Dans une scène qui ressemblait à une interprétation théâtrale de la pièce «Cela ne peut pas se produire ici» de Sinclair Lewis, le président américain Donald Trump a livré une tirade fasciste depuis la pelouse de la Maison-Blanche jeudi soir. Il a mis en avant sa réélection comme le dernier bastion contre les «agitateurs» et les «socialistes».
Dans un geste sans précédent et illégal, Trump a utilisé la Maison-Blanche comme toile de fond pour son discours de clôture de la Convention nationale républicaine (RNC), traitant le bureau de la présidence comme sa propriété personnelle dans la poursuite de sa réélection. À un moment donné, Trump s’est tourné vers la Maison-Blanche et a jubilé: «Le fait est que je suis là… et eux non.»
Trump a livré sa tirade alors que les manifestations contre la violence policière se poursuivaient dans tout le pays après qu’un policier ait déchargé son arme sur Jacob Blake à Kenosha, dans le Wisconsin. Trump s’est exprimé deux jours seulement après qu’un justicier fasciste, incité par les discours incendiaires à la convention républicaine, ait tiré en masse sur une manifestation à Kenosha, faisant deux morts innocents.
Des rassemblements ont eu lieu devant la Maison-Blanche et dans les principales villes du pays, dont Seattle, Portland, Austin, Chicago, Los Angeles et Kenosha. Les athlètes de toutes les ligues sportives majeures – y compris l’Association nationale de basket-ball, l’Association nationale de basket-ball des femmes, la Ligue nationale de hockey, la Ligue nationale de football et la Ligue majeure de baseball – ont refusé de jouer ou de s’entraîner jeudi, ce qui a entraîné l’annulation des matchs et des entraînements.
La réponse de Trump aux nouvelles protestations a été de lancer une répression massive. Dans le Wisconsin, la police militaire de trois États – l’Arizona, le Michigan et l’Alabama – est en route ou est déjà arrivée. Sa «mission» est d’«aider» les troupes et les milliers de policiers militarisés de tout l’État à réprimer les manifestants.
Dans son discours, Trump a clairement lancé son appel central à la police, à l’armée et aux forces paramilitaires fédérales, déclarant: «Nous devons rendre leur pouvoir aux forces de l’ordre, à notre police». Il a ajouté: «Mon gouvernement se tiendra toujours aux côtés des hommes et des femmes des forces de l’ordre». Ensuite il a indiqué les membres du syndicat des patrouilles frontalières qui ont assisté au discours et il les a appelés «des gens courageux, courageux».
Trump a poursuivi: «Cette élection décidera si nous sauvons le rêve américain ou si nous permettons à un programme socialiste de démolir notre cher destin». Il a déclaré que «Biden est un cheval de Troie pour le socialisme» et pour «les marxistes comme Bernie Sanders».
Ce délire de droite renverse la réalité. En fait, c’est Sanders qui s’est complètement subordonné à Biden et n’a rien obtenu pour son soutien.
Les «marxistes» et les «socialistes» dont Trump a vraiment peur sont les masses de travailleurs à travers le pays qui sont dégoûtés par l’échec meurtrier de son gouvernement à contenir la pandémie de COVID-19, l’inégalité croissante et les meurtres sans fin de la police à travers le pays.
Dans son discours, Trump a bizarrement fait l’éloge de la réponse de son gouvernement à la pandémie de COVID-19, ignorant simplement le fait qu’un millier de personnes meurent chaque jour, ce qui équivaut à deux attaques du 11 septembre chaque semaine. Il a affirmé de manière absurde que «les nations d’Europe ont connu une augmentation de la surmortalité de 30 pour cent supérieure à celle des États-Unis», alors que le taux de mortalité par habitant aux États-Unis est deux fois plus élevé qu’en Europe.
Trump n’a pas mentionné une seule fois les dizaines de millions de personnes laissées sans emploi par la crise économique. Il n’a pas mentionné non plus les millions d’autres qui font face à la faim et à l’expulsion. La Maison-Blanche et le Congrès ont travaillé ensemble pour réduire les allocations de chômage fédérales, alors même que la richesse des oligarques atteint des sommets astronomiques.
Selon Trump, l’Amérique est un paradis terrestre, et si les gens sont mécontents, c’est parce qu’ils sont des «agitateurs».
Quiconque regarde cette scène surréaliste se demandera comment ce bouffon a pu s’approcher de la Maison-Blanche. Et comment, après avoir tué 180.000 personnes, a-t-il même la perspective d’être réélu?
Et pourtant, cette issue est tout à fait possible. Car le plus grand avantage de Trump, comme toujours, est la mollesse de ses «adversaires», les démocrates.
S'il y avait un thème central à la convention démocrate de la semaine dernière, c’était le rejet de tout appel à la grande majorité de la population et, en particulier, à la classe ouvrière. L’événement, dont les invités d’honneur étaient des républicains et des généraux mécontents, était presque entièrement destiné à l’électorat cible du parti démocrate dans les banlieues riches.
La promotion incessante de la politique raciale et identitaire par les démocrates, et les efforts du New York Times pour justifier les attaques contre les monuments et l’héritage de personnalités telles que Lincoln, Grant, Jefferson et Washington, ont donné à Trump l’occasion de revendiquer absurdement la continuité avec les pères fondateurs. Et ce, malgré son attaque frontale contre toutes les traditions de la démocratie américaine.
En fin de compte, Trump mène son conflit avec les démocrates comme une guerre, alors qu’ils continuent à le considérer comme une «mêlée interne», selon les termes de l’ancien président Barack Obama.
Dans le rôle qu’il joue en tant que l’un des deux partis de Wall Street et des grandes entreprises, le parti démocrate est tout aussi terrifié et hostile que Trump à la croissance de l’opposition populaire de masse au capitalisme.
Il y a un élément de vérité dans les avertissements apocalyptiques de Trump sur la marée montante du socialisme. Le fait est que Trump, caché dans son bunker de la Maison-Blanche, se trouve vraiment assiégé par le sentiment socialiste tout autour de lui. La classe ouvrière américaine, dévastée par la crise économique, de plus en plus hostile à la campagne de retour au travail que mène Trump, et de plus en plus explicitement hostile au capitalisme, fait son apparition sur la scène politique.
C’est cette force sociale – et non le parti démocrate sans épine dorsale, ni les fractions de la classe moyenne aisée et Wall Street dont ce parti est le porte-parole – qui constitue la véritable opposition aux efforts de Trump pour créer un fascisme américain.