La semaine dernière, Éric Zemmour, personnalité télévisuelle fasciste et provocateur raciste condamné, a mis en ligne une vidéo qui annonce officiellement sa candidature aux élections présidentielles françaises de 2022.
Pendant des mois, avant même d’annoncer formellement sa campagne électorale, Zemmour a bénéficié d’une large couverture dans les médias français, qui spéculaient en boucle sur le fait qu’il finirait par se présenter. Selon un sondage réalisé par Odoxa-Backbone Consulting pour le quotidien de droite Le Figaro, 86 pour cent de la population sont au courant d’une manière ou d’une autre de la vidéo du lancement de campagne de Zemmour, même si 70 pour cent ont déclaré s’y opposer.
La candidature de Zemmour témoigne du virage de la classe dirigeante française vers l’autoritarisme et la dictature. Sa vidéo de campagne déclare sur un ton paranoïaque que la France est au bord de la guerre civile, submergée par les musulmans et les immigrants. Elle s’inspire largement de la «théorie» fasciste du «grand remplacement», qui a incité Brenton Tarrant au massacre terroriste suprématiste blanc de 51 musulmans par à Christchurch, en Nouvelle-Zélande en 2019.
«Pendant des années, le même sentiment vous a réprimé, vous a hanté», commence la vidéo. «Un sentiment… de dépossession. Vous marchez dans les rues de vos villes, et vous ne les reconnaissez pas…». Ces déclarations so nt superposées avec des vidéos et des images de campements de tentes d’immigrants, de manifestations, de femmes islamiques voilées et de footballeurs professionnels qui s’agenouillent en opposition au racisme. «Vous avez le sentiment de ne plus être dans le pays où vous êtes né… Puis vous réalisez que votre sentiment de dépossession se trouve partagé par tout le monde».
Zemmour dénonce avec démagogie les «élites» qui vous ont «écarté avec mépris ». Les puissants, les élites, les intellectuels, les journalistes, les universitaires, les sociologues, les syndicalistes, les autorités religieuses, avaient dit que « ces sujets étaient les leurs, que vos pensées étaient fausses, étaient nuisibles ».
«L’immigration n’est pas la cause de tous nos problèmes, affirme-t-il, bien qu’elle les exacerbe tous… C’est pourquoi vous avez souvent des difficultés à la fin du mois. Depuis des décennies, les gouvernements de droite et de gauche nous ont entraînés sur la voie catastrophique du déclin. La droite et la gauche vous ont menti. Ils ont dissimulé la gravité de notre déclin et caché la réalité de notre remplacement».
En dépit de ses dénonciations des «élites», Zemmour est un porte-parole politique de certaines sections de l’aristocratie financière. Journaliste et écrivain de droite de longue date, il est devenu la personnalité principale du réseau de télévision CNews, créé par le milliardaire Vincent Bolloré au lendemain des manifestations des «gilets jaunes».
L’élite financière française a fait promouvoir Zemmour parce que sa politique a du soutien au sein de cette élite. Comme le révélait un article du Monde la semaine dernière, il fréquente les clubs parisiens où l’élite financière se réunit et discute sa politique. Il y a deux semaines, le 18 novembre, il a dîné avec 240 PDG au Cercle de l’Union, un club parisien pour les personnes ultra-riches près du palais présidentiel de l’Élysée, suivi d’une séance de dédicace. Zemmour a également pris part à des événements dans des clubs exclusifs comme le Jockey Club et le Club de l’Automobile.
Ce n’est pas un hasard si la promotion de Zemmour se fait en pleine pandémie de coronavirus. C’est un défenseur de l’immunité collective tout court et un adversaire de toute mesure de distanciation sociale, même limitée, face au virus. La classe dirigeante française est déterminée à poursuivre la politique du gouvernement Macron qui s’oppose à toute mesure de confinement empiétant sur ses profits.
