Le mouvement de masse contre la brutalité policière qui a éclaté à la suite du meurtre de George Floyd à Minneapolis a mis en évidence le caractère réactionnaire et anti-classe ouvrière de la politique raciale.
Les manifestations aux États-Unis et dans le monde sont caractérisées par leur nature multiraciale et multiethnique. Elles ont démontré la volonté profonde de la grande masse des travailleurs et des jeunes de lutter contre le racisme et pour la défense des droits démocratiques. Elles ont également montré la haine populaire, non seulement de Trump, mais de tout le système capitaliste.
Des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs, blancs et noirs, défilant côte à côte pour exiger la fin de la brutalité policière et de la discrimination raciale a cependant terrifié les responsables du Parti démocrate et leurs alliés nationalistes noirs.
Dans un commentaire particulièrement vil de la Nation, intitulé «Seule une conclusion est possible: l’Amérique blanche aime ses flics tueurs». Dans ce commentaire, Elie Mystal, «correspondant pour la justice», déclarait le 27 mai: «La police ne cessera jamais volontairement de tuer des personnes noires et brunes. Les meurtres continueront jusqu’à ce que la majorité des Blancs de ce pays y mettent fin».
Il ajoutait: «La police travaille pour les blancs, et elle le sait. Les Blancs le savent aussi. Au fond, les Blancs savent exactement qui la police est censée protéger et servir, et ils savent très bien que ce ne sont pas les Noirs ou les gens de couleur».
Mystal blâme les «Blancs» pour les meurtres racistes de la police. C’est leur soutien actif ou tacite à des flics meurtriers qui est censé être responsable de la violence policière meurtrière.
De même, Ibram Kendi, professeur à l’Université américaine et auteur de «Comment devenir un antiraciste» a déclaré lundi: «Nous avons tellement d’Américains pénétrés d’idées racistes et les idées racistes les empêchent de savoir qu’ils en sont pénétrés, les empêchent de savoir qu’un pouvoir raciste fait pleuvoir des idées racistes sur leur tête».
Cette déclaration n’est pas seulement une calomnie de la grande majorité des travailleurs et des jeunes blancs, qui s’opposent au racisme et sont consternés par les assassinats perpétrés par des policiers, mais elle masque encore la véritable source du racisme et de la violence policière en général, à savoir le système capitaliste et son appareil d’État.
La police n’est pas un groupe quelconque de personnes, et elle ne représente pas une race en particulier. La police est un bras de l’État capitaliste, les «corps spéciaux d’hommes armés» qui défendent la propriété, la richesse et le pouvoir de la classe dirigeante financière et industrielle. Son rôle est de supprimer l’opposition de la classe ouvrière à l’exploitation et à l’inégalité sociale. Elle est recrutée parmi les couches les plus arriérées de la société et endoctrinée pour mépriser les travailleurs et les pauvres. Le racisme, longtemps un outil de la classe capitaliste pour diviser la classe ouvrière, est promu parmi les exécutants armés des oligarques qui gouvernent la société.
Les statistiques montrent que si un nombre disproportionné d’Afro-Américains sont victimes de violences et de meurtres policiers, la majorité de ceux qui sont tués par les flics aux États-Unis sont blancs. Selon l’agrégateur d’informations en ligne killedbypolice.net, sur les 429 personnes tuées par balle par la police cette année, plus de 170 sont blanches, une majorité, tandis que 88 sont répertoriées comme noires.
D’autres ont cherché à étiqueter les blancs qui participent aux manifestations comme des «agitateurs extérieurs». Nikole Hannah-Jones, journaliste au New York Times et auteur principale du «Projet 1619» discrédité publié par le Times l’été dernier, a tweeté le 30 mai : «des gens dans ces soulèvements profitent de la douleur noire pour semer la destruction. En tant que journalistes, nous avons des histoires plus profondes à raconter».
Plus tard, Jones a précisé que les «personnes» dont elle parlait étaient blanches. «Les manifestants blancs qui déchirent les villes noires ne sont pas des alliés», a-t-elle écrit.
Le «Projet 1619» visait à présenter toute l’histoire des États-Unis comme la lutte des Noirs contre un racisme. qui était inscrit «dans l’ADN» de l’Amérique «blanche». Dans cette falsification historique, elle a dépeint la Révolution américaine comme une conspiration des esclavagistes pour préserver l’esclavage contre les initiatives britanniques visant à l’abolir ; elle a dénoncé Lincoln comme raciste et ignoré que l’esclavage fut aboli par une guerre civile au cours de laquelle sont morts des centaines de milliers de Blancs.
