Partout dans le monde, les politiciens capitalistes suppriment toutes les mesures de santé publique restantes qui ralentissent la propagation de la COVID-19. Beaucoup le font en affirmant à tort que le variant Omicron du SRAS-CoV-2 a rendu le virus «endémique» dans la société ou le fera dans un avenir proche. Cette affirmation fausse et non scientifique, corollaire des déclarations trompeuses selon lesquelles Omicron est «bénin», implique que le virus n’est pas plus dangereux que la grippe ou même le rhume.
Le terme «endémique» implique un niveau prévisible et maitrisable de la maladie dans une région géographique donnée. La trajectoire de la pandémie de COVID-19 est tout le contraire.
En l’espace d’un peu plus de deux mois, Omicron a provoqué une vague record d’infections et se trouve tout juste derrière la vague Delta en termes de décès dans le monde. Environ 140 millions de personnes ont été officiellement infectées par la COVID-19 depuis la fin novembre, mais le chiffre réel dépasserait largement le milliard. Selon The Economist, le nombre de décès excédentaires dus à Omicron a atteint un pic de 41.200 par jour lundi.
Contrairement aux affirmations selon lesquelles le fait de laisser Omicron ravager la société produira une «endémicité» et une «immunité naturelle», de plus en plus de signes indiquent que le sous-variant BA.2 Omicron pourrait provoquer une nouvelle flambée mondiale des cas dans les semaines à venir. On pense qu’il est au moins 30 pour cent plus infectieux que le BA.1 et qu’il peut réinfecter les personnes dans les semaines qui suivent une infection par l’Omicron BA.1. Le BA.2 a rapidement pris le dessus au Danemark et au Royaume-Uni et progresse rapidement aux États-Unis, où son pourcentage de cas a triplé au cours de la semaine dernière.
Les médias bourgeois jouent un rôle de premier plan dans la diffusion de la désinformation selon laquelle la COVID-19 devient «endémique». Lundi, le New York Timess’est interrogé sur les conséquences de l’endémicité de la COVID-19 pour les voyages. Mardi, Forbes a publié un article intitulé «Dénouement de la pandémie: Ce que signifie une COVID-19 “endémique” et quand nous pourrions l’atteindre». Le Financial Times a averti ses lecteurs: «Vivre avec une COVID-19 endémique ne sera pas sans douleur».
Au cours du mois dernier, on a publié des dizaines d’articles similaires, utilisant à tort le terme «endémique», tout en acceptant sans critique l’utilisation de ce terme par les politiciens pour justifier la levée de toutes les mesures d’atténuation.
Mercredi, le premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé que les lois en Angleterre qui obligent les personnes infectées par la COVID-19 à s’auto-isoler pourraient être levées d’ici la fin du mois de février. Le mois dernier, Johnson a déclaré: «Au fur et à mesure que la Covid devient endémique, nous devrons remplacer les exigences juridiques par des conseils et des directives qui exhortent les personnes atteintes du virus à être prudentes et à tenir compte des autres».
Alors que les partisans fascistes du Convoi de la liberté continuent d’occuper Ottawa, au Canada, leurs demandes de levée de toutes les mesures d’atténuation de la COVID-19 sont mises en œuvre. En Alberta, le premier ministre Jason Kenney a annoncé mardi que le système de preuve de vaccination prendra fin mercredi à minuit, déclarant que la province doit «passer à autre chose après une réaction généralisée à la pandémie, pour que nos vies reviennent à la normale». Presque toutes les restrictions seront levées au Québec d’ici la mi-mars. Le premier ministre François Legault a déclaré mardi: «Nous devrons apprendre à vivre avec le virus. Peut-être, une sixième vague est possible, mais nous devrons vivre avec la COVID».
Alors que les restrictions étaient levées en Espagne, le premier ministre Pedro Sánchez a déclaré en janvier: «Nous nous dirigeons vers une maladie endémique plutôt que vers la pandémie qu’elle a été jusqu’à présent».
À travers les États-Unis, les gouverneurs démocrates ont entamé une campagne qui vise à supprimer tous les ports de masques obligatoires et autres mesures rétablies lors de la vague d’Omicron.
En Californie, le gouverneur démocrate Gavin Newsom a annoncé lundi que l’obligation de porter le masque expirera le 15 février dans le cadre de son «plan endémique», qui sera entièrement dévoilé la semaine prochaine. Ce plan devrait inclure la levée de l’obligation de porter un masque dans les écoles et des autres mesures d’atténuation de la COVID-19.
