L’Allemagne se prépare à la troisième guerre mondiale en adoptant un «Fonds spécial de la Bundeswehr» de 100 milliards d’euros

Le «Fonds spécial de la Bundeswehr», doté de plus de 100 milliards d’euros, vient d’être approuvé par les deux chambres du Parlement. Il donne ainsi un coup de pouce massif à la campagne de réarmement de l’Allemagne. Le World Socialist Web Site et le Sozialistische Gleichheits partei (Parti de l’égalité socialiste, SGP) condamnent cette offensive de guerre. Nous donnons une voix à l’opposition massive des travailleurs à cette folie guerrière et fournissons une perspective socialiste pour la lutte contre celle-ci.

Avec cette décision, la classe dirigeante a mis en marche la plus grande spirale de réarmement depuis la chute du régime nazi. Les implications politiques, historiques et sociales sont énormes. Selon les mots du chancelier Olaf Scholz (Parti social-démocrate, SPD), l’Allemagne – qui se classe déjà au cinquième rang des pays qui ont les budgets militaires les plus élevés – aura à l’avenir «de loin la plus grosse armée conventionnelle d’Europe».

Après que les hôpitaux, les écoles et les crèches ont été amenés au bord du gouffre et que des milliards ont été sabrés dans le domaine de l’éducation et des services sociaux en raison de la pandémie de COVID-19 qui continue de sévir, 100 milliards d’euros supplémentaires vont être immédiatement mis à la disposition des forces armées. Le budget de guerre devrait ainsi augmenter chaque année pour atteindre plus de 2 pour cent du produit intérieur brut.

L’ampleur du réarmement est gigantesque. Atteindre l’objectif des 2 pour cent signifie que les dépenses de défense passeront d’un peu moins de 50 milliards d’euros à plus de 70 milliards pour cette seule année. Cela représente une augmentation de plus de 40 pour cent. Pour mettre le «fonds spécial» en perspective, 100 milliards d’euros représentent cinq fois le budget fédéral total de cette année pour l’éducation et la recherche.

Cette somme suffirait à soutenir chaque famille allemande à hauteur de 5.000 euros par enfant et, en même temps, on pourrait verser 360.000 euros d’indemnités pour préjudice moral aux proches de toutes les personnes officiellement décédées à cause du coronavirus. Une autre solution consisterait à utiliser cette somme sur cinq ans pour doubler le nombre d’infirmières et verser à leurs collègues les plus anciens une prime de 1.400 euros. Un seul milliard suffirait à installer des filtres à air contre le coronavirus dans toutes les salles de classe.

Mais au lieu de cela, l’argent va à l’armée. Les plans du ministère de la Défense – outre les cyber capacités et les systèmes spatiaux – prévoient 41 milliards d’euros pour l’armée de l’air, 19 milliards pour la marine et 16 milliards pour l’armée de terre. Les dépenses prévues sont pour des bombardiers nucléaires, des navires de guerre, et des chars. Ce matériel de guerre doit permettre à l’armée de mener à nouveau des opérations militaires «très importantes» et «très intensives», selon le «concept de la Bundeswehr» publié en 2018.

Sur le plan intérieur également, l’offensive de réarmement est une déclaration de guerre à la population. En inscrivant le fonds spécial dans la Constitution et en maintenant le prétendu «frein à l’endettement», la classe dirigeante crée les conditions qui permettent de soutirer chaque centime du budget de guerre à la classe ouvrière. Dans le même temps, toute critique du réarmement sera criminalisée.

Dans une résolution de 2014, le président de l’époque Joachim Gauck et les représentants du gouvernement ont annoncé le retour de l’Allemagne à une politique étrangère agressive et de grande puissance lors de la Conférence sur la sécurité de Munich. Le Sozialistische Gleichheits partei a mis en garde contre les conséquences considérables de cette évolution:

La propagande de l’après-guerre – selon laquelle l’Allemagne avait tiré les leçons des terribles crimes des nazis, était «passée à l’Ouest», avait adopté une politique étrangère pacifique et s’était développée en une démocratie stable – n’était qu’un tissu de mensonges. L’impérialisme allemand montre à nouveau ses vraies couleurs telles qu’elles sont apparues au cours de l’histoire, avec toute son agressivité au pays comme à l’étranger.

Le réarmement de la Bundeswehr qui vient d’être décidé est sans précédent dans l’histoire de l’Allemagne d’après-guerre. Il présente des parallèles indéniables avec le «réarmement» d’Hitler dans les années 30, lorsque la classe dirigeante a installé une dictature fasciste et réarmé le pays en très peu de temps, se préparant ainsi à la Seconde Guerre mondiale. Les documents stratégiques de l’armée et les discours de guerre des principaux politiciens ne laissent aucun doute sur le fait que le gouvernement poursuit à nouveau les anciens objectifs de «grande puissance».

