Perspective

La menace de putsch en France et l’assaut mondial contre les droits démocratiques

En 2021, la journée de solidarité internationale de la classe ouvrière se déroule sur fond de menace de dictature néofasciste. Au cours de la semaine précédant le 1er mai, une crise politique a explosé en France suite à la publication dans le magazine néofasciste Valeurs actuelles d'une lettre de 23 généraux prônant un coup d’État. Alors même que le ministère des Armées menace de poursuivre les signataires, un nombre croissant d'officiers la signent, plus de 7.000 à présent.

Cela doit servir d’avertissement aux travailleurs en France et à l’international. Le 6 janvier, le président américain de l'époque, Donald Trump, a envoyé des milliers de ses partisans néofascistes attaquer le Capitole à Washington pour empêcher la certification de sa défaite aux présidentielles. Il ne s'agissait pas d'un accident historique imputable à la témérité personnelle de Trump, et l'échec de son coup n'a pas non plus mis fin à la menace néofasciste.

Alors que la colère ouvrière monte face à l'horrible bilan des politiques d'«immunité collective» et à l'enrichissement de l’aristocratie financière pendant la pandémie, de puissantes fractions de la classe dirigeante de chaque pays veulent établir un régime militaro-autoritaire.

La lettre, adressée à Macron, affirme que des «dangers mortels» menacent la France. Elle appelle vaguement à de profonds changements dans la politique de l'État afin d’éviter «une explosion et l'intervention de nos camarades d'active dans une mission périlleuse ... sur le sol national.» Elle ajoute que «les morts, dont vous serez responsables, se compteront par milliers».

Emmanuel Macron et le chef d'état-major des armées françaises, le général François Lecointre, à gauche, se tiennent dans la voiture de commandement alors qu'ils passent en revue les troupes avant le début du défilé militaire du 14 juillet 2020 à Paris [Crédit : AP Photo/Christophe Ena, Pool].

Ces généraux formulent leurs menaces dans le vocabulaire islamophobe de la loi «anti-séparatiste» de Macron. Face à la débâcle de la guerre française au Mali et la colère croissante provoquée par les violences policières dans les banlieues, ils dénoncent «l'islamisme et les hordes des banlieues» qui conduisent au «détachement de multiples parcelles de la nation» de l'autorité de l'État. Ils exigent que l’État combatte la menace de «guerre raciale» que provoqueraient le «racialisme, l’indigénisme et les théories décoloniales».

La classe dirigeante ne craint pas la guerre des races, mais la lutte des classes. En avril, le nombre de décès de COVID-19 a atteint 1 million en Europe et 100.000 en France, mais Macron a juré de mettre fin à la distanciation sociale, alors même que se propagent les variantes. Il s'est opposé à l'attente du public d'un confinement pour arrêter la contagion, ainsi qu’aux appels désespérés et furieux du personnel médical à une politique sanitaire scientifique. Il a même déclaré qu'aucune indicateur sanitaire ne changerait sa décision de rouvrir les écoles.

Le 17 avril, l'un des principaux politiciens d'extrême-droite liés à la menace de coup d'État, Philippe de Villiers, a publié un article dans Valeurs actuelles intitulé «J'appelle à l'insurrection.» Il a démagogiquement accusé «Big Pharma, Big Data, Big Finance, la Fondation Bill Gates et le Forum de Davos» d'être responsables du coronavirus.

Quatre jours plus tard, le 21 avril, la lettre des généraux paraissait. Le timing n'était pas fortuit. C’était 60 ans après le putsch d'Alger du 21 avril 1961, que le père de de Villiers, Jacques, dirigeant de l'Organisation armée secrète (OAS) d'extrême-droite, a soutenu pendant la guerre d'Algérie. Ce putsch manqué, mené par des généraux liés aux riches colonialistes français en Algérie et au régime fasciste du général Francisco Franco en Espagne, visait à renverser le général Charles de Gaulle, qui s'apprêtait à accorder l'indépendance à l'Algérie en 1962.

En effet, en 2019 le frère de Philippe, le général Pierre de Villiers a exigé une répression plus ferme des «gilets jaunes» mobilisés contre les inégalités sociales. Plus de 10.000 «gilets jaunes» avaient été arrêtés et 4.400 blessés par la police, mais il a appelé à plus de «fermeté» contre les grévistes: «Il y a un fossé qui s’est creusé entre ceux qui dirigent et ceux qui exécutent. Ce fossé est profond. ... Il faut remettre de l’ordre, on ne peut pas continuer comme ça.»

