1. Le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) et le World Socialist Web Site s’opposent sans équivoque à la campagne téméraire de Washington et de ses alliés de l’OTAN visant à déclencher une guerre avec la Russie, sous le prétexte fabriqué de toutes pièces d’une invasion imminente de l’Ukraine. Le gouvernement Biden a concocté un récit absurde et transparent sur «l’arrivée des Russes» qui est dépourvu de faits crédibles et contredit toute logique politique.
2. Les allégations de guerre imminente proviennent exclusivement des États-Unis et de l’OTAN. Le président russe Vladimir Poutine n’a fait aucune déclaration qui laisse entendre que telles sont ses intentions. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky nie qu’une invasion russe soit «imminente» et a demandé à plusieurs reprises aux États-Unis et à l’OTAN de cesser de provoquer la panique.
3. La propagande abrutissante du gouvernement américain est diffusée au public par des médias lâches dont les «experts» sans cervelle ne posent aucune question et présentent comme une vérité absolue les scripts quotidiens préparés pour eux par l’armée et les agences de renseignement américaines. Le mensonge des «armes de destruction massive» qui a justifié l’invasion désastreuse de l’Irak en 2003 a été oublié. Pas une seule question cruciale ou voix d’opposition à la guerre n’est autorisée à accéder aux médias de masse. De simples allégations sont présentées comme la preuve de ce qui est allégué. Comme l’a déclaré un porte-parole du gouvernement Biden lors d’un récent point de presse, une déclaration du gouvernement n’a pas besoin de preuves corroborantes. La déclaration est, en elle-même, une preuve suffisante parce qu’elle est faite par le gouvernement.
4. Selon le conte de fées médiatique écrit par la CIA, l’Amérique pacifique et l’OTAN réagissent à la menace soudaine d’une invasion russe en Ukraine. Mais l’escalade de la confrontation est le résultat de mois de préparations intenses par les États-Unis et l’OTAN. Au cours des huit derniers mois, Washington a déployé 10.000 soldats américains sur sa base d’Alexandropoulis en Grèce, a mené DEFENDER-Europe 21 en vue de préparer les combats dans les régions des Balkans et de la mer Noire, et a organisé la plus grande opération Sea Breeze jamais menée en mer Noire.
5. Comme pour toutes les guerres des États-Unis et de l’OTAN, le conflit en Ukraine est préparé de grandes déclamations hypocrites. Dans ce cas, l’annexion de la Crimée par la Russie et son soutien aux forces séparatistes dans l’est de l’Ukraine – qui se sont tous deux développés en réponse au putsch de changement de régime de 2014 organisé par les États-Unis et l’Allemagne – sont présentés comme une violation flagrante de la souveraineté ukrainienne.
6. Les États-Unis et l’OTAN proclament le caractère sacré des frontières des États. Mais leur dévotion professée à ce principe va à l’encontre de leurs violations et réarrangements répétés des frontières des États au cours des 30 dernières années. Les États-Unis et l’OTAN n’ont eu aucun respect pour l’autodétermination en Yougoslavie, qui a été détruite à la suite de la dissolution de l’Union soviétique en 1991. La reconnaissance de l’indépendance de la Croatie par les États-Unis et l’Allemagne a ouvert la voie à une décennie de conflits ethniques qui ont coûté des dizaines de milliers de vies. En 1999, la coalition de l’OTAN dirigée par les États-Unis a bombardé la Serbie pendant 78 jours consécutifs pour soutenir la sécession de la province du Kosovo, dont l’indépendance a été établie sous le contrôle d’un gouvernement composé de barons de la drogue.
7. Les États-Unis ont envahi l’Afghanistan en octobre 2001 et ont renversé son gouvernement. Cette invasion a été suivie en mars 2003 d’une violation encore plus flagrante du droit international: l’invasion de l’Irak et le renversement de son gouvernement. Pendant la sanglante occupation américaine de l’Irak, Antony Blinken, aujourd’hui secrétaire d’État, a proposé une division tripartite du pays. Des plans similaires ont été élaborés pour la Libye après l’assaut des États-Unis et de l’OTAN en 2011, qui a abouti au renversement de son gouvernement et à l’assassinat de son président – un crime sanglant qui a été salué par la secrétaire d’État de l’époque, Hillary Clinton, qui avait réagi en plaisantant et en riant. Cette intervention a été suivie par le bombardement américain de la Syrie, qui se poursuit à ce jour.
