La semaine dernière, le sénateur républicain Ron Johnson a appelé à mettre fin à la sécurité sociale et à l’assurance-maladie en tant que programmes sociaux de base, en les transférant dans le budget discrétionnaire où ils seraient radicalement réduits.
La proposition de Ron Johnson fait suite à un appel similaire lancé par le sénateur de Floride Rick Scott, qui, au début de l’année, a demandé que la sécurité sociale et l’assurance-maladie soient renouvelées tous les cinq ans.
Les dépenses de Social Security et Medicare (l’assurance-maladie) sont allouées en tant que dépenses obligatoires, financées par les charges sociales des travailleurs, pour éviter qu’elles ne soient pillées. Le transfert de ces programmes vers le budget discrétionnaire signifierait leur suppression, ce qui réduirait l’espérance de vie des Américains, des millions de retraités mourant dans la pauvreté et de maladies évitables.
«Si vous remplissez les conditions requises pour bénéficier de ce droit, vous l’obtenez quel qu’en soit le coût», a déclaré Johnson. «Et notre problème dans ce pays est que [les dépenses obligatoires représentent] plus de 70 pour cent de notre budget fédéral, de nos dépenses fédérales».
Oui, les travailleurs retraités ont «droit» à ces avantages, parce qu’ils ont payé pour eux toute leur vie. Sur chaque dollar gagné par les travailleurs, ils ont payé huit sous pour financer leurs prestations de sécurité sociale et d’assurance-maladie, en contrepartie de paiements égaux de la part de leur employeur.
Mais Johnson et Scott, laquais des milliardaires qui dirigent l’Amérique, demandent que ces fonds auxquels les travailleurs ont cotisé pendant toute une vie de travail et de lutte leur soient volés pour enrichir l’oligarchie et financer les nouvelles «guerres éternelles» des États-Unis.
La sécurité sociale a été créée en 1935 dans le cadre du «New Deal» du président Franklin Roosevelt, en réponse à une vague de luttes sociales pendant la Grande Dépression. Medicare a été créé en 1965 dans le cadre des réformes de la Grande société du président Lyndon Johnson, sur fond de mouvement pour les droits civiques et de vague de grèves dans une grande partie du pays.
Avec ces deux programmes, les dirigeants du capitalisme américain ont cherché à convaincre les travailleurs que le système capitaliste était capable de répondre aux besoins de la société et d’empêcher la pauvreté de masse et la mort précoce de millions de personnes âgées.
Johnson, Scott et leurs co-conspirateurs sont en train d’affirmer le contraire: le capitalisme signifie la misère sociale pour les travailleurs et l’enrichissement sans fin pour la classe capitaliste.
Ces sénateurs ont formulé en véritable proposition ce qui a été l’objectif de générations de politiciens démocrates et républicains, de stratèges militaires et de grands groupes de réflexion. En 2010, le président démocrate Barack Obama a formé la «Commission nationale sur la responsabilité fiscale» bipartite, présidée par l’ancien sénateur républicain Alan Simpson et le démocrate Erskine Bowles, ancien chef de cabinet du gouvernement Clinton.
La commission a préconisé de réduire le financement de la sécurité sociale et de Medicare. Sur la base de ses propositions, le gouvernement fédéral a supervisé une compression des dépenses sociales aux niveaux fédéral, étatique et local, ainsi que des coupes importantes dans Medicare et la sécurité sociale.
Maintenant, en pleine crise sociale déclenchée par la pandémie, l’éruption de la guerre avec la Russie et le conflit avec la Chine, l’oligarchie financière américaine renouvelle ses appels au démantèlement de ces programmes de base du filet de sécurité sociale.
En mars, Glenn Hubbard, l’ancien président du Council of Economic Advisers, a publié une tribune dans le Wall Street Journal appelant à sabrer la sécurité sociale et l’assurance-maladie pour financer une augmentation massive des dépenses militaires, déclarant que «l’OTAN a besoin de plus de fusils et de moins de beurre». Hubbard, un républicain, a fait l’éloge des conclusions de la commission de réduction du déficit mise en place par Obama en 2010 et a appelé à la mise en œuvre complète de ses demandes.
Hubbard a repris les thèmes d’un document publié en 2013 par Anthony Cordesman du groupe de réflexion Center for Strategic and International Studies (CSIS) de Washington, qui affirmait: «Les États-Unis ne font face à aucune menace étrangère aussi grave que leur incapacité à venir à bout […] de l’augmentation du coût des dépenses fédérales garanties».
Mais alors que, prétendument, le gouvernement n’a pas l’argent pour payer aux retraités leurs prestations de retraite, il n’a aucune limite à ce qu’il peut distribuer aux entrepreneurs de la défense pour financer les conflits américains avec la Russie et la Chine.
