Le Nouveau Parti démocratique du Canada a une fois de plus assuré que le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau demeure au pouvoir, en apportant son soutien lors d'un vote de confiance parlementaire la semaine dernière au dernier projet de loi des libéraux sur les dépenses liées au coronavirus.
Le vote du NPD pour soutenir les libéraux pro-austérité et pro-guerre souligne son soutien aux mesures que le gouvernement Trudeau a prises pour sauver la fortune de l'élite dirigeante au milieu de la plus grande crise du capitalisme mondial depuis la Grande Dépression des années 1930, tout en forçant les travailleurs à se contenter de rations.
L'appui du NPD et du Bloc québécois pour les 87 milliards de dollars en dépenses liées au coronavirus, dont seulement 6 milliards de dollars étaient en fait de l'argent neuf, signifie qu'aucun vote officiel n'a dû être déposé mercredi dernier sur deux projets de loi distincts. Au lieu de cela, les libéraux ont remporté leur premier vote de confiance depuis la suspension des séances normales de la Chambre des communes en raison de la COVID-19 en mars dernier.
Au cours de cette période de trois mois, le gouvernement Trudeau a supervisé un transfert sans précédent de plus de 650 milliards de dollars aux grandes sociétés, aux grandes banques et aux marchés financiers. Parallèlement, avec le soutien de la bureaucratie syndicale et du NPD, il a mis en place un programme temporaire improvisé – la Prestation canadienne d'urgence (PCU) – pour fournir aux travailleurs licenciés à peine 2000 $ par mois pour un maximum de 16 semaines.
La décision des libéraux de prolonger l'admissibilité à la PCU pour huit semaines supplémentaires a été vantée par le chef du NPD, Jagmeet Singh, pour justifier le soutien de son parti au gouvernement. En réalité, le gouvernement n'avait pratiquement pas d'autre choix que d'adopter une telle mesure dans des conditions où l'effondrement économique catastrophique déclenché par la pandémie continue de forcer environ 7 millions de Canadiens à réclamer ces prestations. Même les dirigeants des grandes entreprises se sont prononcés en faveur d'une prolongation, car ils ont reconnu qu'autoriser la PCU à expirer brusquement pour des millions de travailleurs au début de juillet aurait conduit à un désespoir économique généralisé et aurait pu potentiellement alimenter une explosion sociale difficilement maitrisable.
Dans l'état actuel des choses, le bref répit accordé aux travailleurs qui ont commencé à demander la PCU en mars ne dépassera même pas fin août. D'ici là, les libéraux ont pour objectif de légiférer des exigences plus strictes pour recevoir l'aide du gouvernement afin d'intensifier la campagne de retour au travail promue par les criminels de l'élite dirigeante. Il s'agit notamment de l'obligation pour les travailleurs de reprendre le travail à la demande de leur employeur ou lorsqu'ils reçoivent une offre d'emploi «raisonnable». S'ils ne le font pas, selon le projet de loi 17 du gouvernement, ils pourraient être condamnés à de lourdes amendes et, s'ils devaient être reconnus coupables de «fraude», à des peines de prison.
Les menaces intimidantes du gouvernement fédéral, faites à la demande du patronat, ont encouragé les gouvernements provinciaux de droite au Québec et en Ontario à annoncer la réouverture de secteurs économiques supplémentaires, mettant en danger des dizaines de milliers de travailleurs et leurs familles.
Le gouvernement Trudeau est seulement en mesure d'agir si impitoyablement dans l'intérêt des entreprises canadiennes parce qu'il sait qu'il peut compter sur le plein appui des syndicats et du NPD. Depuis le déclenchement de la pandémie, leurs principales tâches ont été de réprimer et de saboter toutes les luttes des travailleurs, y compris celles provoquées par le manque d'équipement de protection individuelle (EPI), et de fournir une couverture «progressiste» au sauvetage par les libéraux des super-riches.
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La première tâche a été accomplie par les syndicats de l'éducation de l'Ontario, qui ont conclu un à un des accords pourris avec le gouvernement Ford quelques semaines après qu'une grève de plus de 200.000 enseignants ait ébranlé la province et galvanisé un soutien de masse de la classe ouvrière. Le Syndicat canadien de la fonction publique et divers autres syndicats représentant les travailleurs de la santé ont empêché la colère généralisée du personnel médical face au manque chronique d'EPI de se transformer en action de protestation coordonnée. L'incapacité des libéraux de Trudeau et de leurs homologues provinciaux à fournir un équipement de protection adéquat a eu des conséquences catastrophiques, avec plus de 10.000 travailleurs de la santé infectés à travers le Canada.
Pour masquer le caractère de classe brutal de la réponse du capitalisme canadien à la pandémie, les syndicats et le NPD ont gardé un silence assourdissant sur les 650 milliards de dollars que le gouvernement Trudeau, la Banque du Canada et d'autres institutions publiques ont investis dans les banques et les marchés financiers pour protéger les investissements des riches et des super-riches.
Au lieu de cela, ils ont consacré leur énergie à féliciter les libéraux de Trudeau pour leur prétendue générosité envers les travailleurs, en prenant comme la PCU comme exemple. Même si les prestations d’urgence ont largement dépassé les prévisions initiales du gouvernement – attestant de l’ampleur de la crise à laquelle sont confrontés les travailleurs – les dépenses totales consacrées au programme au début de juin se sont élevées à 60 milliards de dollars, une fraction seulement des vastes sommes mises à la disposition des grandes entreprises et des banques.
