Mardi, la sous-secrétaire d’État Victoria Nuland a déclaré devant une audience du Sénat que des «installations de recherche biologique» ont fonctionné en Ukraine, en réponse à une question du sénateur Marco Rubio (républicain de Floride) sur la présence d’armes chimiques ou biologiques dans le pays.
Bien qu’elle n’ait rien dit de l’implication des États-Unis dans ces laboratoires, Nuland a rapidement orienté son témoignage lors de l’audition de la commission sénatoriale des affaires étrangères vers les efforts déployés par le département d’État pour «empêcher que l’un de ces matériels de recherche ne tombe entre les mains des forces russes». Elle a poursuivi, dans un échange soigneusement orchestré avec Rubio, en disant que s’il y avait une attaque aux armes biologiques ou chimiques en Ukraine, elle serait «sans aucun doute» menée par la Russie.
Voici la transcription de l’échange entre Rubio et Nuland:
Sénateur Marco Rubio: L'Ukraine possède-t-elle des armes chimiques ou biologiques?
Victoria Nuland: L’Ukraine possède des installations de recherche biologique. En fait, nous sommes maintenant assez inquiets que les troupes russes, les forces russes, puissent chercher à en prendre le contrôle. Donc nous travaillons avec les Ukrainiens sur la façon dont nous pouvons empêcher que ces matériaux de recherche ne tombent entre les mains des forces russes. Si elles s’en approchent.
Sén. Marco Rubio: Je suis sûr que vous êtes conscient que les groupes de propagande russes diffusent déjà toutes sortes d’informations sur la façon dont ils ont découvert un complot des Ukrainiens pour créer des armes biologiques dans le pays, avec le soutien de l’OTAN.
S’il y a un incident ou une attaque à l’arme biologique ou chimique à l’intérieur de l’Ukraine, y a-t-il le moindre doute dans votre esprit que ce sont les Russes qui sont derrière tout cela?
Victoria Nuland: Il n’y a aucun doute dans mon esprit, sénateur. Et en fait, c’est une technique russe classique de blâmer l’autre pour ce qu’ils prévoient de faire eux-mêmes.
L’aveu extraordinaire de Nuland concernant les laboratoires ukrainiens d’armes biologiques confirme les rapports de Moscou selon lesquels un programme biologique militaire était développé dans le pays par les États-Unis. L’aveu du département d’État prouve également que les déclarations du Pentagone qualifiant d’«absurdes» les rapports russes, et celles du bureau du président ukrainien Zelensky niant l’existence de tels programmes, étaient entièrement fausses.
Selon un rapport de Reuters publié mercredi matin, «la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré que des preuves du programme présumé avaient été découvertes par la Russie au cours de ce qu’elle appelle son opération militaire en Ukraine, que ses forces ont envahie le 24 février».
Reuters rapporte que Zakharova a également déclaré que la Russie disposait de «documents montrant que le ministère ukrainien de la Santé avait ordonné la destruction d’échantillons de peste, de choléra, d’anthrax et d’autres agents pathogènes après le 24 février». Zakharova a déclaré: «Nous pouvons déjà conclure que dans les laboratoires biologiques ukrainiens situés à proximité directe du territoire de notre pays, le développement de composants d’armes biologiques était en cours».
En réponse à ces révélations, le ministère chinois des Affaires étrangères a exigé mardi que les États-Unis «fournissent une description complète» des recherches sur les armes biologiques qui, selon les Russes, étaient menées en Ukraine avec des fonds américains.
Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a déclaré: «En particulier, les États-Unis, en tant que partie qui connaît le mieux ces laboratoires, devraient publier dès que possible les détails spécifiques pertinents. Notamment les types d’agents pathogènes stockés et les recherches menées». Afin de garantir «la santé et la sécurité des personnes en Ukraine, dans les régions environnantes et même dans le monde entier».
