Dans un acte brutal de meurtre de masse, la monarchie saoudienne, soutenue par les États-Unis, a exécuté 81 hommes samedi, ce qui constitue le plus grand massacre de ce type dans l’histoire du royaume. Le gouvernement saoudien n’a pas précisé comment les exécutions ont eu lieu, mais la décapitation est la méthode qu’il emploie habituellement contre ses victimes. Sept des personnes exécutées étaient des Yéménites, l’une était syrienne et les autres étaient des citoyens saoudiens.
Cette action barbare n’a reçu qu’une attention superficielle de la part des médias américains, ce qui contraste fortement avec la couverture saturée de chaque atrocité présumée commise par les forces russes en Ukraine. La Maison-Blanche et le département d’État n’ont fait aucune déclaration publique.
Si le ministère saoudien de l’Intérieur a affirmé que les crimes capitaux pour lesquels les 81 personnes avaient été exécutées incluaient le terrorisme et «de multiples crimes odieux qui ont entraîné la mort d’un grand nombre de civils et d’agents de la force publique», il n’a donné aucun détail sur les infractions présumées et n’a cité aucune des victimes présumées tuées par les personnes exécutées.
Le nombre de morts est le plus élevé en une seule journée d’exécutions depuis la fondation du royaume ensanglanté par Ibn Saoud en 1932, lorsqu’il a unifié la péninsule arabique à la suite de la défaite de l’Empire ottoman lors de la Première Guerre mondiale face aux impérialismes britannique et français.
La plus grande exécution de masse précédente a eu lieu en 1980, lorsque 63 hommes ont été mis à mort après que des militants islamistes eurent saisi la Grande Mosquée de La Mecque dans le but de renverser le régime. En 2016, la monarchie a exécuté 47 personnes, dont le leader musulman chiite Nimr al-Nimr, pour réprimer l’opposition politique dans les provinces orientales, largement peuplées par la minorité chiite.
Des considérations politiques similaires étaient apparemment impliquées dans le bain de sang de samedi, puisque les jeunes hommes chiites constituaient la majorité des personnes exécutées. Le prince héritier Mohammed ben Salman – le véritable dirigeant de l’Arabie saoudite sous le règne symbolique de son père, le roi Salman, âgé de 85 ans et sénile – a concentré les mesures répressives internes sur l’opposition chiite, dépeignant tous les dissidents comme des agents de l’Iran.
Le régime a abandonné la peine de mort pour les infractions liées à la drogue en 2019, ce qui a entraîné une forte baisse des meurtres d’État en 2020. Cela souligne le fait que l’exécution de masse de samedi, qui a produit un plus grand nombre de morts en une seule journée que pendant toute l’année 2020 ou 2021, était pour des délits politiques.
Le ministère de l’Intérieur a publié une déclaration macabre décrivant les victimes comme liées à des groupes terroristes étrangers, notamment ISIS et Al-Qaïda (qui ont tous deux bénéficié par le passé du soutien du gouvernement saoudien), qui visaient des responsables gouvernementaux et des «sites économiques vitaux», tuaient des policiers et posaient des mines terrestres, le tout sans aucune preuve. Le ministère n’a même pas pris la peine de présenter les «aveux» extorqués aux prisonniers.
Certains prisonniers seraient liés aux Houthis, le groupe yéménite qui a renversé un régime soutenu par l’Arabie saoudite et mène une guerre prolongée contre l’intervention militaire saoudienne dans ce pays depuis 2015.
Les groupes de défense des droits de l’homme, y compris ceux formés par des dissidents saoudiens en exil, ont condamné ces exécutions et déclaré que la majorité des victimes appartenaient à la minorité chiite brutalement opprimée dans la région orientale.
Reprieve, un groupe de défense qui suit les exécutions saoudiennes, a déclaré dans un communiqué: «Le monde devrait savoir maintenant que lorsque Mohammed ben Salman promet une réforme, un bain de sang ne peut que suivre». Ils ont ajouté: «Nous craignons pour chacun [des prisonniers] après cette démonstration brutale d’impunité».
