La semaine dernière, le sénateur Bernie Sanders a écrit une lettre au chef de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, demandant poliment des «réformes considérables» pour traiter la question des brutalités policières. Parmi les appels nationaux contre la violence policière, les propositions de Sanders comprennent de multiples appels pour augmenter le financement des services de police et pour donner aux policiers une augmentation de salaire.
La lettre indique que pour «moderniser et humaniser les services de police, nous devons améliorer le bassin de recrutement en veillant à ce que les ressources soient disponibles pour payer les salaires qui attireront les meilleurs agents dont nous avons besoin pour faire le travail difficile de policier».
En ce qui concerne l'épidémie de meurtres policiers, Sanders demande simplement la création de «commissions indépendantes d'examen de la conduite de la police» qui auraient le pouvoir de renvoyer les violences policières aux autorités fédérales pour enquête. «Il est clair, dit-il, que nous devons renforcer le financement fédéral pour de telles enquêtes».
Dans une longue interview avec le magazine New Yorker publiée mercredi, Sanders a été interrogé sur sa proposition d'augmenter le financement des services de police. Dans sa réponse, il a nié avoir demandé une augmentation du financement mais a doublé son appel à une augmentation de salaire pour les policiers: «Je n'ai pas demandé plus d'argent pour les services de police. J'ai demandé que les services de police aient des professionnels bien éduqués, bien formés et bien payés».
Sanders a déclaré au New Yorker: «Je pense que nous voulons redéfinir ce que font les services de police.»
Il a conclu en déclarant que «quiconque pense que nous devrions abolir tous les services de police en Amérique, je ne suis pas d'accord».
Il est difficile d'énoncer la position de Sanders plus clairement que ce qu'il fait lui-même.
Au-delà des augmentations de salaire des policiers, les mesures réformistes légères que Sanders propose afin de «transformer» ou de «redéfinir» le service de police entrent globalement dans l'une des deux catégories suivantes: soit elles ne seront jamais adoptées par le Congrès, soit, si elles le sont, elles ne seront rien de plus que du «maquillage sur un cochon», comme le veut l’expression.
La véritable signification des propositions de Sanders est qu'il défend ouvertement la police contre ceux qui demandent son «définancement» ou son abolition.
Rien ne distingue les propositions de Sanders de celles de tout autre politicien du Parti démocrate. Sous l'administration Obama, les assassinats policiers ont fait rage aux États-Unis sans relâche. Obama a réagi à l'assassinat d'Eric Garner en 2014, un meurtre policier qui ressemble de façon frappante à celui de George Floyd, en lançant des appels similaires à «la patience et la persistance». À l'époque, Obama a proclamé que «c'était le moment» d'«entamer une discussion».
L'administration Obama a proposé diverses commissions et organes censés s'occuper des violences policières. Cependant, Obama a continué à acheminer du matériel militaire aux services de police et à défendre les policiers chaque fois que des cas de meurtre policiers étaient portés devant la Cour suprême.
La position de Sanders se résume à une défense absolue de la police, qui est un instrument de la domination de classe. La violence policière et la répression policière des manifestations de masse contre cette violence expriment ce rôle essentiel.
De plus, l'attitude de Sanders envers la police est inextricablement liée à sa défense de l'État et en particulier du Parti démocrate, l'un des partis jumeaux de la classe dirigeante.
À l’occasion des élections de 2020, Sanders tente de reprendre son rôle de 2016 en canalisant l'opposition derrière le Parti démocrate. En réponse à une question sur ses efforts pour soutenir Clinton lors des élections de 2016, Sanders a déclaré au New Yorker: «J'ai fait tout ce que j'ai pu en 2016 pour faire avancer le Parti démocrate d'une manière plus progressiste et faire en sorte qu'Hillary Clinton soit élue. J'ai travaillé très, très dur pour y parvenir».
Sanders a alors fait valoir que «la différence maintenant» est qu'il a «une meilleure relation» avec Biden que celle qu'il avait avec Clinton. Il a ajouté: «Biden a été beaucoup plus réceptif à l'idée de s'asseoir et de discuter avec moi et d'autres progressistes que ce que nous avons vu par le passé».
Sanders doit prendre ses anciens partisans pour des imbéciles. Doit-on croire que Biden sera convaincu de mettre en œuvre une réforme progressiste fondée sur la relation amicale de Sanders avec «son bon ami Joe»?
Soutenir Joe Biden, c'est soutenir les intérêts sociaux qu'il représente et le programme qu'il défend. Biden a passé près de quatre décennies comme un fidèle serviteur de la classe dirigeante. Il a un long passé de soutien à la guerre, à l'austérité, à la peine capitale et à l'incarcération de masse. De plus, Biden a clairement fait savoir qu'il prévoit de mener une campagne de droite qui comprend une escalade majeure des tensions militaires avec la Russie et la Chine.
Comme en 2016, Sanders insiste sur le fait que tout doit être fait pour «vaincre Trump». Cependant, l'administration Trump est un produit du système capitaliste. Elle agit à la demande de l'oligarchie financière, que les démocrates représentent également. De plus, la canalisation de la colère sociale derrière la campagne de droite de Clinton en 2016 a permis à Trump de se positionner comme un opposant au statu quo et a créé les conditions de sa victoire.
Depuis l'arrivée de Trump au pouvoir, les démocrates ont tout fait pour étouffer l'opposition populaire à son administration et ont plutôt élevé les figures militaires les plus à droite au rang d'opposition «officielle».
Les démocrates – y compris Sanders – n'ont rien dit des efforts de Trump pour renverser la Constitution et établir un régime militaire. Au lieu de cela, ils se sont appuyés sur l'armée comme arbitre de la politique aux États-Unis.
Il est à noter que dans son interview avec le New Yorker, Sanders a tenu à louer la condamnation par le général James Mattis de la réponse de Trump aux manifestations, en disant qu'il était «très impressionné» par la déclaration du général. Mattis a été surnommé «Mad Dog» pour avoir mené la sanglante campagne américaine pour reprendre la ville irakienne de Fallujah en 2004 et s'est vanté auprès de ses troupes pendant son commandement des forces américaines en Afghanistan que «c'est vachement amusant de tirer» sur des Afghans.
Sanders a prouvé à maintes reprises son engagement à défendre les intérêts de la classe dirigeante américaine à l'étranger par ses votes réguliers en faveur du budget militaire, son soutien à la guerre en Afghanistan, ses appels aux drones – «tout cela et bien plus encore» – et ses déclarations juste au début de l'année selon lesquelles «certaines guerres sont nécessaires». Il ne faut pas s'étonner qu'il soutienne la défense de ces mêmes intérêts au pays.
Alors que Sanders tente d'accomplir le même acte qu'en 2016, il le fait dans des conditions incroyablement explosives où les antagonismes de classe aux États-Unis éclatent au grand jour.
En réponse à la pandémie de coronavirus, l'oligarchie corporative et financière, après n'avoir rien fait pour protéger la population, a rapidement transféré des billions de dollars dans les coffres des grandes sociétés et de Wall Street. Toutes ces politiques ont été approuvées à l'unanimité par les politiciens démocrates et républicains, y compris Sanders lui-même.
Quelles que soient leurs désaccords tactiques, l'ensemble de l'establishment politique, démocrate et républicain, défend les forces de police de l'État et se prépare à les utiliser contre l'opposition sociale croissante au sein de la classe ouvrière.
(Article paru en anglais le 13 juin 2020)
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