La liquidation massive de mercredi à Wall Street, touchant les actions des principales sociétés de vente au détail qui ont connu leur plus forte baisse depuis le krach boursier du lundi noir d’octobre 1987, était une réponse aux indications claires que l’économie américaine et mondiale se dirige rapidement vers la récession.
Wall Street est en baisse depuis qu’elle a atteint des sommets au début de l’année, la hausse des taux d’intérêt frappant les sociétés de haute technologie dont l’essor a été alimenté par l’injection d’argent pratiquement gratuit par la Réserve fédérale américaine. Mais cet apport est en train d’être coupé, car la Fed relève les taux d’intérêt en réponse à l’inflation la plus élevée depuis 40 ans, afin de mettre un frein aux revendications salariales des travailleurs.
En conséquence, l’indice NASDAQ, fortement axé sur les technologies, a chuté de plus de 25% cette année, alors que des signes indiquent que la bulle spéculative est en train de se dégonfler, ce qui accroît les risques d’une crise majeure du système financier.
Mais la liquidation de mercredi, au cours de laquelle le Dow Jones a perdu plus de 1100 points, sa pire journée depuis près de deux ans, le S&P a chuté de 4% et le NASDAQ de 4,7%, a marqué un nouveau tournant qualitatif alors que les craintes de récession s’intensifient.
Les actions de Target, l’un des plus grands détaillants américains, ont plongé de 25% après que la société a annoncé que ses coûts avaient augmenté d’un milliard de dollars en raison de la hausse du prix de l’essence et des frais de transport.
Dans le même temps, elle a été frappée par la baisse des dépenses discrétionnaires, les familles de la classe ouvrière devant consacrer une part croissante de leur salaire réel en baisse à des dépenses de première nécessité, telles que l’alimentation et l’essence, face à une spirale inflationniste qui a vu le prix de ces articles augmenter plus rapidement que le taux d’inflation officiel de 8,5%.
L’effondrement de Target a été reflété par Walmart, dont les actions ont chuté de 6,8% après avoir baissé de 11% le jour précédent.
De nombreuses déclarations du président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, et d’autres responsables ont clairement indiqué que, si nécessaire, la Fed provoquera une récession d’une ampleur égale, voire supérieure, à celle provoquée par son président Paul Volcker dans les années 1980, qui a entraîné une dévastation sociale et économique massive.
S’exprimant lors d’une conférence mardi, Powell a clairement indiqué que la banque centrale poursuivrait le relèvement de ses taux d’intérêt afin d’étouffer les revendications salariales croissantes.
«Rétablir la stabilité des prix est une nécessité non négociable. C’est quelque chose que nous devons faire. Cela pourrait être douloureux», a-t-il déclaré.
Les remarques de Powell soulignent la dynamique sociale et de classe essentielle qui a façonné et déterminé la politique de la Fed pendant des décennies.
Lorsque le système financier a implosé en 2008 en raison de la spéculation effrénée des deux décennies précédentes, alimentée par sa détermination à soutenir le marché boursier après le krach d’octobre 1987, la Fed a instauré le régime d’assouplissement quantitatif, déversant des milliers de milliards de dollars dans le système financier.
Cela a entraîné une redistribution massive des richesses vers les échelons supérieurs de la société, les portefeuilles boursiers atteignant des sommets, tandis que les travailleurs étaient frappés par d’importantes destructions d’emplois, les syndicats imposant des réductions de salaire réelles.
Lorsque la pandémie de COVID-19 a éclaté en 2020 et que les marchés financiers se sont figés par crainte que les mesures de santé publique nécessaires ne frappent Wall Street, la Fed a injecté plus de 4000 milliards de dollars supplémentaires dans le système financier. Le gouvernement a renfloué les sociétés et une campagne de retour au travail a été lancée, au mépris de toute science, pour s’assurer que le flux de profits ne soit pas interrompu.
Le refus des gouvernements du monde entier, à l’instar des États-Unis, d’instituer des mesures significatives à l’échelle internationale pour éliminer la COVID-19, a conduit à une crise de la chaîne d’approvisionnement qui a entraîné une escalade de l’inflation, alimentée par l’approvisionnement sans fin en argent des spéculateurs de Wall Street.
Mais la lutte des classes, étouffée pendant des décennies par les syndicats, réapparaît aujourd’hui dans les vagues de grèves et de protestations sociales aux États-Unis et dans le monde entier.
La même dynamique de classe qui a créé la crise est à l’œuvre, bien que sous une forme différente, puisque la Fed américaine et les autres banques centrales cherchent à imposer une récession pour écraser ce mouvement.
Au Royaume-Uni, où l’inflation a atteint 9%, le taux le plus élevé de toutes les grandes économies, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Andrew Bailey, tout en mettant en garde contre une augmentation «apocalyptique» des prix des denrées alimentaires, a insisté sur le fait que les hausses de taux d’intérêt se poursuivront coûte que coûte. «Nous devons ramener [l’inflation] vers l’objectif. Et cela est clair», a-t-il déclaré cette semaine devant le Parlement britannique.
Le resserrement de la politique monétaire de la Fed a déjà un impact sur l’économie mondiale. La hausse des taux d’intérêt entraîne une stagnation économique, tandis que la chute des monnaies nationales par rapport au dollar accroît le poids de la dette et fait grimper l’inflation, notamment dans le secteur alimentaire.
Cette semaine, l’Institute of International Finance, un groupement mondial de 450 sociétés financières, a prévenu que l’économie mondiale allait au mieux stagner cette année, avec un risque de récession «élevé» et un «resserrement désordonné des conditions financières» en cours.
Les pays moins développés, qui luttent contre les effets de la COVID-19 et maintenant contre l’escalade des prix des denrées alimentaires en raison de la guerre par procuration menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine, sont déjà touchés, ce qui a donné lieu à des manifestations sociales et à des grèves massives dont le fer de lance est l’éruption contre le gouvernement Rajapakse au Sri Lanka.
Les éruptions sociales dans ce pays sont le résultat de processus mondiaux à l’œuvre dans tous les pays et qui s’intensifieront lors de la prochaine étape de la guerre de classe menée par les élites dirigeantes, qui cherchent à faire payer à la classe ouvrière la crise qu’elles ont créée.
Il n’y a pas de reprise économique en vue. Les tendances sont les mêmes partout. L’économie européenne stagne et est au bord de la récession. L’économie japonaise, la troisième du monde, s’est contractée à un taux annualisé de 1% au premier trimestre. L’économie américaine s’est contractée à un taux annuel de 1,4% au cours de la même période.
L’histoire des événements économiques des dernières décennies et des deux dernières années, en particulier, est une sévère condamnation du système de profit.
Le refus d’agir sur la COVID a entraîné des millions de morts inutiles et créé une flambée inflationniste incontrôlable.
La guerre par procuration menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie a débouché sur la crise alimentaire qui impose la famine à des centaines de millions de personnes dans le monde.
L’injection de milliers de milliards de dollars par les banques centrales du monde entier a alimenté le feu de l’inflation, tout en créant une bulle spéculative massive qui menace d’imploser à tout moment.
Et pour couronner le tout, le capital financier s’efforce sans relâche de faire payer la classe ouvrière par des salaires toujours plus bas et des coupes dans les services sociaux en provoquant une récession aux conséquences sociales et économiques incalculables.
La nécessité d’une réorganisation socialiste internationale de la société par la classe ouvrière mondiale n’est pas une conception abstraite ou un simple postulat théorique. C’est la solution naturelle qui permettra à l’humanité de sortir du chaos et de la dévastation générés par le système de profit capitaliste.
(Article paru en anglais le 19 mai 2022)