Les syndicats et le NPD se sont également révélés être des alliés cruciaux du gouvernement Trudeau, des grandes entreprises et des premiers ministres de l'extrême droite de l'Ontario, du Québec et de l'Alberta dans l'application de la campagne de retour au travail. Après avoir formé ce que le président du Congrès du travail du Canada, Hassan Yussuff, a appelé un «front collaboratif» avec les organisations d'employeurs, les syndicats ont signé et cosigné une série de déclarations et de documents conjoints avec des organisations professionnelles afin de jeter les bases pour forcer des centaines de milliers de travailleurs à retourner dans des lieux de travail dangereux.
À l'usine de conditionnement de viande de Cargill à High River, en Alberta, le syndicat United Food and Commercial Workers (UFCW) a forcé 2000 travailleurs à retourner au travail même si près de 1000 cas de COVID-19 et trois décès étaient liés à l'usine. Résumant l'indifférence criminelle de la bureaucratie syndicale vis-à-vis de la vie des travailleurs, le président local des TUAC a qualifié l'action pour protester contre les conditions potentiellement mortelles d’«illégales», dans le cadre du régime de négociation collective pro-employeur, conçu par l'État, que les syndicats soutiennent et appliquent.
En Ontario, Unifor a travaillé main dans la main avec les trois constructeurs automobiles de Detroit pour rouvrir les usines automobiles le plus tôt possible sans mettre en place des mesures de sécurité adéquates. La Fédération du travail du Québec a salué le plan criminel du premier ministre François Legault de rouvrir l'économie alors que la pandémie continuait de faire rage en le qualifiant de «plan de relance économique».
Singh et le NPD ont ensuite décidé de consolider ce complot corporatiste contre la classe ouvrière en concluant un accord avec les libéraux fin mai pour poursuivre la suspension des sessions parlementaires normales jusqu'en septembre. Cet accord signifie que le gouvernement minoritaire peut déposer et adopter une loi sans qu'il reçoive le même niveau de contrôle parlementaire et de débat public. Les détails sont finalisés dans les manœuvres de coulisses entre les partis, comme ce fut le cas lors du dernier vote de confiance.
Pour justifier cette décision réactionnaire, Singh a affirmé avoir conclu un accord qui accorderait 10 jours de congé de maladie payé à tous les travailleurs. Ceci est une fraude. Trudeau n'a rien fait pour offrir des congés de maladie payés aux travailleurs réglementés par la loi fédérale du travail, et les provinces, sous la juridiction desquelles tombent 90 pour cent de tous les travailleurs au Canada, ont presque uniformément rejeté l'idée.
Le soutien des néo-démocrates aux libéraux prouve une fois de plus qu'ils sont un élément clé de l'establishment politique bourgeois. Au cours des trois dernières décennies, le NPD a soutenu pratiquement toutes les guerres dirigées par l’impérialisme américain auxquelles le Canada a participé, a imposé l'austérité et les privatisations pendant qu’il était au pouvoir au niveau provincial, et a promu le mensonge selon lequel les libéraux offrent une alternative «progressiste» aux conservateurs.
Ayant manqué leur précédente opportunité de mettre en œuvre des politiques pro-guerre et pro-austérité lors de la dernière crise du capitalisme canadien, lorsque l'accord de coalition libéral-NPD de 2008 a été annulé par le coup d'État constitutionnel de Stephen Harper, le NPD ne laisse pas passer sa deuxième chance. En maintenant Trudeau au pouvoir, les sociaux-démocrates du Canada veillent à ce que le gouvernement libéral puisse poursuivre le programme anti-ouvrier de droite qu'il poursuit depuis 2015. Cela comprend la hausse des dépenses militaires de plus de 70% et la poursuite de l'intégration des forces armées canadiennes à des offensives stratégiques militaires dirigées par les États-Unis partout dans le monde; l'imposition de transferts sous l'inflation pour les dépenses de santé aux provinces; et la persécution des réfugiés en alliance avec l'administration d'extrême droite de Trump.
Les services fournis à l'élite dirigeante canadienne par les syndicats et le NPD sont d'autant plus cruciaux dans les conditions d'une croissance de l'opposition sociale et du sentiment anticapitaliste. Les manifestations de masse qui ont balayé le Canada au cours des dernières semaines ne reflètent pas seulement l'indignation justifiable de dizaines de milliers de travailleurs et de jeunes à la suite du meurtre brutal de George Floyd par la police et de la violence et du racisme de la police. Ils expriment également une insatisfaction croissante à l'égard d'un ordre social tout entier qui n'a rien d'autre à offrir que l'exploitation impitoyable, la pauvreté de masse et la menace d'être infecté et de mourir pour gonfler les profits des super-riches.
La classe dirigeante ne craint rien de plus que la perspective de ces premières expressions d'opposition qui se fondent dans un mouvement politiquement conscient de la classe ouvrière défiant le système de profit capitaliste. C'est précisément pour empêcher un tel résultat que les syndicats et le NPD intensifient leur coopération avec les libéraux et les grandes entreprises.
(Article paru en anglais le 24 juin 2020)
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