Des détails sur les installations d’armes biologiques en Ukraine ont été rapportés par le ministère russe de la Défense le 6 mars, lorsque le général de division Igor Konashenkov a allégué que des agents pathogènes de maladies mortelles pour la guerre biologique étaient créés dans des laboratoires ukrainiens financés par le Pentagone.
Konashenkov a déclaré à l’agence de presse russe TASS. «De toute évidence, avec le début d’une opération militaire spéciale, le Pentagone avait de sérieuses inquiétudes quant à la divulgation de la conduite d’expériences biologiques secrètes sur le territoire de l’Ukraine».
Un fil Twitter qui visait à limiter les dégâts, a été posté par le porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki, mercredi en fin d’après-midi. Les messages ne faisaient pas référence au témoignage de Nuland devant le Congrès, mais qualifiaient les rapports russes et chinois de «grotesques» et d’«opération de désinformation». Psaki a poursuivi en déclarant que les États-Unis «respectent pleinement leurs obligations au titre de la Convention sur les armes chimiques et de la Convention sur les armes biologiques et nous ne développons ni ne possédons de telles armes nulle part».
L’attachée de presse de la Maison-Blanche a ensuite accusé la Russie d’avoir «un bilan long et bien documenté d’utilisation d’armes chimiques. Cela comprend, selon elle, les tentatives d’assassinat et d’empoisonnement des ennemis politiques de Poutine comme Alexey Navalny». Elle a également écrit que la Russie «continue de soutenir le régime d’Assad en Syrie, qui a utilisé des armes chimiques à plusieurs reprises».
Cependant, l’empoisonnement présumé de Navalny, le chef de l’opposition anti-Poutine soutenue par l’impérialisme en Russie, avec du Novichok en décembre 2020 n’a jamais été prouvé et s’est rapidement avéré faire partie d’une campagne de propagande internationale visant à attiser les préparatifs de guerre des États-Unis contre la Russie avant l’investiture de Biden comme président. Pendant ce temps, des documents publiés par WikiLeaks ont mis à nu les accusations d’une attaque syrienne aux armes chimiques à Duoma en 2018 comme étant un plan élaboré pour justifier un assaut des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France contre le gouvernement de Damas.
Psaki a terminé son tweet en disant que la Russie a «l’habitude d’accuser l’Occident des violations que la Russie commet elle-même», une affirmation dont le témoignage de Nuland, mardi, a démasqué la fausseté.
Les révélations dévastatrices de Nuland, qui démasquent devant le monde entier les préparatifs de l’impérialisme américain pour la guerre en Ukraine bien avant que la Russie n’envahisse le pays, ont pris les médias institutionnels par surprise. Apparemment en attente d’un communiqué de la Maison-Blanche, aucun grand média américain n’en a encore parlé. Pendant ce temps, les reportages continuent de qualifier, malgré le fait que les allégations russes sur des laboratoires d’armes biologiques en Ukraine soient désormais vérifiées, de «faux récit» et de «théorie du complot démystifiée».
Un reportage de Newsweek publié mercredi midi dit, par exemple, «En fait, le Département de la Défense américain n’a jamais eu de laboratoire biologique en Ukraine.» Newsweek rapporte également que le partenariat entre le Pentagone et le ministère ukrainien de la Santé «s’inscrit dans le cadre du Programme coopératif de réduction des menaces. Ce dernier a débuté en 1991 dans le but de réduire la menace des armes de destruction massive après la chute de l’Union soviétique».
La révélation du développement d’armes biologiques soutenu par le Pentagone en Ukraine est un avertissement pour la classe ouvrière internationale quant à ce que l’impérialisme américain prépare militairement contre la Russie. Compte tenu des guerres d’agression qu’ils mènent depuis des décennies et qui ont entraîné la mort de millions de personnes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, on ne doit se faire d’illusions sur le degré de mensonge, de provocation et de violence militaire que les États-Unis sont prêts à mettre en œuvre pour atteindre leurs objectifs géostratégiques.
(Article paru d’abord en anglais le 10 mars 2022)