Des milliers d’employés des télécoms et des centres d’appels de BT (British Telecom) pourraient se mettre en grève dans les semaines à venir. Le 15 juin, le Syndicat des travailleurs de la communication (CWU) a organisé un scrutin pour les travailleurs de trois catégories – BT, Openreach et les filiales EE – dans l’ensemble du groupe BT.
Si elle a lieu, ce sera la première grève nationale des travailleurs de BT depuis 35 ans. La dernière s’était produite en 1987, trois ans après la privatisation de l’ancien service public par le gouvernement Thatcher.
Les 30.000 ingénieurs d’Openreach ont voté à 95,8 pour cent pour la grève, avec un taux de participation de 74 pour cent. Le personnel du département BT, fort de 10.000 personnes (dont 9.000 employés de centres d’appels), a voté la grève à 91,5 pour cent avec un taux de participation de 58,2 pour cent. Les travailleurs d’EE, le plus petit nombre de votants, ont soutenu la grève à 95 pour cent, mais avec un taux de participation de 49,7 pour cent – il ne manque que huit voix pour atteindre le seuil requis pour un arrêt de travail légal en vertu des lois anti-grève.
Ce vote reflète la colère des travailleurs, qui couve depuis des mois. En mars, le CWU a rejeté une offre salariale de BT nettement inférieure à l’inflation, soit 1.200 livres. BT a ensuite annoncé le 7 avril qu’il accordait une proposition révisée de 1.500 livres à 58.000 travailleurs de première ligne à partir de début avril et déclaré qu’il avait conclu les négociations avec le CWU et imposait de fait l’accord. Présenté comme la plus forte augmentation de salaire accordée depuis 20 ans, l’accord se situait entre 3 et 8 pour cent, selon le salaire de base. Le CWU a calculé que l’accord imposé ne valait qu’environ 4,8 pour cent au total.
En mars, l’inflation des prix de détail atteignait déjà 9 pour cent, en avril 11,1 pour cent, avant d’atteindre près de 12 pour cent le mois dernier. L’entreprise, qui a enregistré cette année des bénéfices annuels de 1,3 milliard de livres, a imposé le diktat des hausses inférieures à l’inflation tout en faisant cadeau de 700 millions de livres à ses actionnaires.
Une demande d'augmentation de 10 pour cent a été formulée indépendamment par les ingénieurs, les travailleurs des centres d'appels et des magasins. Contraint d'organiser un scrutin, le CWU a, à ce stade, également adopté la revendication de 10 pour cent.
Le rôle des syndicats en tant qu’organisations dédiées à la suppression de la lutte des classes est clair dans le refus de la bureaucratie du CWU d’organiser une quelconque action de grève dans un conflit qui en est maintenant à son cinquième mois.
Sa réponse au mandat massif de cette semaine pour la grève a été d’annoncer un nouveau report. Le CWU a plaidé auprès de la direction de BT pour qu’elle reprenne les négociations, le secrétaire général, Dave Ward, a déclaré que le vote de grève ne donnerait pas lieu à une «réaction impulsive du syndicat». Il donnera à la direction de BT jusqu’à la fin de la semaine prochaine pour entamer des négociations et pour voir si «elle est prête à écarter l’imposition des salaires et à venir à la table des négociations avec une offre nettement améliorée». Ce n’est qu’à ce moment-là qu’une date de grève sera fixée, donnant à BT un préavis supplémentaire de sept jours, conformément à la loi.
Le principal problème du CWU est que BT a décidé d’imposer sa réduction de salaire sans participation d’une bureaucratie syndicale qui s’est avérée, conflit après conflit, être un outil parfait de la direction,. S’exprimant après le vote de grève, le secrétaire général adjoint du CWU, Andy Kerr, a déclaré que si l’offre salariale de BT «n’était pas suffisante, le plus gros problème vraiment était qu’elle est imposée».
Le premier rôle des syndicats est de retarder tout appel à la grève, en recourant à d’interminables scrutins consultatifs et négociations visant à démoraliser les travailleurs, à disperser le conflit social et à empêcher un mouvement unifié de la classe ouvrière. Lorsque cela n’est pas possible, ils approuvent une ou plusieurs journées de grève comme moyen de dissiper la colère des travailleurs.
Si toutes les sections de travailleurs actuellement en conflit – qu’ils aient déjà voté la grève, soient en train de la voter ou en train de la mener – étaient mobilisées, l’action concernerait environ 3 millions de travailleurs. Pourtant, la suppression des luttes par les syndicats est telle que pas une seule grève importante n’a eu lieu en Grande-Bretagne la semaine dernière.
Après que 40.000 travailleurs du rail eurent mené trois grèves de 24 heures la semaine dernière et que 10.000 travailleurs du métro de Londres ont fait grève pendant une journée, le syndicat RMT (Rail, Mer, Transport) a repris les négociations avec Network Rail jeudi. Dans un langage similaire au CWU, le secrétaire général adjoint du RMT, Eddie Dempsey, à qui l’on demandait si le syndicat allait approuver d’autres grèves ce mois-ci, a répondu: «Nous avons dit aux gens que nous ne sommes pas pressés… Nous ne prenons pas ces mesures à la légère. Nous ne sommes pas pressés de courir au conseil d’administration et de nommer de nouvelles actions».
