27 migrants décédés après que leur embarcation chavire dans la Manche

Au moins 27 personnes sont mortes mercredi après qu’un canot pneumatique a chaviré dans une mer agitée dans la Manche près de la ville portuaire française de Calais. Le nombre de victimes était initialement signalé à 31 mais a été révisé à la baisse par le gouvernement français jeudi matin.

La tragédie a eu lieu mercredi après-midi, alors que des pêcheurs français rapportaient des corps humains flottant immobiles dans la mer. Sky News a rapporté: «Le pêcheur Nicolas Margolle a déclaré qu’il avait vu deux petits canots pneumatiques, l’un avec des personnes à bord et l’autre vide. Il a déclaré qu’un autre pêcheur avait appelé les sauveteurs après avoir vu le canot vide et 15 personnes immobiles dans l’eau.»

Le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré que 34 personnes se trouvaient à bord du bateau. «Parmi les 31 morts, à notre connaissance, cinq étaient des femmes et une était une petite fille. «Deux personnes ont été secourues et une est toujours portée disparue. Sur les deux survivants, Darmanin a déclaré: «Il y a deux survivants... mais leur vie est en danger, ils souffrent d’une grave hypothermie.» Il a décrit le bateau gonflable dans lequel se trouvaient les migrants comme «très fragile... comme une piscine gonflable dans votre jardin».

Une camionnette de secouristes arrive au port de Calais, dans le nord de la France, mercredi 24 novembre 2021. Au moins 27 migrants à destination de la Grande-Bretagne sont morts mercredi lorsque leur bateau a coulé dans la Manche. (Photo AP/Michel Spingler) [AP Photo/Michel Spingler]

L’Organisation internationale pour les migrations a déclaré que les décès étaient la plus grande perte de vie dans la Manche depuis qu’elle a commencé à collecter des données en 2014.

La responsabilité des décès incombe aux gouvernements du premier ministre britannique Boris Johnson et du président français Emmanuel Macron. Les migrants sont systématiquement persécutés par Londres, Paris et tous les gouvernements européens après avoir été poussés à l’exil par les guerres impérialistes et de terribles épreuves. Cette année, plus de 25.700 personnes ont tenté le dangereux voyage vers le Royaume-Uni via la Manche, la voie maritime la plus fréquentée au monde, à bord de petits bateaux et de pneumatiques. Il s’agit d’une augmentation de plus de 300 pour cent. Rien que mercredi, environ 25 traversées ont été tentées.

L’ampleur des décès peut être vue dans le fait que le nombre le plus élevé de migrants tués lors d’un seul incident dans la Manche était de cinq Kurdes-Iraniens qui se sont noyés en octobre de l’année dernière. Les 27 décès sont presque le double du total de 14 personnes qui ont péri cette année en tentant de traverser la Manche depuis la France.

Des personnes soupçonnées d’être des migrants débarquent d’un bateau de patrouille des forces frontalières britanniques après avoir été récupérées dans un canot pneumatique dans la Manche dans le port de Douvres, en Angleterre, le jeudi 16 septembre 2021. (AP Photo/Alastair Grant) [AP Photo/Alastair Grant]

Londres et Paris étaient d’accord pour insister sur le fait que les passeurs étaient responsables des décès et qu’une répression plus sévère de la migration était la réponse.

Darmanin a donné une conférence de presse à Calais décrivant les décès du «plus grand drame (de migrants) que nous avons connu» avant de déclarer que «c’est un grand deuil national pour la France, l’Europe, l’humanité[…] Les premiers responsables de cette ignoble situation sont les passeurs».

Il s’est même vanté que depuis début 2021, environ 1500 interpellations ont été effectuées dont quatre hier liées aux noyades.

«La France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière», a dit président Macron, avant de promettre que «tout sera mis en œuvre pour retrouver et condamner les responsables» et d’appeler à «une réunion d’urgence des ministres européens soucieux du défi migratoire».

Le premier ministre Jean Castex a également insisté sur le fait que les personnes décédées sont des victimes de «passeurs criminels».

Mercredi après-midi, le premier ministre Johnson a convoqué une réunion du comité d’urgence COBRA du gouvernement. Par la suite, Johnson a déclaré qu’il était «choqué, consterné et profondément attristé par la perte de vies humaines en mer dans la Manche [...] Mais je veux aussi dire que cette catastrophe souligne à quel point il est dangereux de traverser la Manche de cette manière».

