Au moins trois employés de l’entrepôt SDF-9 d’Amazon à Shepherdsville, dans le Kentucky, ont testé positifs au coronavirus lundi, ce qui a entraîné la fermeture de l’entrepôt pendant deux jours. Ils ont testé positifs «sur le site», selon un message vocal envoyé aux employés, et ceux qui étaient en «contact étroit» avec les victimes de la maladie ont reçu l’instruction de « se mettre en quarantaine».
Dans le même temps, la direction a déclaré son intention de rouvrir l’entrepôt dans 48 heures. Mais, n’importe quel travailleur peut être asymptomatique et contagieux après avoir été en contact avec le virus. Le refus de mettre en quarantaine l’ensemble de la main-d’œuvre pendant deux semaines revient à jouer avec la vie des travailleurs. Cette action est d’autant plus inouïe que l’installation de Shepherdsville est principalement dédiée au traitement des retours, et non à la distribution des marchandises.
La déclaration de l’entreprise présente la fermeture de deux jours comme motivée par le souci pour la santé des employés. «Par excès de prudence,» peut-on lire dans la déclaration d’Amazon, «et en plus de notre nettoyage quotidien en profondeur, nous fermons temporairement le site de Shepherdsville, au Ky. pour un assainissement supplémentaire».
Jennifer Bohannon, qui travaille pour Amazon, a déclaré à la chaîne de télévision WDRB de Louisville qu’elle était «consternée et déçue» par le projet de réouverture de l’entrepôt en deux jours seulement. «Le problème est de savoir combien d’entre eux se promènent dans le bâtiment sans aucun symptôme.»
Mardi, un employé d’un entrepôt d’Amazon en Floride fut testé positif au coronavirus. Il avait travaillé jusqu’au 18 mars avant de tomber malade, et vient de recevoir les résultats du test. L’entrepôt semble, au moment d’écrire ces lignes, rester ouvert. On a placé en quarantaine pendant deux semaines seuls les travailleurs qui auraient été en «contact étroit» avec la victime.
Mardi encore, un salarié d’Amazon dans un centre de tri de Brownstown, dans le Michigan, a testé positif. La victime avait travaillé dans ce centre jusqu’au 16 mars. On y a placé sous quarantaine cinq autres travailleurs.
Mercredi de la semaine dernière, un employé a testé positif dans une installation Amazon dans le Queens, à New York. Cela a conduit à une confrontation violente avec les travailleurs, dont une vidéo est disponible. «Nous pouvons voir le mépris absolu pour nos vies», déclare l’un d’eux à un représentant de la direction.
L’indignation de la population travailleuse face à l’absence de mesures de sécurité ou au manque de rigueur de la direction s’accroît chez Amazon et dans de larges secteurs de l’industrie. Un indice de la colère populaire est le hashtag #NotDying4WallStreet, qui se trouve dans plus de cent mille tweets mardi matin et était le troisième hashtag le plus populaire aux États-Unis.
Les mesures de sécurité d’Amazon comprennent «l’obligation pour les employés de rester à la maison et de consulter un médecin s’ils ne se sentent pas bien» et «déplacer les chaises et écarter les tables dans les salles de pause». En outre, on condamne les travailleurs à «assainir et nettoyer » eux-mêmes « leurs postes de travail et leurs véhicules au début et à la fin de chaque poste avec des lingettes désinfectantes/nettoyantes». Ils doivent se laver les mains «pendant au moins 20 secondes» et différer les «déplacements non essentiels».
Ces mesures condescendantes et peu coûteuses sont conformes à l’histoire de l’attitude d’Amazon envers les travailleurs blessés. Avant la pandémie, on disait à ceux qui subissaient des blessures importantes dans les entrepôts de se rendre chez AmCare, le prestataire médical interne d’Amazon, où on leur donnait des analgésiques ou on leur donnait l’instruction de s’asseoir sur un coussin chauffant.
Blessure catastrophique au dos? «Asseyez-vous sur ce coussin chauffant pendant 15 minutes.» Coronavirus? «Voici quelques lingettes, lavez-vous les mains.» Tel est le message de l’entreprise.