8. La prétendue préoccupation de Washington pour la démocratie ukrainienne n’est pas moins trompeuse et hypocrite que sa dévotion à l’autodétermination de l’Ukraine. Le gouvernement de Kiev, qui tire son existence du renversement, soutenu par les États-Unis, d’un gouvernement élu, gouverne au nom d’une kleptocratie oligarchique responsable de la répression de la classe ouvrière ukrainienne. Les forces sociales sur lesquelles Zelensky s’appuie, y compris diverses organisations paramilitaires et des groupements d’extrême droite, portent la puanteur historique du fascisme.
9. Il y a une urgence frénétique dans la campagne de guerre de Washington. Les États-Unis semblent fonctionner sur la base d’un calendrier qui ne leur permet pas de peser les conséquences ou de discuter ouvertement des pires scénarios. Biden a déclaré à la presse le 10 février que si les Américains et les Russes commencent à se tirer dessus, «c’est une guerre mondiale». Pourtant, plutôt que de prendre des mesures pour désamorcer et prévenir un tel cataclysme, les États-Unis poursuivent leurs provocations et leurs allégations, annonçant qu’ils connaissent la date précise à laquelle la Russie a l’intention d’envahir le pays: le 16 février.
10. Les États-Unis s’engagent dans une politique unilatérale de la corde raide dans la poursuite de leurs intérêts. La folie guerrière de Washington et de ses alliés de l’OTAN obéit à une logique objective dictée par deux facteurs fondamentaux.
11. Premièrement, les États-Unis se sont engagés depuis 1991 dans une course incessante pour exploiter les possibilités de pillage et d’expansion impérialiste ouvertes par la dissolution de l’URSS. Le plan stratégique du Pentagone élaboré en 1992 déclarait que les États-Unis ne permettraient pas l’émergence d’un nouvel opposant à leur hégémonie mondiale. Au cours des trois dernières décennies, Washington a mené la guerre sans relâche à cette fin, réduisant à l’état de ruines des pays et des civilisations entières dans les Balkans, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie centrale. Plus le déclin de l’hégémonie économique américaine devenait prononcé, plus ses objectifs de guerre devenaient mondiaux. La Russie et la Chine sont désormais dans sa ligne de mire.
12. Dans sa déclaration du 18 février 2016, «Le socialisme et la lutte contre la guerre», le Comité international de la Quatrième Internationale a présenté une analyse détaillée de la stratégie mondiale de l’impérialisme américain et de ses alliés de l’OTAN. Il a souligné qu’à la base de la poussée vers la guerre se trouvent «les contradictions profondes du système capitaliste mondial: 1) entre une économie mondialement intégrée et interdépendante et sa division en États nationaux antagonistes; et 2) entre le caractère socialisé de la production mondiale et sa subordination, par la propriété privée des moyens de production, à l’accumulation de profits privés par la classe dirigeante capitaliste».
13. Dans le contexte de ces contradictions fondamentales, le CIQI explique:
La marche vers la guerre découle largement des efforts déployés par les États-Unis pour garder leur position en tant que puissance hégémonique mondiale. La dissolution de l’Union soviétique en 1991 fut interprétée comme l’occasion d’imposer une domination américaine incontestée de la planète. Elle fut saluée par les propagandistes impérialistes comme la «fin de l’histoire» et un «moment unipolaire» où la puissance incontestable des États-Unis allait dicter un «nouvel ordre mondial» dans l’intérêt de Wall Street. L’Union soviétique avait occupé une vaste région du globe, allant des frontières orientales de l’Europe jusqu’à l’océan Pacifique. Désormais, les vastes territoires de l’Eurasie, occupés par une Russie affaiblie et les États nouvellement indépendants d’Asie centrale, redevenaient disponibles pour exploitation et pillage par les grandes sociétés. La restauration du capitalisme en Chine par la bureaucratie stalinienne, sa répression sanglante de la résistance ouvrière en 1989 et la création de «zones de libre-échange» pour l’investissement transnational ont créé un immense bassin de main-d’oeuvre à bon marché.