D’autres mesures étaient nécessaires pour arrêter les «gangsters», a-t-il déclaré. «Nous avons eu des difficultés à persuader certains de nos partenaires, en particulier les Français, de faire les choses tel que nous pensons que la situation l’exige. L’opération menée par nos amis sur les plages, soutenue par 54 millions de livres sterling du Royaume-Uni, pour aider à patrouiller sur les plages, tout le soutien technique que nous avons apporté n’est pas suffisant.»

Il a précisé que le gouvernement utiliserait les morts tragiques pour accélérer l’adoption d’une législation anti-immigration draconienne par le Parlement, ajoutant: «Et c’est pourquoi il est si important que nous accélérions si possible toutes les mesures contenues dans notre projet de loi sur les frontières et les nationalités, afin que l’on fasse la distinction entre les personnes qui viennent ici légalement et les personnes qui viennent ici illégalement.» La législation criminalise effectivement les migrants et les demandeurs d’asile cherchant à entrer au Royaume-Uni via la Manche.

La ministre de l’Intérieur, Priti Patel, auteure de la législation, a déclaré que les décès servaient «de rappel le plus brutal possible des dangers de ces traversées de la Manche organisées par des gangs criminels impitoyables. C’est pourquoi le nouveau plan d’immigration de ce gouvernement réorganisera notre système d’asile défaillant et s’attaquera à bon nombre des facteurs d’attraction de longue date qui encouragent les migrants à faire le voyage périlleux de la France au Royaume-Uni».

Le projet de loi sur la nationalité et les frontières est décrit par l’organisation Freedom From Torture comme «la plus grande attaque juridique contre le droit international des réfugiés jamais vue au Royaume-Uni».

Le Parti travailliste d’opposition n’a pas de différends fondamentaux avec les conservateurs; c’est ce qui ressort dans la remarque de sir Keir Starmer dénonçant Patel pour n’avoir «absolument rien» réalisé quant à «des accords suffisamment solides avec la France» pour faire «le travail en amont».

Nick Thomas-Symonds, le ministre fantôme de l’Intérieur travailliste a déclaré à la BBC au sujet des décès mercredi: «Il est irréaliste de penser que l’intégralité de ce littoral peut être patrouillé. Nous devons également envisager des mesures concrètes d’application de la loi loin de la côte. Nous avons besoin de ce travail conjoint plus large d’application de la loi avec les autorités françaises pour faire de la dissuasion plus loin des côtes.»

À l’opposé, les organisations caritatives pour migrants ont carrément pointé du doigt Johnson, Macron et leurs homologues européens.

Zoe Gardener du Joint Council for the Welfare of Immigrants (comité d’aide aux migrants) a déclaré à la BBC qu’il n’y a «aucune obligation pour les gens de demander l’asile dans le premier pays qu’ils atteignent. Bien sûr qu’il n’y en a pas, sinon personne ne finirait par chercher une protection au Royaume-Uni».

Le Royaume-Uni est «très bien placé pour offrir une protection à beaucoup plus de réfugiés que nous ne le faisons actuellement. Donc si tout le monde est censé rester en France parce que nous sommes un peu à l’ouest de la France, alors la France peut dire la même chose à l’Italie, et puis l’Italie peut dire la même chose à la Libye, et au final, tout le régime international de protection des réfugiés va s’effondrer».

Des militants et des membres d’associations de défense des droits des migrants se rassemblent avec des affiches devant le port de Calais, dans le nord de la France, le mercredi 24 novembre 2021. Ils tiennent des pancartes demandant «Combien de morts vous faudra-t-il?» et déclarant «Calais: Droits humains outragés, brisés, martyrisés».

Beth Gardiner-Smith, PDG de Safe Passage International, a exigé la démission de Patel immédiatement et que Johnson empêche toute nouvelle perte de vie. «De plus en plus de personnes risquent le voyage glacial et effrayant à travers la Manche dans de petits bateaux instables depuis que le gouvernement a fermé les routes sûres vers le Royaume-Uni l’année dernière.»

Clare Moseley, fondatrice de Care4Calais (Aide pour Calais), a également insisté sur le fait que le gouvernement devrait se concentrer sur la création d’un moyen «sûr et légal» pour les personnes de demander l’asile. «Les passeurs sont un symptôme, pas une cause du problème», a-t-elle déclaré à Sky News. «Le problème de fond est le fait que si vous voulez demander l’asile au Royaume-Uni, vous devez être physiquement présent ici et ces personnes n’ont aucun moyen d’y arriver. C’est pourquoi ils montent dans de petites embarcations.»

(Article paru en anglais le 25 novembre 2021)

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