En 2020, pendant la pandémie, il a averti d’une crise révolutionnaire mondiale. «Aujourd'hui, à la crise sécuritaire s'ajoute la pandémie, le tout sur fond de crise économique, sociale et politique avec une confiance qui n'existe plus dans les dirigeants», a-t-il dit. «Je crains que ces colères rentrées explosent en même temps», a-t-il averti, pour ajouter: «Il faut penser l'impensable ... L'État de droit est évidemment respectable, mais à un moment, il faut aussi élaborer une réflexion stratégique.»

On «réfléchit» clairement à une dictature. Contre cela, les alliés des travailleurs sont leurs frères et sœurs de classe à l’international. La pandémie est un événement déclencheur dans l'histoire, qui intensifie les conflits de classe engendrés par 30 ans de guerre impérialiste et d'austérité depuis la restauration stalinienne du capitalisme en Union soviétique en 1991. Stopper cette pandémie exiger une politique sanitaire scientifique coordonnant l'industrie et la science à l’échelle mondial.

De même, combattre la menace d'un régime d'extrême droite nécessite une action internationale coordonnée des travailleurs, indépendamment des partis pro-capitalistes et des appareils syndicaux.

La démocratie, incompatible avec les niveaux d'inégalité et de mort que produit le capitalisme, s'effondre internationalement. Le coup d'État sans précédent de Trump - qui a failli réussir, le Pentagone ayant refusé pendant des heures d'envoyer des troupes au Capitole - n'est que l'exemple le plus frappant, au centre de l'impérialisme mondial, d'un processus international. En Allemagne, des réseaux néo-nazis dans l'armée dressent des listes de mise à mort, après avoir assassiné le politicien Walter Lübcke en 2019 pour ses positions sur les migrants.

Macron n’est pas une alternative démocratique à la candidate néofasciste Marine Le Pen, qui fait appel aux généraux pour obtenir leur soutien aux élections de 2022. En effet, la lettre des généraux est présentée comme un conseil à Macron, qui met lui-même en place un État policier. La semaine passée, il a maintenu un silence assourdissant sur la lettre des généraux putschistes.

Depuis son élection en 2017, le «président des riches» courtise la police et l'armée. En 2018, face aux «gilets jaunes», Macron a salué le dictateur collaborationniste, Philippe Pétain, qu’il traita de «grand soldat». Sa loi «anti-séparatiste», pilotée par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, ex-membre de l'Action française d'extrême-droite, se veut plus dure envers l'Islam que Le Pen. Tout cela ne fait que renforcer les officiers néofascistes, que Macron cultive comme soutien de sa politique meurtrière d’«immunité collective».

L’appareil stalinien de la CGT et son allié politique, Jean-Luc Mélenchon, qui demande à Macron de poursuivre les officiers putschistes, s'alignent sur Macron. Ayant soutenu les plans de sauvetage européens en 2020 des banques et des grandes entreprises, qui ont enrichi les milliardaires européens de 1.000 milliards d'euros, ils sont complices de «l’immunité collective.»

L'indication la plus claire de leur rôle anti-ouvrier est le bilan de leur allié espagnol, le secrétaire général de Podemos et ancien vice-premier ministre Pablo Iglesias. Il a mis en œuvre «l’immunité collective» et a appelé à ignorer les menaces de coup d'État lancées par des généraux espagnols liés au parti néo-franquiste Vox.

Il faut mobiliser la profonde opposition de la classe ouvrière à ces politiques meurtrières. Le Comité international de la IVe Internationale (CIQI) lance un appel à la construction d'une Alliance ouvrière internationale de Comités de base, afin d'ouvrir la voie à la mobilisation unifiée des travailleurs, rejetant les efforts visant à les diviser selon des lignes nationales ou ethniques. La lutte contre le danger de dictature et la pandémie sont inséparables, en outre, d'une lutte pour construire une avant-garde socialiste dans la classe ouvrière qui combat le système capitaliste.

Le CIQI appelle ses lecteurs à soutenir et à rejoindre cet effort et à assister au rassemblement international du 1er mai aujourd'hui.

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