Mardi, 45 des 50 républicains du Sénat américain ont voté pour l’annulation du procès de mise en accusation de Donald Trump. Rand Paul, du Kentucky, un libertaire d’extrême droite, a présenté la motion qui a fait valoir l’argument juridiquement faux selon lequel le procès au Sénat, qui doit commencer le 9 février, est inconstitutionnel parce que Trump n’est plus en fonction.
Paul a déclaré que le procès «entraînerait notre grand pays dans le caniveau de la rancœur et du vitriol, comme cela n’a jamais été le cas dans l’histoire de notre nation». Il l’a qualifié de «dérangé».
Marco Rubio, le fanatique anticommuniste de Floride, a déclaré à Fox News que le procès était «stupide». Il a déclaré que son vote pour la défense de Trump était motivait par un désir d’unir le pays. Il a cité le pardon de Gerald Ford à Richard Nixon comme un exemple positif pour permettre au pays «d’aller de l’avant».
Mitch McConnell, qui a récemment reconnu que Trump avait «provoqué» les insurgés qui ont pénétré de force dans le Capitole américain le 6 janvier, et qui a été félicité par le président Joe Biden, a voté pour la motion de Paul sans donner d’explication.
Ce vote écrasant des républicains – seuls cinq sénateurs du parti se sont joints aux 50 démocrates pour s’opposer à la motion de Paul – survient moins de trois semaines après le 6 janvier, le jour où des milliers de fascistes armés, encouragés et appuyés ouvertement par Trump, ont fait irruption au Capitole dans le but de prendre en otage des législateurs et peut-être le vice-président Mike Pence et de procéder à des exécutions, et profiter de ce véritable siège pour mettre fin à la certification officielle de la victoire électorale de Joe Biden qui avait lieu au moment de l’attaque.
Alors que Trump et sa famille regardaient avec approbation la vidéo d’information sur les insurgés qui submergeait la poignée de policiers déployés pour garder le Capitole et occupaient la salle du Sénat et les bureaux des législateurs, les membres du Congrès et leur personnel se sont précipités pour se mettre à l’abri, craignant pour leur vie.
C’était un coup d’État fasciste, un événement sans précédent dans l’histoire américaine, et il est passé bien près de réussir.
Parmi les instigateurs de ce coup d’État, il y avait non seulement Trump et ses co-conspirateurs au sein de la police et de l’armée, mais aussi la grande majorité du Parti républicain, y compris le chef de la majorité au Sénat de l’époque, McConnell, et le chef de la minorité à la Chambre, Kevin McCarthy, qui avaient fourni le cadre politique du coup d’État en faisant valoir les mensonges de Trump selon lesquels les élections avaient été volées. Quelques heures seulement que les insurgés ont été chassés du Capitole, 138 républicains de la Chambre et sept du Sénat ont voté contre la certification de la victoire électorale de Joe Biden.
Si les fascistes avaient réussi à prendre des otages, ils auraient exigé l’arrêt de la certification et l’annulation du vote dans les États clés contestés par Trump. Des négociations auraient eu lieu et la grande majorité des républicains, au nom de la prévention de nouvelles effusions de sang et de l’«unification» du pays, auraient soutenu les demandes des fascistes. Il ne fait guère de doute que les démocrates auraient finalement accepté un sale accord qui aurait permis aux assemblées législatives des États contrôlées par les républicains de renverser le vote populaire dans leurs États et de rendre la présidence à Trump.
Dans tout système politiquement sain, le Parti républicain aurait été irrémédiablement discrédité et disgracié. Et pourtant, moins de trois semaines plus tard, il réaffirme avec arrogance et défiance sa défense de Trump et de ses partisans fascistes.
Comment expliquer cela? La totale ineptie du Parti démocrate en est la cause. Avec ses appels incessants à «l’unité», Biden a rassuré Trump et le Parti républicain, leurs parrains de Wall Street et leurs co-conspirateurs au sein de l’armée, de la police et des services de renseignement qu’ils n’auraient à faire face à aucune conséquence pour avoir tenté de renverser la Constitution et d’établir un État policier.
Biden et les démocrates étaient bien plus effrayés par la possibilité que les événements du 6 janvier embrasent la poudrière sociale que sont les États-Unis – dont le nombre de morts causés par la politique d’immunité collective de la classe dirigeante en son ensemble grimpe rapidement vers 500.000 – que par un renversement de ce qui reste des processus démocratiques.
D’où la défense par Biden d’un Parti républicain «fort» et son opposition à toute mesure qui vise à tenir Trump et les républicains responsables. Il a clairement fait savoir qu’il n’avait pas du tout envie d’enclencher un processus de destitution, et les dirigeants démocrates au Congrès ont promis un bref procès au Sénat, de pure forme, en renonçant peut-être même à la convocation de témoins.