14. Les affirmations d’une invasion russe imminente et le déploiement des forces américaines dans la région signifient que des sections puissantes de l’élite patronale et financière et des agences de renseignement ont décidé que la confrontation avec la Russie, prévue de longue date, ne peut plus être retardée. Entre 2017 et 2020, la principale plainte du Parti démocrate contre Trump n’était pas son assaut contre la constitution et ses préparatifs de dictature, mais, plutôt, son incapacité à s’opposer à la Russie avec suffisamment de force. Ainsi, l’allégation selon laquelle il avait retenu l’aide militaire à l’Ukraine avait dominé la procédure de la première mise en accusation de Trump, entre décembre 2019 et février 2020. La dénonciation typique du Parti démocrate à l’égard de Trump n’était pas qu’il était un dictateur fasciste en puissance, mais plutôt une «marionnette de Poutine».
15. Maintenant que le gouvernement Biden est au pouvoir, il tente de rattraper le temps perdu. Le stratagème des États-Unis et de l’OTAN est aussi grossier qu’il est évident. L’Ukraine est utilisée comme appât pour attirer la Russie dans la guerre. Les références répétées de Biden à une opération russe «sous fausse bannière» rappellent la tactique bien connue du pickpocket qui détourne l’attention de ses poursuivants potentiels en criant «Au voleur!» S’il y a un pays qui planifie vraiment une opération «sous fausse bannière», ce sont les États-Unis.
16. Tout incident en Ukraine, même si ses origines sont douteuses, sera utilisé pour activer les forces de l’OTAN et créer, de jure ou de facto, un état de guerre. Le projet de gazoduc Nord Stream II, par lequel la Russie devait fournir du gaz naturel à l’Allemagne, sera abandonné. Encerclée par l’OTAN, la Russie se trouvera confrontée à une liste d’exigences sans fin et en constante augmentation, à commencer par le retour inconditionnel de la Crimée à l’Ukraine. L’influence de la Russie en Biélorussie sera supprimée. Les mouvements sécessionnistes en Russie, de la Tchétchénie à la Sibérie, obtiendront un soutien impérialiste non dissimulé. L’objectif final est un changement de régime à Moscou et le morcellement de la Russie.
17. L’insistance du gouvernement Biden sur le «droit» de l’Ukraine à devenir membre de l’OTAN est un élément essentiel d’une stratégie qui vise à réduire la Russie à un état d’impuissance totale. Le stratège impérialiste et belliciste Zbigniew Brzezinski, dans son livre «Le grand échiquier» (The Grand Chessboard – 1997), a écrit que l’Ukraine est un «pivot géopolitique» pour la Russie, déterminant la sécurité de ses frontières sud et son accès aux mers chaudes. La région de l’Ukraine, de la mer Noire et de la mer Caspienne revêt une importance géostratégique incalculable et constitue l’axe central des plans de domination mondiale de Washington. C’est par cette région que la Russie accède à la Méditerranée et que la Chine étend à l’Europe la route terrestre de son initiative de «la Nouvelle Route de la Soie». L’objectif de guerre de Washington est de détruire la Russie en tant qu’obstacle à l’hégémonie américaine sur les régions de la mer Noire et de la mer Caspienne et, à terme, sur toute l’Eurasie, en réduisant ce pays riche en ressources à un statut semi-colonial. Cela est considéré comme une étape nécessaire aux préparatifs de guerre contre la Chine.
18. Deuxièmement, la course à la guerre est portée à son paroxysme par une crise intérieure insoluble. L’escalade de la campagne guerrière, dans le sillage immédiat de la débâcle en Afghanistan, est enracinée dans des crises sociales, financières et politiques conjointes d’une ampleur sans précédent.
19. Comme le Comité international l’a souligné depuis son déclenchement en janvier 2020, l’impact de la pandémie de COVID-19 sur le cours du XXIe siècle sera aussi important que celui de la Première et de la Seconde Guerre mondiale sur celui du XXe siècle. La pandémie est un «événement déclencheur» qui a porté au point d’explosion les contradictions déjà très avancées du système capitaliste mondial.