Au cours des six mois qui ont suivi le déclenchement de la guerre par procuration des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie, les États-Unis se sont engagés à verser plus de 54 milliards de dollars à l’effort de guerre, soit l’équivalent de 2 milliards de dollars par semaine. Le Sénat débat actuellement d’un projet de loi qui vise à envoyer 4,5 milliards de dollars d’armes supplémentaires à Taïwan dans le cadre du danger de confrontation militaire entre les États-Unis et la Chine.
En juin, la commission des forces armées du Sénat a voté en faveur d’un montant record de 858 milliards de dollars de dépenses militaires pour l’exercice 2023, soit une augmentation de 45 milliards de dollars par rapport à la demande budgétaire du gouvernement Biden et de près de 80 milliards de dollars par rapport au montant alloué par le Congrès pour l’exercice en cours.
Cette augmentation massive des dépenses militaires s’accompagne d’un effort systématique de réduction des salaires des travailleurs dans le but d’enrichir davantage l’oligarchie financière.
En juin, Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale, a annoncé une augmentation surprise de 75 points de base du taux des fonds fédéraux. Il a déclaré: «Vous avez beaucoup de demandes excédentaires… sur le marché du travail… vous avez deux postes vacants pour chaque personne qui cherche un emploi, et cela a conduit à un réel déséquilibre dans les négociations salariales».
Powell a clairement indiqué que la Réserve fédérale cherche délibérément à augmenter le taux de chômage, dans le but d’appauvrir encore plus les travailleurs, au point même de déclencher une récession.
Il s’est plaint du pouvoir des travailleurs qui sont submergés par la hausse des prix, alors même que les entreprises engrangent les plus hauts niveaux de bénéfices depuis des années.
Nulle part, dans aucune section de l’establishment politique américain, n’est-il question de mettre un terme aux prix abusifs imposés par les grandes entreprises.
Selon une étude réalisée en avril 2022 par l’Economic Policy Institute, le facteur déterminant de la hausse des prix est l’augmentation des prix imposée par les entreprises qui se répercute directement sur les marges bénéficiaires. L’étude a révélé que la hausse des bénéfices des entreprises a contribué six fois plus à la hausse des prix que la hausse des coûts de la main-d’œuvre. Cela constitue un renversement important par rapport à la période précédente.
En 2021, les bénéfices ont augmenté de 35 pour cent par rapport à l’année précédente, ce qui représente la plus forte hausse de la rentabilité des entreprises depuis 1950.
En revanche, au cours des 12 derniers mois, le salaire horaire moyen des travailleurs américains n’a augmenté que de 5,2 pour cent. Cela signifie qu’un travailleur type gagne 4 pour cent de moins par heure qu’il y a un an.
L’intention manifeste de l’oligarchie financière au nom de laquelle Johnson s’exprime est de faire en sorte que l’appauvrissement des travailleurs qui a lieu dans tous les États-Unis soit transféré aux retraités.
L’oligarchie financière américaine a déclaré la guerre à la classe ouvrière. Après qu’elle a mis fin à toutes les restrictions sur la propagation de la COVID-19 après avoir forcé les travailleurs à retourner sur les lieux de travail qui sont des foyers de transmission de la pandémie, la classe dirigeante est maintenant engagée dans un effort total non seulement pour réduire les salaires des travailleurs, mais aussi pour sabrer ce qui reste du filet de sécurité sociale américain en lambeaux.
Cette politique suscite une vague d’opposition sociale aux États-Unis et dans le monde entier, sous la forme de grèves et de protestations. La montée de militantisme et de lutte déterminée a trouvé son expression dans la campagne de Will Lehman, un travailleur socialiste de Mack Trucks à Macungie, en Pennsylvanie, pour la présidence du syndicat United Auto Workers.
Dans une lettre adressée aux membres de l’UAW, Lehman a exigé «des augmentations de salaire massives pour compenser des décennies de reculs», «des ajustements obligatoires du coût de la vie (COLA) pour suivre le rythme de l’inflation galopante», et «le rétablissement de la journée de 8 heures, non pas sur la base de salaires de misère, mais avec des salaires qui nous permettent de subvenir à nos besoins et à ceux de nos familles».
La politique impitoyable de guerre de classe de l’oligarchie financière, qui vise à exploiter à l’extrême la classe ouvrière, doit cesser. Les travailleurs doivent répondre par une lutte unifiée pour exiger la préservation et l’expansion de la sécurité sociale et de Medicare, ainsi que des augmentations de salaire d’au moins 10% pour rattraper des décennies de baisse des salaires.
Les travailleurs doivent adopter une stratégie politique qui lie la lutte pour des salaires décents à la lutte contre la guerre et à la défense des droits démocratiques dans la lutte pour la transformation socialiste de la société.
(Article paru en anglais le 8 août 2022)