde savait imminente. L’armée a retenu les troupes nécessaires pour libérer des centaines de membres du Congrès, y compris les plus hauts dirigeants.
3. Le complot a échoué, mais pas parce qu’il a rencontré l’opposition politique du parti démocrate. À aucun moment pendant les événements du 6 janvier, le parti démocrate n’a lancé le moindre appel à la population pour qu’elle s’oppose au complot. Le président élu Biden a même encouragé Trump à s’exprimer à la télévision nationale alors que son coup d’État était en cours. Sans l’inexpérience des comploteurs, le plan aurait réussi.
4. La menace de la dictature n’a pas pris fin. C’est un danger évident et réel et qui devient plus menaçant chaque jour. Bien que la tentative de coup d’État de Trump ait été et reste largement impopulaire, le Parti démocrate a refusé de traduire les putschistes en justice. Tout au long de la conspiration, depuis la tentative de Trump d’invoquer la loi sur l’insurrection en juin 2020, au complot qui visait à kidnapper et à tuer le gouverneur du Michigan et les gouverneurs d’autres États, jusqu’au 6 janvier lui-même, les démocrates se sont efforcés de dissimuler la menace de grande envergure qui pesait sur les formes démocratiques de gouvernement aux États-Unis. Les dirigeants démocrates ont attendu un an et demi avant même de commencer à organiser des audiences publiques sur les événements du 6 janvier. Chaque nouvelle révélation présentée par la commission de la Chambre ne fait que soulever la question: pourquoi les démocrates ont-ils laissé le coup d’État se dérouler sans réagir?
5. Le Parti démocrate, qui contrôle désormais les deux chambres du Congrès et la Maison-Blanche, n’a rien fait pour mobiliser politiquement la population contre Trump. Il n’a mis en œuvre aucune réforme sociale. Il préside à l’augmentation rapide du coût de la vie et a déversé des dizaines de milliards de dollars dans une guerre contre la Russie. Cette guerre n’a aucun soutien dans la population au-delà d’une petite partie de la classe moyenne aisée. Biden et l’ensemble du Parti démocrate, y compris sa faction des Socialistes démocrates d’Amérique, créent des conditions favorables à l’extrême droite lors des élections législatives de novembre prochain.
6. Enhardi par l’inaction du parti démocrate, le Parti républicain est devenu un défenseur ouvert et agressif de la dictature. Il continue à mener son assaut réactionnaire contre les droits démocratiques à tous les niveaux du gouvernement, tandis que le parti démocrate s’est montré incapable et se refuse à relever un quelconque défi.
7. À la Chambre des représentants, la majorité du Parti républicain se compose d’individus qui ont voté pour confirmer la contestation des grands électeurs de Biden exigée par la foule insurrectionnelle de Trump. Les démocrates de la Chambre n’ont fait aucune tentative pour expulser leurs «collègues», qui ont essayé de les faire tuer il y a un peu plus d’un an. Au contraire, ce réseau de conspirateurs séditieux menace de devenir le bloc dominant après les élections de mi-mandat de 2022 et il élirait probablement le copain de Trump, Kevin McCarthy, comme président de la Chambre.
8. Au Sénat, l’attribution de deux représentants par État signifie qu’une quantité énorme de pouvoir est dévolue aux États peu peuplés du Midwest et des montagnes, où une poignée d’oligarques peuvent facilement manipuler les élections. L’inégalité flagrante de représentation à la chambre haute signifie que les près de 40 millions d’habitants de la Californie n’ont pas plus de poids que les 550.000 habitants du Wyoming. Au cours des trois derniers cycles du Sénat, les démocrates ont remporté 50 sièges avec 142 millions de voix, tandis que les républicains ont remporté le même nombre de sièges avec 30 millions de voix de moins. En raison des règles obscures du Sénat, les co-conspirateurs du 6 janvier, tels que Ted Cruz et Josh Hawley, peuvent bloquer la plupart des lois. La minorité républicaine dispose d’un veto efficace par le «filibuster» [flibuste ou obstruction]. Néanmoins, Biden et les démocrates continuent de protéger le droit à la flibuste et d’autres règles antidémocratiques, dans l’esprit du «bipartisme».