L’élite dirigeante sait qu’elle est profondément isolée et qu’elle est assise sur une poudrière d’inégalité sociale et de colère, suite aux 120.000 décès largement évitables de la pandémie de COVID-19. En avril, un groupe de généraux et de militaires, retraités et d’active, ont signé une lettre ouverte dans Valeurs Actuelles où ils s’engagent à participer à une guerre civile et à tuer des milliers de personnes, prétendument pour protéger la civilisation française.
Autre signe des liens étroits entre Zemmour et l’armée, on a annoncé lundi que le général de division à la retraite Bertrand de La Chesnais serait son directeur de campagne.
La candidature de Zemmour n’est qu’une expression particulièrement toxique de la dérive droitière de l’ensemble de l’establishment politique français et de son virage vers l’autoritarisme. Marine Le Pen, la chef de file du Rassemblement national, d’extrême droite, a annoncé le 15 novembre qu’elle était prête à avoir Zemmour dans son gouvernement «d’union nationale».
Samedi, Zemmour a adressé une lettre ouverte aux partisans de LR (Les Républicains) ayant soutenu Éric Ciotti lors du vote de la primaire présidentielle ce week-end, battu à cette occasion par Valérie Pecresse. Ciotti avait fait campagne sur la base d’attaques contre les immigrés et de mises en garde contre un «remplacement» de la population française.
Le gouvernement Macron a lui-même continuellement travaillé à légitimer Zemmour et à préparer le terrain pour son ascension. Depuis son arrivée au pouvoir, Macron a fait fermer plus de 70 mosquées et imposé une loi «anti-séparatisme» qui vise les associations religieuses, prétendument pour lutter contre le danger de communautés islamistes séparatistes en France. Son ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, se livre à des provocations continues à l’encontre des plus de cinq millions de musulmans en France. Il a déclaré l’année dernière que le «séparatisme» islamiste commençait dans les rayons des supermarchés vendant de la nourriture halal et casher.
Dans une interview télévisée diffusée au journal du soir de TF1 après l’annonce de sa campagne, Zemmour a intensifié sa campagne antimusulmane. Il a déclaré: «Je ne fais pas de distinction entre l’islam et l’islamisme, car c’est la même chose».
Dans cette interview, on a demandé à Zemmour s’il pouvait gagner les votes des femmes, étant donné ses déclarations bien connues que les hommes étaient le sexe «primaire». Il a répondu que son programme était celui qui «défend le mieux les femmes», en demandant: «Qu’est-ce qui, aujourd’hui, menace les femmes? Qui crache sur une femme lorsqu’elle porte une robe? Qui veut voiler les femmes? Qui menace leur liberté?»
Le même argument, qui utilise la prétendue défense des droits des femmes pour justifier les politiques antimusulmanes, est soutenu par l’ensemble de l’establishment politique français avec ses interdictions de burqa et autres mesures antidémocratiques.
Il n’y a pas de fraction «démocratique» de l’establishment politique capitaliste. Macron a passé sa présidence à construire l’appareil d’un État policier et à déployer la police antiémeute et l’armée contre les «gilets jaunes» et autres manifestations sociales. Sa poursuite de l’«immunité collective» depuis la fin du premier confinement de 2020 a conduit à la mort inutile de dizaines de milliers de personnes.
Comme Trump aux États-Unis, Zemmour tente démagogiquement d’exploiter la véritable colère sociale contre les inégalités et les politiques pro-business de l’establishment politique et cherche à les canaliser vers des attaques de droite contre les immigrés et les musulmans. Son ascension aurait été impossible sans les politiques de droite menées par le Parti socialiste et le Parti communiste français, qui avaient jadis la confiance de millions de travailleurs, ainsi que des appareils syndicaux qui leur sont associés.
La classe dirigeante française met Zemmour en avant dans des conditions de colère croissante de la classe ouvrière contre les politiques meurtrières des gouvernements français et européens tout au long de la pandémie. C’est leurs politiques qui ont assuré l’enrichissement de l’élite financière et l’appauvrissement et la mort massive de la grande masse de la population. La lutte contre le danger d’une dictature fasciste aujourd’hui est inséparable de la lutte pour construire un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière contre le capitalisme et tous ses représentants politiques.
(Article paru d’abord en anglais le 8 décembre 2021)