20. Le coût mondial en vies humaines depuis le début de la pandémie est stupéfiant. Les estimations les plus prudentes situent le nombre de morts dans le monde à près de six millions. Les estimations fondées sur le calcul des décès excédentaires font état de vingt millions de pertes humaines. Aux États-Unis, le pays capitaliste le plus riche et le plus puissant, le nombre de morts avoisine le million.
21. Ce bilan dévastateur est le résultat de politiques qui ont subordonné la vie humaine à la protection et à l’augmentation de la richesse de la classe dirigeante capitaliste oligarchique. Alors même que la pandémie continue de faire des dizaines de milliers de victimes chaque semaine, les efforts pour contenir la propagation de la COVID-19 sont explicitement rejetés. Les gouvernements du monde entier, Washington en tête, considèrent désormais comme normaux les milliers de décès quotidiens et s’efforcent de mettre fin à toute déclaration d’infection et de mortalité.
22. La pandémie a intensifié les crises financières, politiques et sociales internes de tous les pays capitalistes. En fait, c’est dans les pays capitalistes les plus avancés, et surtout aux États-Unis, que la crise trouve son caractère le plus toxique.
23. Les États-Unis se rapprochent rapidement d’un dysfonctionnement économique, social et politique complet. L’inflation monte en flèche, et la dette des États-Unis, en grande partie contractée par le détournement de liquidités aux banques et à Wall Street, a atteint le chiffre stupéfiant de 30.000 milliards de dollars. La classe ouvrière entre dans une lutte ouverte et potentiellement explosive. Cela ne fait qu’un an que les États-Unis sont passés à quelques minutes du renversement de leur gouvernement constitutionnel lors de la tentative de coup d’État du 6 janvier 2021.
24. Lors d’une conférence de presse le mois dernier, Biden a fait remarquer que l’on pouvait se demander si la démocratie américaine survivrait à la décennie. Aucun autre pays ne connaît de tels niveaux d’inégalité sociale ni une classe dirigeante aussi indifférente aux besoins les plus élémentaires de la population. Les États-Unis sont une poudrière sociale. La guerre est un moyen d’unifier artificiellement et de rediriger les crises vers l’extérieur.
25. Dans l’étude des causes de la guerre, de nombreux historiens sérieux ont souligné la primauté des contradictions internes. L’historien américain bien connu, Arno Mayer, a noté il y a un demi-siècle dans une étude sur la dynamique de la contre-révolution que
les conditions internes tendues et instables ont tendance à rendre les élites nettement intransigeantes et disposées à des solutions préemptives exceptionnellement drastiques, pour ne pas dire extravagantes et dangereuses. Les gouvernements et les classes politiques assiégés et vulnérables sont plus enclins à être favorables qu’à s’opposer à l’intensification d’un conflit extérieur ou d’une guerre. Par réflexe et par calcul, ils supposent que les membres d’un État et d’une société gravement déchirés se serreront les coudes lorsqu’ils seront confrontés à une menace et à un ennemi extérieur commun et imminent. Ces gouvernements ont tendance à utiliser l’intensification des conflits extérieurs ou de la guerre comme un instrument de cohésion sociale interne, comme un antidote à l’insurrection, la révolution, la guerre civile ou la sécession qu’ils prétendent imminente. L’objectif ultime est de monétiser une victoire diplomatique ou militaire éclatante pour restaurer, et de préférence renforcer, le pouvoir et le prestige déclinants de régimes, de gouvernements et d’élites intérieurement affaiblis.
26. La bourgeoisie européenne, ayant à peine survécu à la catastrophe des deux guerres mondiales, est encline à une plus grande prudence. Cependant, elle accepte la campagne guerrière de Washington, malgré le fait qu’une guerre contre l’Ukraine pourrait être catastrophique pour ses propres intérêts, car elle dépend de la Russie pour son gaz naturel et ses autres ressources. Elle fait face à des crises internes très importantes qui la propulsent sur la même voie désastreuse. En outre, elle sait que s’opposer directement au programme américain entraînerait des représailles dévastatrices. En 2003, l’Allemagne et la France ont exprimé leur réticence officielle à soutenir l’invasion américaine de l’Irak. Washington a ouvertement attaqué ses alliés de longue date et a menacé de réorienter ses relations en Europe vers les États d’Europe de l’Est, récemment admis dans l’OTAN, en opposition aux pays centraux de la «vieille Europe». La bourgeoisie européenne craint également qu’en résistant aux États-Unis, elle ne soit exclue de la répartition du butin lors de la réorganisation potentielle de la Russie. Dûment disciplinés, ils se joignent à la marche vers la guerre.