À l’époque, comme aujourd’hui, l’impérialisme allemand aspirait à soumettre l’Europe à sa domination et à émerger en tant que première puissance militaire mondiale. «Le destin de l’Allemagne: diriger l’Europe pour diriger le monde» était le titre d’un partage sur un site officiel du ministère des Affaires étrangères en 2014. Aujourd’hui, ces plans sont mis en œuvre, avec toutes leurs conséquences.

Les bellicistes des médias et les stratèges de la politique étrangère réclament déjà des armes nucléaires allemandes et européennes pour «contenir» la Russie et être en mesure de lutter contre les futurs «conflits d’intérêts avec la première puissance occidentale», les États-Unis. Un commentaire du Frankfurter Allgemeine Zeitung prévient que «les cent milliards d’euros ne devraient être qu’un début» pour répondre à la «responsabilité de sécurité de l’Allemagne en Europe».

Des troupes allemandes en Lituanie (AP Photo/Mindaugas Kulbis)

Ce réarmement est directement dirigé contre la Russie. Quatre-vingt-un ans après la guerre d’extermination allemande contre l’Union soviétique, une guerre qui a coûté la vie à près de 30 millions de personnes, les troupes de combat allemandes marchent à nouveau vers l’Europe de l’Est. Dans le même temps, l’Allemagne arme jusqu’aux dents l’armée ukrainienne, qui est truffée de forces d’extrême droite, et poursuit son objectif déclaré de vaincre la Russie.

Contrairement à la propagande officielle, le prétendu «tournant de l’époque» n’est pas une réaction à l’attaque russe contre l’Ukraine. La classe dirigeante utilise l’invasion réactionnaire de la Russie, que l’OTAN a systématiquement provoquée, pour mettre en œuvre ses propres plans de réarmement et de guerre. Comme lors des Première et Seconde Guerres mondiales, l’objectif n’a rien à voir avec les «droits de l’homme» ou la «démocratie», mais il s’agit plutôt de la conquête de sphères d’influence et de ressources. En même temps, la politique de guerre sert à dévier vers l’extérieur les tensions de classe explosives.

Contrairement aux politiciens bourgeois qui se délectent du militarisme et en profitent, les travailleurs en Allemagne et en Europe détestent profondément la guerre et la dictature. Dans ces conditions, la politique officielle prend la forme d’une conspiration pure et simple.

Le retour du militarisme allemand, qui alimente énormément le danger d’une troisième guerre mondiale, est également poussé en avant, surtout par les prétendus partis de gauche au Bundestag. Le SPD, avec Scholz, dirige le gouvernement fédéral et donc aussi l’offensive contre la Russie. Les Verts, qui ont déjà organisé en 1998-99 avec le SPD la guerre d’agression contre la Yougoslavie, en violation du droit international, comptent parmi les agitateurs et les bellicistes les plus agressifs.

Le Parti de gauche et les syndicats ont également les deux pieds dans le camp de l’impérialisme allemand. Au Bundestag, le Parti de gauche a voté contre le fonds spécial parce que ses voix ne comptaient pas puisque tous les autres partis soutenaient le fonds. Politiquement, cependant, il est d’accord avec la campagne guerrière. Les principaux représentants du parti soutiennent les sanctions contre la Russie et les livraisons d’armes à l’Ukraine et demandent même la réintroduction du service militaire obligatoire.

Dans une récente déclaration, le syndicat Verdi – qui a imposé le gel des salaires et des réductions de salaires réels aux infirmières, aux éducateurs et aux enseignants – a appelé à une «amélioration durable de la Bundeswehr» et à une «amélioration de la cybersécurité» des forces armées. La Fédération allemande des syndicats (DGB) a également exigé récemment une «contribution substantielle» de l’Allemagne à la force militaire de l’OTAN et de l’UE.

Le seul parti qui s’oppose à la politique de guerre de la bourgeoisie allemande est le Parti de l’égalité socialiste (SGP). Avec nos partis frères du Comité international de la Quatrième Internationale, nous allons intensifier la lutte pour construire un puissant mouvement socialiste antiguerre. Ce faisant, nous nous appuyons sur l’énorme opposition dans la classe ouvrière qui entre dans les luttes de classe ouvertes dans le monde entier après 30 ans de guerre et d’austérité sociale.

Si la classe dirigeante en Allemagne, et surtout elle, pense qu’elle peut s’emparer du pouvoir mondial une troisième fois après ses crimes historiques dans les deux guerres mondiales, elle a fait ses calculs sans tenir compte de la classe ouvrière et de sa direction politique, qui doit maintenant être développée en un parti de masse. Devenez membre du Parti de l’égalité socialiste aujourd’hui et joignez les rangs de la lutte contre le militarisme, la guerre et sa source: le capitalisme. Plus jamais la guerre, plus jamais le fascisme!

(Article paru en anglais le 13 juin 2022)