9. La Cour suprême, loin de faire respecter «la loi du pays», s’est transformée en bélier de la réaction la plus extrême et du fanatisme religieux. Cinq de ses neuf juges ont été nommés par des présidents qui ont perdu le vote populaire, dont trois par Trump, le plus grand nombre désigné par un président depuis Richard Nixon. Deux d’entre eux, Clarence Thomas et Samuel Alito, sont personnellement impliqués dans les événements du 6 janvier.
10. La décision de la Cour suprême d’abolir le droit à l’avortement marque la première fois dans son histoire où la Cour a supprimé un droit constitutionnel qui était largement accepté par la plus grande partie de la population. Au cours de son premier mandat complet après la tentative de coup d’État, la Cour suprême a rendu des décisions importantes. Elle a accordé à la police une quasi-immunité de poursuites. Elle a facilité la violation des lois par les entreprises. Elle a restreint la capacité du gouvernement à réglementer les pollueurs. Elle a mis fin à la séparation de l’Église et de l’État. Elle a décidé de se saisir d’une affaire en Caroline du Nord qui pourrait bien valider l’affirmation de Trump que les législatures des États ont le pouvoir d’annuler le vote de leurs propres citoyens et d’attribuer des voix électorales au candidat présidentiel de leur choix. Les démocrates refusent de mettre en accusation les putschistes Thomas et Alito.
11. Le coup d’État du 6 janvier et la conspiration en cours découlent d’une crise prolongée de la démocratie américaine. Une étape critique a été la décision 5 contre 4 de la Cour suprême lors de l’élection de 2000 d’arrêter le comptage des bulletins de vote en Floride. Cela a abouti à l’élection à George W. Bush, qui avait perdu le vote populaire, et au refus du Parti démocrate de contester cette décision. Le WSWS en avait tiré la conclusion que le vol de l’élection «a révélé l’absence de toute représentation significative au sein de l’élite dirigeante pour un arbitrage démocratique de l’élection présidentielle». Cette conclusion s’est avérée exacte.
12. L’élection de 2000 a été suivie, sous Bush puis Obama, d’un assaut radical contre les droits constitutionnels fondamentaux, justifié par une «guerre contre le terrorisme» après les attentats du 11 septembre 2001. Ces mesures comprennent le Patriot Act, la création du ministère de la Sécurité intérieure et du Northern Command, la surveillance de masse sans mandat, la détention indéfinie sans procès, la torture et les «restitutions extraordinaires» et les assassinats par drone, y compris de citoyens américains. Ces mesures ont entraîné une vaste expansion de l’appareil de renseignement militaire dans les affaires intérieures. De multiples gouvernements, démocrates et républicaines, ont collaboré pour poursuivre Julian Assange, dont le «crime» est de dénoncer les crimes de l’impérialisme américain dans ses guerres sales et ses tentatives de coup d’État à l’étranger.
13. Les facteurs objectifs essentiels qui sous-tendent l’effondrement des formes démocratiques de gouvernement sont: 1) une guerre sans fin à l’étranger, et 2) des niveaux stupéfiants d’inégalité sociale.
14. L’impérialisme, écrivait Lénine en 1916 dans son ouvrage fondamental «L’impérialisme et la scission du socialisme», est «La réaction politique sur toute la ligne». Dans la guerre comme dans la politique intérieure, expliquait-il, «le capital financier vise à l'hégémonie, et non à la liberté». Après trois décennies de guerre sans fin, la classe dirigeante américaine a déclenché une guerre avec la Russie au sujet de l’Ukraine et planifie une guerre avec la Chine. Le détournement massif de ressources vers des conflits militaires et la préparation d’une guerre mondiale n’est pas compatible avec les formes démocratiques de gouvernement.