Mercredi, la gouverneure démocrate de New York, Kathy Hochul, a annoncé que l’État mettrait fin à l’obligation de porter un masque dans la plupart des lieux publics intérieurs. Dans le New Jersey, le Delaware, le Connecticut, le Massachusetts et d’autres États dirigés par des démocrates, le port du masque obligatoire dans les écoles a été levé cette semaine.
Ces mesures ont été manifestement approuvées par Biden et le coordinateur de la Maison-Blanche en matière de coronavirus, Jeff Zients, qui rencontre chaque semaine l’Association nationale des gouverneurs. À l’issue de la réunion de la semaine dernière, le vice-président de l’association, le gouverneur du New Jersey Phil Murphy, a déclaré aux journalistes que la discussion avait été centrée sur la question suivante: «À quoi ressemble le chemin qui mène de la pandémie à l’endémie, et comment suivre le progrès réalisé?» Il a ajouté: «Il y a eu un large consensus sur le fait que c’est la tâche qui nous attend».
Mercredi, Politicoa révélé que les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) envisagent de mettre à jour leurs directives pour les États sur la question du moment de lever les mesures de santé publique, telles que le port obligatoire du masque. On s’attend à ce que les CDC, qui ont à plusieurs reprises manipulé la science pour répondre aux besoins des sociétés américaines, modifient leurs mesures pour se baser sur les données d’hospitalisation plutôt que sur les données d’infection, dans des conditions où le département de la Santé et des Services sociaux (DHHS) a cessé la semaine dernière de collecter un large éventail de données quotidiennes auprès des hôpitaux, y compris les décès, la capacité hospitalière et plus encore.
Bien que la Maison-Blanche ait pris soin de ne pas encore déclarer officiellement la COVID-19 «endémique», de hauts responsables ont fait allusion à cette conception à plusieurs reprises dans le cadre d’un effort qui vise à désarmer le public.
Dans une interview accordée mardi, le Dr Anthony Fauci, principal conseiller médical de Biden, a déclaré au Financial Times: «Lorsque nous sortirons de la phase de pandémie totale de COVID-19, et nous approchons certainement de la fin, ces décisions [sur les mesures d’atténuation] seront de plus en plus prises au niveau local plutôt que d’être décidées ou imposées de manière centralisée». Faisant appel aux formes les plus rétrogrades de l’individualisme américain, il ajoute: «Il y aura aussi plus de gens qui prendront leurs propres décisions sur la façon dont ils veulent gérer le virus».
Au lieu d’utiliser le terme «endémique», Fauci a préféré utiliser l’euphémisme «équilibre» pour décrire vaguement ce même processus. Il a déclaré avec insistance: «Nous n’avons aucune chance d’éradiquer ce virus. Mais j’espère que nous envisageons un moment où nous aurons suffisamment de personnes vaccinées et suffisamment de personnes protégées par une infection antérieure pour que les restrictions Covid appartiennent bientôt au passé».
S’exprimant le mois dernier au Forum économique mondial de Davos, en Suisse, Fauci a déclaré: «La question reste ouverte de savoir si Omicron sera ou non le vaccin à virus actif que tout le monde espère».
Tous ces changements de politique et les affirmations selon lesquelles la COVID-19 deviendrait «endémique» sont totalement non scientifiques et créeront les conditions pour que de nouveaux variants, potentiellement plus dangereux, évoluent et provoquent de nouvelles vagues d’infections, d’hospitalisations et de décès.
Dans une interview détaillée accordée au World Socialist Web Site, la Dre Eleanor Murray, épidémiologiste de l’Université de Boston, s’est exprimée sur ces questions relatives à l’endémicité et a clairement indiqué qu’il est tout à fait prématuré de proclamer la COVID-19 endémique. Elle a noté que ceux qui politisent le terme «endémique» exploitent intentionnellement l’ambiguïté du terme, qui a de multiples définitions.
La Dre Murray a déclaré: «La première chose est qu’une pandémie est une épidémie à une échelle beaucoup plus grande, et qu’endémique ne fait pas partie de ce spectre, c’est une idée complètement différente. La définition officielle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des CDC d’une pandémie est une maladie qui se propage de manière incontrôlée dans deux ou plusieurs régions du monde».
Elle a fait remarquer que le terme «endémique» peut faire référence à un modèle mathématique dans lequel une maladie «infecte une nouvelle personne pour chaque infection actuelle sur cette période», ajoutant qu’«une définition un peu plus vague existe d’une maladie qui se comporte simplement de manière prévisible sur une sorte de période à long terme dans une région donnée».
