Le chef des Forces armées françaises, le général Thierry Burkhard, a présenté mercredi un nouveau document de stratégie militaire qui marque le tournant de l'impérialisme français vers des préparatifs de guerres «État contre État» à grande échelle.
Présentant le document devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale, Burkhard a précisé que le plan, intitulé «Supériorité opérationnelle 2030», préparerait l'armée à des guerres contre non seulement les cibles des interventions néocoloniales françaises au Moyen-Orient et en Afrique du Nord dans ces 15 dernières années, mais aussi les grandes puissances.
Tirant une analogie avec la pandémie de coronavirus, Burkhard a déclaré que l'éruption d'une guerre majeure «ne manque que le patient zéro d'une épidémie guerrière». En d'autres termes, les conditions d'une guerre entre grandes puissances existent déjà et n'attendent que l'étincelle nécessaire pour la déclencher.
«Le monde évolue assez vite et assez mal», a-t-il dit, pointant le rythme intensifié des conflits et une «remilitarisation sans complexe…Nous imaginions une situation en 2035…Mais en 2020 un certain nombre de cases sont déjà cochées». La France était «à la fin d’un cycle de conflictualité» marqué par les interventions dans le Sahel et en Afghanistan dans lesquelles les forces françaises bénéficiaient d’une supériorité militaire écrasante contre les populations ciblées. L’armée s’attend à de nouveaux conflits «symétriques» et «entre États», conclut Burkhard.
Dans une vidéo interne de l’armée citée par Le Monde, Burkhard a ajouté que «le moindre incident peut dégénérer en escalade militaire non-maîtrisée».
Le Monde, faisant part des déclarations de Burkhard, a cité un responsable anonyme de l'OTAN à Paris pointant une guerre avec la Russie dotée d'armes nucléaires: «Le combat futur avec la Russie ne procédera pas d’une invasion, mais peut-être d’une erreur de calcul qui nous entraînera». La conclusion tirée par le responsable a été que «l’armée de terre française devra se concentrer sur ses capacités de dissuasion», c’est-à-dire ses armes nucléaires, et «toujours se tester et innover sous la pression, développer ses feux et interopérabilité et ses défenses antimissiles…»
La conclusion tirée par Burkhard dans sa présentation de l’état géopolitique du monde a été que la France doit entreprendre un renforcement massif dans chaque domaine de ses forces armées. D’ici 2030, elle doit «endurcir l’armée de terre pour qu’elle soit prête d’emblée à des engagements plus difficiles» et des «chocs», a-t-il dit. Cela ne veut pas dire se préparer à refaire mai 1940», lorsque l’armée française fut battue dans la Seconde Guerre mondiale, «car il faut mieux combiner les effets cyber et informationnels».
Le général et les membres réunis du comité de la défense n'ont pas précisé les implications de cette invocation d'une nouvelle guerre mondiale, qui aujourd'hui se transformerait rapidement en un embrasement nucléaire qui éclipserait dans le nombre de morts les plus de 85 millions de personnes tuées au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Le Monde, citant la déclaration de généraux anonymes, a noté que le terme de «masses» était revenu dans le vocabulaire militaire. «Ils ont fait remarquer que le canon César de 155 mm avait tiré plus de 20.000 coups en trois ans en Irak, ou encore qu’il a fallu à la coalition internationale une force de 90.000 soldats pour expulser 15.000 djihadistes de Mossoul. L'armée de terre d’active n'augmentera pas … Mais elle devra puiser des forces plus significatives dans la réserve».
La référence à Mossoul – une ville détruite par la coalition dirigée par les États-Unis en 2017 lors d'une offensive que le général américain James «Mad Dog» Mattis a qualifiée de «guerre d'anéantissement», tuant jusqu'à 40 000 personnes – révèle l'ampleur des crimes en préparation par l'armée française.
Le plan contient de nombreuses références à la nécessité d'augmenter le nombre de soldats via le recrutement de jeunes, se référant au Service national universel (SNU) réintroduit par le président Macron, qui comprend la possibilité de passer son service obligatoire dans l'armée. Sous le titre, «Une ambition Terre pour la jeunesse», il déclare vouloir «Avec l’appui de la réserve, s’investir dans le service national universel (SNU) pour en exploiter toutes les opportunités». Sa réintroduction a été soutenue par l'ensemble de l'establishment politique, y compris la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon.
Avant cette dernière annonce, l'armée française procédait déjà à un renforcement militaire parallèlement à son intervention néocoloniale au Sahel, où 5.000 soldats français sont déployés. En septembre 2019, le budget des forces armées a augmenté de 1,7 milliard d'euros à 37,5 milliards d'euros par an, soit une augmentation de 4,5 pour cent. Néanmoins, Burkhard a déclaré que même cela était insuffisant, se plaignant que l'armée était dirigée par une «mentalité d'entreprise» et déclarant que «l'efficacité signifie un manque de résilience».
En juillet de l'année dernière, le gouvernement Macron a annoncé la création d'un nouveau commandement militaire de l’espace, y compris le déploiement d'une nouvelle génération de satellites équipés de caméras visuelles pour identifier et finalement détruire les satellites des puissances rivales. Cette annonce faisait partie des préparatifs français pour faire la guerre aux grandes puissances, qui dépendent fortement de la technologie des satellites pour leurs opérations.
Le coût de ce programme de renforcement militaire va être extrait de la classe ouvrière en France et à l'étranger, à la fois sous forme de destructions et de décès en conséquence de la réduction des services sociaux pour financer le transfert de ressources à l'armée. Au sein de la classe ouvrière, cependant, il n'y a aucun soutien pour les plans mégalomaniaques de la classe dirigeante pour la domination impérialiste française et les guerres pour les sphères d'influence.