15. Quant à la société américaine, elle est dominée par une oligarchie dont la richesse massive est fondée sur le pillage des ressources sociales et l’exploitation accrue de la classe ouvrière. La richesse des milliardaires américains s’élève à plus de cinq mille milliards de dollars. Cela fait deux tiers de plus que la richesse détenue par les 50 pour cent les plus pauvres et une augmentation de 70 pour cent depuis le début de la pandémie. Cette minuscule couche de la société domine les élections grâce à son contrôle du système bipartite. Son contrôle est complété par des méthodes manifestement antidémocratiques telles que le redécoupage des circonscriptions électorales et la bénédiction par la Cour suprême des contributions illimitées de l’argent noir dans sa décision «Citizens United» de 2010.
16. La pandémie de COVID-19 a exposé les terribles implications sociales de la forme moderne du parasitisme financier. Aux États-Unis, plus d’un million de personnes ont été immolées sur l’autel du profit des entreprises, tandis que, l’élite dirigeante s’octroyait des billions de dollars. Biden a initialement prétendu adopter une politique visant à mettre fin à la pandémie par des mesures d’atténuation limitées. Mais depuis l’émergence du variant Omicron, Biden et son gouvernement ont pleinement adopté la stratégie d’«immunité collective» lancée par Trump. Des milliers d’enfants sont morts du COVID, et des centaines de milliers sont devenus orphelins. Des millions de personnes souffriront pour le reste de leur vie des effets du COVID longue durée. Le gouvernement a clairement indiqué qu’il ne prévoit aucun changement de cap.
17. Trump et sa bande de conspirateurs fascistes sont un produit de ce système social et politique malade. Quant aux démocrates, ils sont un parti de Wall Street et de l’appareil militaire et de renseignement, avec une base plus large parmi les sections aisées de la classe moyenne mobilisées par les politiques raciales et de genre. Tout au long de la présidence de Trump, les démocrates ont centré leur opposition à Trump sur des questions de politique étrangère, notamment, la revendication d’une campagne plus agressive contre la Russie, tout en acquiesçant à ses attaques réactionnaires contre les immigrants et les droits démocratiques. Les démocrates ont mené la campagne en faveur de la censure d’Internet qui vise les opposants de gauche à la guerre et aux inégalités sociales.
18. Alors que Trump préparait son complot contre la Constitution, les démocrates ont mené leur propre campagne contre les traditions démocratiques de la Révolution américaine et de la Guerre civile. Dans le cadre de l’effort qui vise à diviser la classe ouvrière selon des lignes raciales, le New York Times a lancé son «Projet 1619» en août 2019 qui tente de dépeindre faussement toute l’histoire américaine comme un conflit déterminé par la race au cours duquel les noirs se sont battus seuls contre leur oppression, alors que tous les blancs, peu importe leur pauvreté ou leur richesse, ont soutenu l’esclavage, la ségrégation et d’autres formes de sectarisme et de discrimination afin de maintenir leur position «privilégiée» au sein de la société. Cette campagne n’a pas seulement sapé la conscience démocratique, elle a apporté une matière politique fertile aux fascistes, aux xénophobes anti-immigrés et aux suprémacistes blancs.
19. La crise de la démocratie américaine est fondamentalement enracinée dans le système capitaliste. Deux alternatives existent: la voie du fascisme et de la dictature ou la voie du socialisme. La défense des droits démocratiques les plus fondamentaux dépend de l’organisation indépendante et de la mobilisation politique de la classe ouvrière, de la conquête du pouvoir et de la réorganisation socialiste de la vie sociale et économique.
20. Il n’y a pas un seul parti politique en dehors du Parti de l’égalité socialiste (SEP) qui ait mis en garde contre les complots de coup d’État de Trump, expliqué leur signification, et cherché à mobiliser l’opposition populaire. C’est parce que le SEP, avec ses partis frères du Comité international de la Quatrième Internationale, est l’expression consciente des intérêts de la classe ouvrière. La défense des droits démocratiques dépend du recrutement de travailleurs dans le parti et de la construction du SEP en tant que direction révolutionnaire, pour relier la lutte contre le fascisme à l’opposition à la guerre, aux inégalités, à l’exploitation et au système capitaliste.
(Article paru d’abord en anglais le 17 août 2022)