La déclaration mentionne la visite prochaine du premier ministre britannique Boris Johnson à Riyad, «pour quémander du pétrole saoudien en remplacement du gaz russe», et souligne le contraste entre la dénonciation par les États-Unis et l’Europe des actions russes en Ukraine et «comment celles du prince héritier sont récompensées».
L’agence de presse chiite Ahlul Bayt News Agency (ABNA), basée en Iran, a rapporté que parmi les personnes tuées lors des exécutions de masse figuraient «41 membres du mouvement de protestation pour la paix à Al-Ahsa et Qatif» [dans l’est de l’Arabie saoudite], faussement accusés d’avoir commis des actes “terroristes”» et a accusé le régime saoudien de «commettre davantage de crimes contre des innocents». ABNA accuse le régime d’exploiter la prétendue guerre contre le terrorisme et de profiter de la situation internationale actuelle où le monde est préoccupé par ce qui se passe en Ukraine pour perpétrer un horrible massacre contre un groupe de jeunes gens qui n’ont fait qu’exercer leur droit légitime d’exprimer leur droit à la liberté».
L’Organisation saoudienne-européenne pour les droits de l’homme a déclaré que dans les cas qu’elle avait pu documenter, les accusations n’impliquaient «pas une goutte de sang», même selon les règles établies par la monarchie saoudienne pour établir les critères justifiant les exécutions. La nature des accusations dans de nombreux cas n’a pu être déterminée en raison du secret judiciaire et de l’intimidation des membres de la famille des personnes mises à mort.
L’association a déclaré avoir recueilli des informations sur des cas de torture, de détention au secret et de refus d’accès à un avocat, malgré le fait que les autorités affirment que toutes les victimes avaient pleinement accès à une défense juridique.
Ali Adubusi, le chef du groupe a déclaré dans un communiqué: «Ces exécutions sont le contraire de la justice. On a torturé certains de ces hommes et la plupart des procès ont été tenus en secret. Ce massacre horrible a eu lieu quelques jours après que Mohammed ben Salman a déclaré que les exécutions seraient limitées. C’est le troisième massacre de ce type en sept ans de règne du roi Salman et de son fils».
Adubusi faisait référence à la longue interview du prince héritier publiée dans The Atlantic la semaine dernière, l’un des efforts les plus honteux pour glorifier le boucher saoudien. Ben Salman est dépeint dans l’article comme un réformateur autocratique, mais libéral qui cherche à mettre fin aux exécutions de masse.
Ce genre de servilité, autrefois l’apanage de Thomas Friedman, chroniqueur au New York Times, et d’autres admirateurs de la force brute, n’a plus la cote dans la presse bourgeoise américaine depuis que le prince héritier a été publiquement lié au meurtre du dissident saoudien Jamal Khashoggi, un collaborateur régulier du Washington Post. Khashoggi a été assassiné et démembré à l’intérieur du consulat saoudien à Istanbul, en Turquie, en 2018, par un commando envoyé par Ben Salman.
Le régime saoudien est enhardi par l’hystérie guerrière menée par les États-Unis à propos de l’Ukraine, non seulement pour intensifier sa répression interne, mais aussi pour intensifier sa guerre quasi génocidaire au Yémen. L’assaut contre le Yémen qui a débuté en 2015 a conduit des millions de personnes au bord de la famine, créant ce que les agences internationales ont qualifié de pire crise humanitaire au monde, avec plus de 377.000 morts. Le gouvernement américain a été le principal artisan de ces attaques, en fournissant des informations sur les cibles et en réapprovisionnant les stocks d’armes saoudiens.
Selon un reportage publié dimanche par le Wall Street Journal, les forces sous commandement saoudien au Yémen ont mené plus de 700 frappes aériennes en février, le plus grand nombre depuis 2018, tuant des centaines de civils yéménites. La plupart des bombardements se sont concentrés sur la région de Marib, riche en pétrole, où une offensive des Houthis menace de prendre la dernière portion significative du nord du Yémen encore sous le contrôle du régime fantoche saoudien du président déchu Abdrabbuh Mansur Hadi.
(Article paru en anglais le 14 mars 2022)