27. Mais quoi que puissent imaginer les stratèges de Washington et des capitales européennes, le recours à la guerre ne résoudra aucun de leurs problèmes. Les criminels qui ont déclenché de tels cataclysmes découvriront à leur grand désarroi la vérité de l’adage selon lequel ceux qui sèment le vent récolteront la tempête.
28. La guerre avec la Russie en Ukraine, quel que soit son début ou le déroulement de ses premières étapes, ne sera pas contenue. Elle suivra une logique expansive incontrôlable. Chaque État de la région sera entraîné dans le conflit. La mer Noire, dont le rivage s’étend sur sept pays, va se trouver transformée en un conflit croissant, balayant la Transcaucasie, la région de la mer Caspienne, l’Asie centrale et au-delà.
29. La Chine verra ses propres intérêts directement menacés et sera entraînée dans la guerre. Un conflit s’ensuivrait au sujet de Taïwan. L’Iran et Israël seraient pris dans la guerre. Le Japon et l’Australie suivraient rapidement. À un moment donné, l’utilisation d’armes nucléaires serait considérée comme un moyen de s’en sortir. Et sur chaque théâtre de ce conflit, les États-Unis seront impliqués de manière centrale, avec des pertes humaines dévastatrices et des niveaux massifs de dislocation sociale.
30. Un peu plus de 30 ans se sont écoulés depuis la dissolution de l’URSS. En 1992, les bureaucrates staliniens de Moscou et de Kiev prétendaient que la restauration du capitalisme allait inaugurer une nouvelle ère de prospérité sans précédent. La Russie et l’Ukraine, prétendaient-ils, ayant abandonné les absurdités dépassées du marxisme, jouiraient d’une prospérité sans précédent en étant accueillies dans la famille heureuse des nations capitalistes éprises de paix.
31. Cette fantaisie anhistorique et utopique – enracinée dans les panacées staliniennes d’avant 1991, à savoir le «socialisme dans un seul pays» et la «coexistence pacifique» avec l’impérialisme – s’est totalement effondrée. Le gouvernement russe, l’ennemi le plus acharné du marxisme et de tout ce qui est associé à la Révolution d’octobre 1917, est maintenant confronté à la réalité de son assujettissement à l’impérialisme.
32. Le régime de Poutine, qui gouverne au nom d’une oligarchie capitaliste corrompue, n’a aucune réponse viable, et encore moins progressiste, à cette menace. La possibilité d’une intégration pacifique de la Russie dans les structures du capitalisme mondial, dominées par les États-Unis et les grandes puissances impérialistes, s’est révélée être une illusion. Facteur négligeable dans la finance mondiale, l’économie russe est sous la pression perpétuelle des sanctions imposées par les États-Unis.
33. L’invocation d’un nationalisme réactionnaire est incapable de séduire les populations à ses frontières et accentue l’isolement de la Russie. De plus, le recours de Poutine aux démonstrations de force nucléaire n’offre que la perspective d’un Armageddon mondial. Il règne de façon précaire sur un pays miné par la pandémie, qui a intensifié toutes les contradictions de la société postsoviétique affaiblie. Poutine est obligé de trouver un équilibre entre les factions en conflit de l’élite capitaliste, c’est-à-dire entre ceux qui accepteraient leur statut de capitalistes compradores sous la domination des impérialismes américain et européen, et ceux qui craignent que la capitulation ne compromette leurs intérêts. Parmi ces derniers, on trouve des forces ultranationalistes et d’extrême droite, dont le concept de défense nationale repose en fin de compte sur une politique suicidaire qui implique l’utilisation d’armes nucléaires.
34. Le Comité international fonde son opposition à la guerre impérialiste non pas sur le soutien à une forme quelconque de nationalisme, mais sur la lutte pour l’unification de la classe ouvrière de tous les pays afin de renverser le capitalisme et d’établir le socialisme mondial. Ce principe essentiel s’applique avec une force exceptionnelle dans la situation actuelle.