Le RMT recherche un accord basé sur ce qui serait une baisse de salaire réel, 7 pour cent seulement, et un engagement symbolique à ne procéder « à aucun licenciement obligatoire ». Le syndicat a commencé à négocier malgré le lancement par Network Rail d’un processus de consultation à partir du 1er juillet, sur des licenciements, au titre de l’article 188. L’entreprise cherche à supprimer plus de 1.500 emplois pour réduire ses coûts.
Sky News a noté, à propos de la reprise des pourparlers, que «les réformes nécessiteront inévitablement des licenciements, mais [que Network Rail] pense que 95 pour cent d’entre eux peuvent être réalisés par un processus volontaire». Cela est tout à fait compatible avec la façon d’agir de longue date du RMT, qui permet de négocier la suppression d’emplois, à condition que cela soit fait sur une base «volontaire». Le syndicat était «censé avoir préparé ses propres propositions de modernisation et de réduction des coûts, y compris plus de 200 millions de livres d’économies potentielles, obtenues en partie en arrêtant de dépendre des sous-traitants».
L’humeur des travailleurs à se battre signifie que dès que les syndicats agissent pour saboter un conflit, un autre éclate. Cette semaine, environ 2.400 gestionnaires répartis dans plus de 1.000 bureaux de livraison en Grande-Bretagne (86 pour cent en faveur) et en Irlande du Nord (89 pour cent) ont voté en faveur de la grève contre les suppressions d’emplois. Le CWU a également lancé un vote auprès de 115.000 postiers en vue d’une grève contre l’imposition d’une prime salariale de 2 pour cent cette année par le Royal Mail Group. Les résultats seront annoncés le 19 juillet.
Sept cents membres du personnel au sol de British Airways à l’aéroport d’Heathrow ont voté pour la grève le mois dernier. Leurs salaires ont été réduits de 10 pour cent pendant la pandémie. Si les syndicats GMB et «Unite» ne mettent pas fin au conflit, des grèves pourraient avoir lieu dès le 8 juillet.
Dans l’éducation, des centaines de milliers d’enseignants réclament une augmentation de salaire. Le Syndicat de l’éducation nationale (NEU) et le Syndicat national des maîtres d’école-Syndicat des femmes enseignantes n’ont appelé à aucune action. Le plus important, le NEU, s’est contenté de déclarer qu’il pourrait organiser un scrutin de grève à l’automne mais seulement après que les enseignants soient obligés de voter lors d’un autre scrutin consultatif.
La déclaration du Parti de l’égalité socialiste, intitulée «Les leçons des grèves ferroviaires britanniques», explique que «les conditions sont réunies pour une grève générale qui vise à faire tomber le gouvernement Johnson et à mettre fin aux réductions de salaire et à l’aggravation des inégalités sociales. Mais cela implique une lutte politique contre le sabotage du TUC et du Parti travailliste qui sont des partenaires de fait des Tories».
Les grèves qui menacent au Royaume-Uni font partie d’une recrudescence mondiale de la lutte des classes s’exprimant par une vague de conflits sociaux, dont des grèves générales dans plusieurs pays européens. Vendredi, le Daily Maila titré son édition en ligne «Préparez-vous à un été du “restez chez vous”».
Il indiquait que le personnel de Ryanair était en grève dans les bases espagnoles de la compagnie, touchant 10 aéroports. Le personnel de cabine d’EasyJet en Espagne, qui réclame une augmentation de 40 pour cent de son salaire de base, doit organiser neuf jours de grève ce mois-ci. Les travailleurs de Ryanair et d’EasyJet font grève au mépris de la compagnie et du gouvernement espagnol du Parti socialiste (PSOE) et de Podemos. Celui-ci a réprimé la semaine dernière une grève de trois jours du personnel de cabine de Ryanair dans toute l’Europe par l’imposition de services minimums draconiens, rendant la grève illégale pour la plupart des employés.
L’article du Mailmentionne également: «Paris Charles De Gaulle: grèves ce week-end; Aéroport d’Orly: grèves ce week-end; Adolfo Saurez Madrid-Barajas: le personnel de Ryanair en grève ce week-end; Aéroport d’Ibiza: grève du personnel de Ryanair ce week-end ; Aéroport Leonard Da Vinci Int.: perturbations dues à la grève des aiguilleurs du ciel français… Aéroport de Copenhague: chaos si le personnel de SAS vote la grève cette semaine; Aéroport d’Oslo: chaos si le personnel de SAS vote la grève cette semaine; Stockholm Arlanda: chaos si le personnel de SAS vote la grève cette semaine».
(Article paru d’abord en anglais le 2 juillet 2022)