Jamais dans l’histoire moderne du Canada, les enfants et les jeunes du pays n’ont été sacrifiés à une telle échelle comme ils l’ont été durant les deux dernières années et demie de la pandémie de COVID-19. À travers sept vagues et de multiples variants du virus, au moins la moitié des quelque 13 millions de jeunes Canadiens âgés de 29 ans et moins ont attrapé la COVID-19.
La trajectoire mortelle de la pandémie a été orchestrée par la classe dirigeante capitaliste, ses représentants gouvernementaux aux niveaux fédéral, provincial et territorial, et les dirigeants des syndicats. Déclarant que la population devait apprendre à «vivre avec le virus», les gouvernements capitalistes ont forcé les écoles publiques à rester ouvertes sans pratiquement aucune protection pour une raison simple: s’assurer que les parents puissent aller travailler et générer des profits pour les banques et les grandes entreprises du pays.
Alors que les écoliers et les étudiants vont revenir des vacances d’été dans les prochaines semaines, l’establishment politique se prépare une fois de plus à soumettre les enfants et leurs familles à une politique d’infection et de mort massive. Le gouvernement progressiste-conservateur de l’Ontario a annoncé en début de semaine qu’il n’y aura même pas de port obligatoire du masque dans les écoles de la province, et encore moins de mesures plus substantielles pour enrayer la propagation de la COVID.
Ces politiques d’infection massive ont été combattues par les jeunes et les travailleurs au cours de l’année écoulée, tant au Canada que dans le monde entier. Il est grand temps que les travailleurs et les jeunes tirent les leçons politiques de ces luttes afin de lancer un combat politique pour mettre fin aux vagues successives d’infection en éliminant la COVID-19 au niveau mondial.
Lisa Diaz, une mère du Royaume-Uni, a organisé une grève des écoles le 1er octobre 2021, exhortant les parents à garder leurs enfants à la maison pour protester contre l’infection forcée des enfants par les gouvernements dans le monde entier. De nombreux parents au Canada ont répondu à son appel et le mot-clic #SchoolStrike2021 est devenu l’un des plus populaires sur Twitter.
En Ontario, le biostatisticien et éducateur Ryan Imgrund a appelé à une manifestation le 14 octobre 2021 contre le refus des syndicats de l’éducation de permettre aux travailleurs de l’éducation de porter des masques N95 dans les écoles infestées de COVID. Illustrant l’hostilité de la direction du syndicat envers les membres de la base, Imgrund a été publiquement censuré par son syndicat, l’Ontario English Catholic Teachers’ Association. D’autres syndicats, comme la Fédération des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario, ont averti leurs membres que leur participation à la manifestation serait un motif de congédiement.
L’apparition du variant hautement transmissible Omicron en novembre et sa propagation rapide dans le monde entier ont incité les gouvernements, y compris au Canada, à le déclarer «bénin». Aucune mesure supplémentaire n’a été prise pour protéger la population et les familles ont été encouragées à se réunir pendant les vacances. À l’exception de brefs retards, les écoles ont été rouvertes après les vacances, au milieu de taux d’infection records.
Dans le monde entier, les étudiants et les travailleurs de l’éducation ont riposté. En Europe, des milliers d’étudiants ont manifesté début janvier en France, en Allemagne, en Autriche, en Italie et en Grèce, pour demander que les écoles restent en enseignement à distance et que les gouvernements fassent davantage pour protéger la population de la maladie. En France, les enseignants se sont mis en grève dans tout le pays pour protester contre les politiques d’infection massive du gouvernement du président Emmanuel Macron, largement décrié.
Des milliers d’étudiants et de travailleurs de l’éducation ont manifesté à travers les États-Unis. Les lycéens de Chicago ont exigé que l’administration municipale dirigée par le Parti démocrate démissionne pour son rôle dans la propagation du virus. Les enseignants de Chicago se sont mis en grève pour résister à la réouverture des écoles. Là encore, l’orientation pro-capitaliste de la bureaucratie du syndicat des enseignants de Chicago s’est révélée, puisqu’elle s’est entendue avec la mairesse démocrate Lori Lightfoot pour rouvrir les écoles au mépris de la volonté des enseignants de la base et des élèves.
Des centaines d’étudiants à travers le Canada ont également protesté. À l’Université Simon Fraser en Colombie-Britannique, des dizaines d’étudiants ont débrayé en janvier, soutenus par plus de 4600 personnes qui ont signé une pétition exhortant l’administration de l’université à revenir sur son projet de réouverture. À l’Université McGill de Montréal, des centaines d’étudiants ont fait grève pour exiger de l’administration qu’elle propose des options d’apprentissage à distance, ce qu’elle a accepté après un tollé général. Des centaines d’élèves du secondaire de 90 écoles du Manitoba ont également débrayé pour exiger des salles de classe plus sûres.
Malgré le militantisme et le courage des étudiants et des travailleurs de l’éducation, la politique gouvernementale de lutte contre la pandémie n’a fait qu’empirer. Le rejet et le sabotage de ces protestations par les bureaucraties syndicales ont politiquement désarmé les jeunes et l’ensemble de la classe ouvrière, permettant aux gouvernements provinciaux de démanteler les capacités de dépistage de masse en janvier.
À son apogée, la cinquième vague a envoyé simultanément près de 11.000 Canadiens à l’hôpital, ce qui reste le nombre le plus élevé jamais enregistré. Entre la mi-décembre, date du début de la cinquième vague, et sa fin à la mi-mars, plus de 7600 personnes ont été tuées, ce qui en fait la troisième vague la plus meurtrière, même si la majorité de la population avait reçu au moins deux doses du vaccin.