35. Les classes ouvrières ukrainienne et russe partagent une histoire commune. Elles n’ont aucun désir d’une guerre fratricide. Le mouvement révolutionnaire ukrainien a produit nombre des plus grands dirigeants de la lutte pour le socialisme, dont Léon Trotsky. Les travailleurs d’Ukraine et de Russie ont lutté comme des camarades pour le renversement du tsarisme et la victoire de la Révolution d’octobre. Ils ont lutté ensemble contre l’impérialisme allemand. Les crimes du régime stalinien ont persécuté les travailleurs de Russie et d’Ukraine et ces derniers ont subi les conséquences de la restauration du capitalisme. Les nationalistes fascistes présents dans les deux pays ne représentent pas les intérêts de la classe ouvrière, pas plus qu’ils ne parlent en son nom.
36. La solution pour la classe ouvrière russe et ukrainienne réside dans une perspective mondiale. Il faut souligner que l’opposition à Poutine n’implique pas de s’aligner sur l’impérialisme. Les dénonciations par la pseudogauche de l’«impérialisme» russe et chinois n’ont aucun rapport avec le développement historique du XXe et du XXIe siècle. Elles expriment plutôt l’alignement des forces petites-bourgeoises sur Washington. Il est nécessaire de s’opposer à l’impérialisme sans s’adapter au nationalisme russe, et de s’opposer au nationalisme russe sans s’adapter à l’impérialisme.
37. Quelle que soit l’issue immédiate des tensions actuelles, il n’y a pas de solution pacifique à cette crise. La période qui a précédé le déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914 et de la Seconde Guerre mondiale en 1939 a connu de nombreuses «frayeurs de guerre». Mais la résolution d’une crise a rapidement fait place à une autre crise, et la guerre a finalement éclaté.
38. La crise actuelle est un grave avertissement. L’impérialisme se dirige tout droit vers la catastrophe. La force sociale qui doit être mobilisée pour arrêter le désastre qui se prépare en Ukraine est la classe ouvrière internationale. La lutte contre la guerre est directement liée à la lutte contre l’exploitation et les politiques meurtrières d’immunité collective des gouvernements capitalistes. L’impérialisme et le capital financier toléreront autant de morts qu’il le faudra pour assurer leur pillage et leurs profits. Les millions de morts de la guerre ne doivent pas être ajoutés aux millions de morts de la pandémie. Il est de la plus haute urgence que les travailleurs construisent un mouvement antiguerre indépendant sur la base d’une perspective socialiste et internationaliste.
39. Les principes qui doivent guider la lutte contre l’impérialisme et la poussée vers la guerre mondiale, énumérés par le Comité international dans sa déclaration de 2016, revêtent dans la crise actuelle la plus grande urgence:
La lutte contre la guerre doit être basée sur la classe ouvrière, la grande force révolutionnaire de la société, unissant derrière elle tous les éléments progressistes de la population.
Le nouveau mouvement antiguerre doit être anticapitaliste et socialiste, car il ne peut y avoir de lutte sérieuse contre la guerre que dans la lutte pour mettre fin à la dictature du capital financier et mettre fin au système économique qui est la cause fondamentale du militarisme et de la guerre.
Le nouveau mouvement antiguerre doit donc nécessairement garder une indépendance et une hostilité complètes et sans équivoque envers tous les partis et organisations politiques de la classe capitaliste.
Le nouveau mouvement antiguerre doit, surtout, être international et mobiliser la grande puissance de la classe ouvrière dans une lutte mondiale unifiée contre l'impérialisme.
40. Nous lançons un appel à toutes les sections de la classe ouvrière et de la jeunesse, ainsi qu’aux sections les plus courageuses de la classe moyenne, pour lutter sur la base de ces principes contre cette course à la guerre.
41. Le Comité international de la Quatrième Internationale et ses sections accueillent la discussion fraternelle, sur la base des principes avancés dans cette déclaration, avec les tendances politiques et les personnes du monde entier qui reconnaissent le besoin urgent de construire un mouvement de masse international contre la guerre.
(Article paru en anglais le 14 février 2022)