Entre-temps, de nouvelles informations apparaissent chaque jour sur l’ampleur de la conspiration qui a abouti à l’attaque du Congrès, et sur l’implication directe de Trump, de sa famille, de ses assistants et des législateurs républicains dans la préparation et l’organisation de l’insurrection fasciste.
Le journaliste indépendant, Seth Abramson, a publié mardi un article, comprenant des photographies de médias sociaux, documentant le fait que 15 membres du cercle restreint de Trump se sont réunis dans sa résidence privée à l’International Hotel de Trump à Washington DC dans la soirée du 5 janvier pour discuter des événements du lendemain.
Parmi les personnes présentes figuraient: Donald Trump Jr, Eric Trump, Donald Trump, Rudy Giuliani, Michael Flynn (qui avait publiquement demandé à Trump de déclarer la loi martiale et de forcer un vote dans six États critiques), Peter Navarro (qui avait déclaré que le vice-président Mike Pence avait le pouvoir unilatéral d’annuler les résultats des élections), le sénateur républicain d’Alabama Tommy Tuberville, les anciens assistants de campagne Corey Lewandowski et David Bossie, Adam Piper (directeur général de l’Association des procureurs généraux républicains), le PDG de Txtwire Daniel Beck, et le PDG de MyPillow Michael Lindell. Les organisateurs du rassemblement du 6 janvier et de la marche sur le Capitole étaient également présents.
Beck a publié une déclaration sur Facebook disant «Nous avons passé la soirée à quinze avec Donald Trump Jr, Kimberly Guilfoyle, Tommy Tuberville, Michael J, Lindell, Peter Navarro et Rudy Giuliani… TRUMP VA MAINTENIR LA PRÉSIDENCE!!»
Mardi, le Washington Post a publié une interview du commandant de la Garde nationale de Washington, le général William J. Walker, dans laquelle ce dernier révèle que dans les jours qui ont précédé l’attaque du Congrès le 6 janvier, le Pentagone l’a privé de son autorité d’envoyer des troupes pour sécuriser le Capitole. Walker a déclaré au Post qu’il avait dû attendre l’approbation du secrétaire de l’armée Ryan McCarthy ainsi que du secrétaire à la Défense Christopher Miller, récemment nommé, ce qui l’a empêché d’envoyer des forces pour contrer la prise d’assaut du Capitole pendant des heures.
Le Parti républicain est devenu l’incubateur des forces fascistes et de leur intégration dans l’establishment politique. C’est un parti qui accueille les néonazis, les tenants de la suprématie blanche et les antisémites et les promeut à des postes de pouvoir.
David Cawthorn, représentant nouvellement élu de la Caroline du Nord, a publié sur sa page Instagram des photos montrant sa visite en 2017 à la maison de vacances d’Adolf Hitler en Allemagne, connue sous le nom de «Nid d’aigle». La légende fait référence à Hitler en tant que «Führer» et indique qu’une visite sur le site figurait sur la «liste des choses à faire avant de mourir depuis un certain temps» de Cawthorn et «n’a pas déçu».
Les députés Marjorie Taylor Greene (Géorgie) et Lauren Boebert (Colorado) sont des partisanes ouvertes de la conspiration fasciste QAnon et tentent régulièrement d’introduire en douce des armes à l’intérieur de la Chambre des représentants.
Biden et les démocrates soutiennent qu’ils doivent s’unir aux républicains pour faire adopter leur programme. Cela pose la question: quel genre de programme nécessite le soutien des fascistes et de leurs alliés?
La lâcheté et la complicité abjectes des démocrates servent à endormir la conscience des masses populaires, à polir l’image de Trump et des républicains et à répandre l’illusion fatale que tout va bien. Tous ceux qui cherchent à minimiser l’assaut fasciste sur le Capitole, incité et soutenu par le commandant en chef américain, sont coupables de désarmer politiquement la classe ouvrière et de renforcer la droite néofasciste.
Ces développements soulignent l’urgence de la demande d’une enquête publique complète sur les événements du 6 janvier et sur la conspiration dont ils ont fait partie et qui se poursuit aujourd’hui. La classe ouvrière doit intervenir dans la crise politique en tant que force indépendante. On ne peut pas faire confiance au Parti démocrate pour s’opposer au danger du fascisme.
Le Parti de l’égalité socialiste appelle les travailleurs à exiger une enquête complète et ouverte sur le coup d’État du 6 janvier, y compris des audiences du Congrès télévisées et retransmises en direct au niveau national, au cours desquelles les noms seront cités, les communications seront révélées et les motifs politiques de ceux qui ont dirigé la conspiration seront mis en lumière. Les personnes impliquées, à commencer par Trump et ses facilitateurs du Parti républicain, doivent être démises de leurs fonctions, poursuivies au pénal et emprisonnées.
(Article paru en anglais le 28 janvier 2021)