Commentant la manière dont cette dernière définition du terme «endémique» a été détournée au cours de la vague Omicron, elle a déclaré: «Ils disent que si la COVID est endémique, nous n’avons plus besoin de faire quoi que ce soit. Et c’est une prédiction ridicule. Ce qu’ils impliquent en qualifiant la COVID d’endémique, c’est que nous n’aurons plus de COVID, ce qui est manifestement faux».
La Dre Murray a souligné les dangers de cette politique en déclarant: «Chaque personne infectée est une chance pour qu’un nouveau variant apparaisse, et nous avons tellement d’infections en ce moment qu’il n’y a aucune raison pour qu’il n’y ait pas un variant qui échappe entièrement à l’immunité. Il n’y a aucune raison que nous ne puissions pas avoir quelque chose de deux fois plus grave que Delta.»
L’utilisation délibérément abusive du terme «endémique» est comparable à la déformation du concept scientifique d’«immunité collective» par Donald Trump, Boris Johnson, Jair Bolsonaro et leurs co-penseurs de droite à l’échelle internationale. Alors qu’il s’appliquait auparavant au niveau d’immunité induite par les vaccins nécessaires pour protéger une population donnée, ce concept a été manipulé en 2020 pour justifier la réouverture prématurée de toutes les entreprises et écoles afin d’atteindre une mythique «immunité collective» basée sur des infections de masse.
En fait, cette stratégie homicide a été adoptée par Biden et d’autres dirigeants mondiaux qui, auparavant, faisaient semblant de chercher à mettre fin à la pandémie par des mesures d’atténuation limitées. Leur déformation du terme «endémique» sert le même objectif et les mêmes intérêts d’une classe dirigeante déterminée à maximiser l’extraction de profits en rouvrant complètement chaque école et lieu de travail.
Il est maintenant clair qu’au début de la vague d’Omicron, le gouvernement Biden a décidé de sang-froid de laisser le virus se propager. Il y a sans aucun doute eu des réunions privées au cours desquelles ils ont demandé: «combien d’Américains seront infectés et mourront dans cette vague?» Lorsqu’on leur a dit que des millions seraient infectés et que des centaines de milliers pourraient mourir, ils ont effectué une analyse coûts-avantages et ont choisi de poursuivre ce plan homicide. En conséquence, plus de 100.000 Américains sont maintenant morts pendant la vague d’Omicron.
Depuis le début de la pandémie, un débat animé prend place au sein de la communauté scientifique pour savoir si la meilleure réaction à la COVID-19 serait un effort total pour éliminer ou éradiquer le virus, ou s’il peut être géré par une atténuation agressive.
Mais la réalité rend cette question discutable. D’une part, l’expérience de la Chine a montré qu’il est possible de sauver des millions de vies grâce à une stratégie d’élimination, même dans le pays le plus peuplé du monde. Dans une grande partie du reste du monde, rendre la COVID-19 «endémique» est devenu un slogan pour mettre fin à toutes les restrictions sur la propagation de la maladie. Cela signifie que la mort d’un million d’Américains aux États-Unis deviendra bientôt deux, trois et plus.
En d’autres termes, l’humanité fait face à deux réactions possibles à la pandémie: la demande de la classe dirigeante d’une infection massive, sous le couvert de l’«immunité collective» et de l’«endémicité». Ou bien, la demande de la classe ouvrière, formulée par les partis de l’égalité socialiste et le World Socialist Web Site, pour l’élimination globale de la COVID-19.
La lutte pour mettre fin à la pandémie ne pourra être menée que par la classe ouvrière, indépendamment de tous les partis capitalistes et des syndicats qui les appuient. La tâche la plus cruciale est de construire une direction socialiste révolutionnaire, armée d’une compréhension scientifique de la stratégie Zéro COVID et d’une compréhension politique des forces sociales et historiques qui ont causé la pandémie.
L’enquête ouvrière mondiale sur la pandémie de COVID-19, entreprise par le WSWS quelques jours avant l’émergence d’Omicron, servira d’axe central pour éduquer la classe ouvrière sur les dimensions scientifiques, politiques, économiques et historiques de la pandémie. Tous les scientifiques et travailleurs déterminés à arrêter la pandémie et à sauver des millions de vies sont encouragés à remplir le formulaire ci-dessous pour participer à l’enquête.
(Article paru en anglais le 10 février 2022)