Lors d’une conférence de presse fin mai, tenue pour annoncer l’imposition d’un couvre-feu, le maire de Detroit Mike Duggan, le chef de la police James Craig et un certain nombre de prétendus «activistes» ont dénoncé la présence de «banlieusards» (c.à.d. de jeunes des zones à prédominance blanche autour de Detroit) dans les manifestations multiraciales ayant lieu ce week-end là.
S’exprimant à cette conférence, Raymond Winans, le PDG de «Les maintenir en vie», a dénoncé les soi-disant «banlieusards» qui «infiltrent notre ville» pour des émeutes et du pillage. Décriant des tentatives de «détruire le système» et professant son «amour» pour la police, il a déclaré: «Nous ne pourrons jamais êtres des vendus, mais nous allons récolter».
Dans une interview accordée le lendemain à l’émission «Rencontre avec la presse» de NBC, la maire d’Atlanta, Keisha Lance Bottoms, a dénoncé la «foule très diverse» qui s’était présentée la veille pour protester contre les brutalités policières dans sa ville. «Ce que je sais d’Atlanta, c’est que cette manifestation, même d’un point de vue physique, ne ressemblait pas à nos protestations habituelles», s’est-elle plainte.
Les responsables du Parti démocrate et les nationalistes noirs qui attaquent les manifestations pour des raisons raciales, souvent avec le même langage que le gouvernement Trump, aident les efforts de la police pour les réprimer et les stopper. Les travailleurs et les jeunes qui soutiennent l’appel à arrêter les brutalités policières devraient se poser cette question: «Quels sont les intérêts desservis par ces forces?»
L’émergence d’un mouvement multiracial de masse contre la brutalité policière et le racisme constitue une menace pour l’ensemble du système politique américain. Au cours des 50 dernières années, la classe dominante, par le biais du Parti démocrate sur le plan politique mais aussi par les médias et les universités, a encouragé une politique raciale. Le but était de diviser la classe ouvrière et d’occulter les questions de classe plus fondamentales qui dominent la société capitaliste.
Elle a promu une couche de Noirs dans les gouvernements locaux et avec Obama, à la Maison Blanche, elle a cultivé une étroite couche d’Afro-Américains de la classe moyenne supérieure et de la bourgeoisie à des postes de pouvoir dans les entreprises, la police, l’armée et d’autres institutions de l’État capitaliste. Les politiques raciales et identitaires sont devenues un pilier idéologique et politique du régime capitaliste.
Rien de tout cela n’a réduit la pauvreté et l’oppression auxquelles est confrontée la grande majorité de la population afro-américaine. Au contraire, l’ajout de plus de noirs dans les services de police, au Congrès et à Wall Street est allé de pair avec une aggravation des conditions économiques et sociales des travailleurs et des jeunes noirs.
La stratification des richesses entre les membres les plus riches et les plus pauvres de la population afro-américaine est l’une des plus fortes du monde développé. Selon les statistiques de 2017, les 10 pour cent les plus riches de la population afro-américaine contrôlent plus de 75 pour cent de toutes les richesses. Tandis que les 50 pour cent les plus pauvres des Afro-Américains possèdent une richesse négative ou nulle. L’inégalité est montée en flèche pendant la présidence de Barack Obama, alors que le premier pour cent des Afro-Américains a doublé sa part de richesse, passant de 19,4 à 40,5 pour cent.
Dans l’ensemble de la population, les inégalités sociales ont augmenté de façon explosive. L’Amérique est une société oligarchique, et une telle société est incompatible avec les droits démocratiques.
Alors que les inégalités et la pauvreté se sont accentuées, la brutalité de la police a augmenté. Au cours des dernières décennies, on a systématiquement militarisé et transformé la police en virtuels escadrons de la mort qui occupent les communautés de la classe ouvrière.
Le gouvernement Obama a étendu la militarisation de la police par le biais de programmes tels que le programme 1033 du ministère de la Défense. Ce programme fournit aux services de police des armes «excédentaires» de qualité militaire. En 2015, il avait livré plus de 5,1 milliards de dollars d’armes de l’armée aux forces de l’ordre nationales. Pendant la présidence de Trump, il ne s’agissait plus que d’étendre ce programme déjà existant.
Les promoteurs de la politique raciale expriment les intérêts d’une couche riche et privilégiée qui a bénéficié de l’accroissement des inégalités sociales et de l’appauvrissement des masses laborieuses. Cette couche, qui fait partie des 10 pour cent les plus riches, a tout intérêt à défendre le système capitaliste. Elle ne cherche qu’à s’approprier une plus grande partie de la richesse monopolisée par les cinq pour cent et le un pour cent les plus riches. Toutefois, le développement d’un mouvement de masse uni de la classe ouvrière contre le système capitaliste la terrifie. C’est pourquoi elle s’aligne, objectivement, du côté opposé de la barricade à celui la classe ouvrière, noire comme blanche.
(Article paru d’abord en anglais 10 juin 2020)