Le Convoi de la liberté, un mouvement d’extrême droite, encouragé et mis sur pied par l’opposition officielle du Parti conservateur, a occupé la colline du Parlement d’Ottawa en février et a exigé la fin de toutes les mesures de santé publique liées à la COVID-19. Les gouvernements provinciaux de toutes les allégeances politiques ont rapidement obtempéré, tandis que le gouvernement fédéral libéral a donné son feu vert à l’élimination de pratiquement toutes les mesures de santé publique restantes.
Une sixième vague de la pandémie, dirigée par le sous-variant BA.2 Omicron, s’est ensuite abattue sur des écoles totalement sans défense. La sixième vague a établi un nouveau seuil étonnant d’infections et d’hospitalisations, même pendant les mois chauds du printemps et de l’été. Au point le plus bas de la sixième vague, à la mi-juin de cette année, plus de 3000 Canadiens étaient hospitalisés pour la COVID-19, soit trois fois plus qu’aux mêmes périodes en 2021 et 2020. Les décès, qui ont atteint une moyenne mobile de 82 sur sept jours le 21 mai, ont éclipsé les troisième et quatrième vagues.
Les Centres de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique ont découvert en mars que 60 % des enfants avaient été testés positifs aux anticorps de la COVID-19. Le gouvernement québécois de la Coalition Avenir Québec a annoncé nonchalamment qu’au moins un tiers des 1,5 million d’enfants de la province avait contracté la COVID-19 lors de la cinquième vague de l’hiver dernier. Les hôpitaux pour enfants ont été poussés au point de rupture alors que la COVID-19 et d’autres maladies infectieuses sont revenues en force, en raison du démantèlement par les gouvernements des mesures de santé publique qui les tenaient auparavant à distance.
Les chiffres les plus précis et les plus accablants proviennent peut-être de la chercheuse Dre Tara Moriarty de l’Université de Toronto, car elle a régulièrement démontré que les chiffres fournis par les gouvernements sur les infections, les hospitalisations et les décès liés à la COVID-19 étaient de vastes sous-comptes. La Dre Moriarty estime que 57 % de la population canadienne avait été infectée par le variant Omicron au 5 avril 2022. Les écoles étant des vecteurs importants de transmission virale, on peut raisonnablement en déduire qu’au moins la moitié des enfants ont été infectés par Omicron, en plus de ceux infectés par des variants antérieurs.
Selon les chiffres officiels, 52 jeunes de moins de 20 ans sont morts de la COVID-19 et 133 jeunes adultes entre 20 et 29 ans ont succombé à la maladie. Des millions de personnes ont été infectées et un nombre inconnu a été hospitalisé en raison de symptômes légers à graves. Des dizaines de milliers de jeunes ont perdu des parents, des grands-parents, des frères et sœurs, des oncles, des tantes et des amis: dont beaucoup seraient encore en vie aujourd’hui s’ils n’avaient pas été contraints de «vivre avec la COVID-19».
Une étude de l’Université de Calgary portant sur 80.000 jeunes du monde entier a révélé que les taux d’anxiété et de dépression chez les jeunes ont doublé depuis le début de la pandémie en 2020, ce qui témoigne de l’impact considérable de la pandémie sur la santé mentale des jeunes.
Des preuves de plus en plus nombreuses montrent que des centaines de milliers de jeunes à travers le Canada souffrent potentiellement des effets du syndrome post-COVID-19, également connu sous le nom de Covid longue. Étant donné qu’on estime que 10 à 30% des personnes infectées développent cette maladie chronique qui bouleverse leur vie, une génération entière de jeunes a été privée de son enfance et de sa santé par la politique des gouvernements capitalistes.
Ces politiques rappellent une période historique antérieure où la vie des enfants était écourtée en les forçant à travailler dans des usines et des mines. Le grand socialiste du 19e siècle Friedrich Engels a inventé un terme pour ce genre de conditions brutales: «meurtre social». Elles font partie d’une contre-révolution sociale de plusieurs décennies menée par la classe dirigeante capitaliste contre l’ensemble de la classe ouvrière, qui comprend des millions de jeunes de la classe ouvrière.
Les luttes montantes de la classe ouvrière internationale pour l’égalité sociale indiquent également aux jeunes ce qui doit être fait. Ils doivent s’orienter vers la classe ouvrière et lier leurs luttes, car la lutte pour l’éducation publique et un avenir sans maladie fait partie de la lutte pour l’égalité sociale.
Ce qu’il faut, c’est une lutte politique de l’ensemble de la classe ouvrière contre tout un système socio-économique, le capitalisme, qui n’a rien de progressiste à offrir à la population mondiale. Les jeunes doivent s’engager dans la lutte pour le socialisme, qui remettra le pouvoir de décision politique entre les mains de la grande majorité de la société, et non de quelques riches. Les décisions sociétales seront alors orientées vers la satisfaction des besoins sociaux, et non vers le profit privé.
Afin de s’engager dans la lutte pour le socialisme, les jeunes devraient créer des chapitres des Étudiants et des jeunes internationalistes pour l’égalité sociale dans leurs écoles, collèges et universités à travers le Canada. Pour en savoir plus sur l’EJIES, écrivez-nous à iysseincanada@gmail.com.
(Article paru en anglais le 11 août 2022)