De nombreux salariés d’Amazon sont obligés de rester chez eux en raison de la fermeture des écoles ou s’ils refusent de risquer leur vie dans le contexte de la pandémie. Amazon a annoncé une augmentation de 2 dollars de l’heure et l’embauche de 100.000 employés supplémentaires. Cela équivaut à une mise à pied de facto d’une grande partie de la main-d’œuvre existante, sans rémunération.
L’absence de dépistage systématique et universel est un facteur qui aggrave considérablement le risque pour les travailleurs. Sans la possibilité de tester la présence du virus parmi ceux qui peuvent l’avoir contracté, mais n’ont pas de symptômes, chaque équipe dans un entrepôt d’Amazon est un jeu de hasard mortel.
Bien que le coronavirus soit invisible à l’œil nu, les risques sont très réels. En 2019, Amazon employait 750.000 personnes, et 100.000 autres sont en passe d’être embauchées. Si la moitié d’entre elles était finalement infectée par le virus, des dizaines de milliers de travailleurs d’Amazon pourraient mourir.
Partout dans le monde, les entreprises continuent à exiger qu’on travaille dans les usines, les entrepôts et d’autres lieux de travail infectés, malgré la terrible menace qui pèse sur la santé. Cela n’a cessé que lorsque les travailleurs ont pris les choses en main et ont lancé une vague de grèves sauvages dans les usines automobiles américaines et européennes, et d’autres industries, forçant la fermeture de lieux de travail dangereux. Les travailleurs d’Amazon devraient former des comités de base pour préparer une action collective similaire.
Ils devraient exiger la fermeture de tous les entrepôts jusqu’à ce que des équipes sanitaires, supervisées par des professionnels de la santé, nettoient à fond les opérations, que les travailleurs soient pourvus des équipements de protection individuelle les plus modernes et qu’un régime de tests gratuits pour tous soit mis en place. Dans l’intervalle, ils devraient être payés intégralement pour tout temps perdu.
Les travailleurs d’Amazon ont clairement indiqué qu’ils ne s’opposaient pas à la livraison de masques, d’équipement médical et d’autres biens essentiels pendant la pandémie. Ceux qui qui s’aventurent courageusement hors de chez eux pour soutenir les efforts de lutte contre la pandémie méritent qu’on les honore et les protège avec le plus haut niveau de protection que la science et la médecine modernes peuvent offrir.
Mais le PDG milliardaire d’Amazon, Jeff Bezos, insiste pour dire que les travailleurs doivent «attendre leur tour» pour obtenir des masques et d’autres équipements de protection. Toutefois, beaucoup d’argent est disponible pour les protéger de façon infiniment plus efficace. The Motley Fool, une société de services financiers et d’investissement, a décrit hier Amazon comme « actions de premier plan à acheter pendant la liquidation du coronavirus». L’article poursuit: «Ajoutez à cela le bilan de l’entreprise, solide comme le roc — plus de 55 milliards de dollars de liquidités et de titres négociables et seulement 23 milliards de dollars de dette à long terme. Vous avez une foule de raisons d’acheter de l’Amazon avant que le marché ne revienne à la raison».
En d’autres termes, la direction du conglomérat, qui pèse mille milliards de dollars, dispose d’une trésorerie évaluée à des dizaines de milliards. L’entreprise est considérée comme une excellente courroie de profit pour les spéculateurs milliardaires et les fonds spéculatifs qui cherchent un moyen de s’enrichir pendant la catastrophe mondiale.
Bezos lui-même, dont la richesse actuelle s’élève à environ 131 milliards de dollars, a acheté un nouveau manoir à Beverly Hills le mois dernier au prix de 165 millions de dollars. Connu sous le nom de Warner Estate, cet achat en pleine pandémie a établi un nouveau record dans l’État de Californie pour la plus grande somme d’argent jamais payée pour une maison.
La conduite d’Amazon tout au long de la pandémie souligne la nécessité de transformer cette division clé de l’infrastructure logistique mondiale en entreprise contrôlée publiquement. Les besoins cruciaux de la grande majorité de la population humaine doivent avoir la priorité sur les caprices et les prérogatives des milliardaires. Sous contrôle démocratique, le vaste réseau logistique et les ressources d’Amazon peuvent être transformés en arme puissante dans la lutte contre la pandémie.
(Article paru d’abord en anglais 25 mars 2020)