Le coronavirus progresse rapidement en Afrique, avec plus de 1.150 cas, alors que le nombre de cas dans le monde entier a dépassé 332.000 dont plus de 14.000 morts. Toute l’Afrique est exposée, alors que ses systèmes sanitaires mal en point ne seraient pas capables d’empêcher l’hécatombe si le virus se répandait à la campagne et dans les quartiers ouvriers densément peuplés des grandes villes. Il est urgent d’organiser une aide sanitaire internationale pour enrayer la diffusion de la maladie en Afrique.
L'Afrique doit «se préparer au pire» car le coronavirus commence à se propager localement, a averti mercredi le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus. La plupart des pays africains ont fermé leurs frontières aux personnes arrivant des pays les plus touchés par le virus, dont les États-Unis et les pays européens. Au moins 33 des 54 pays africains sont touchés, mais de nombreux cas non détectés circulent vraisemblablement aussi à travers l’Afrique.
En Afrique du nord, l’Egypte – pays le plus touché d’Afrique, où le premier cas enregistré le 14 février – a plus de 294 cas et pleure 6 morts. Le régime contemple à présent un couvre-feu et le confinement généralisé pour tenter d’endiguer la pandémie. L’Égypte est suivie par l’Algérie (201 malades dont 17 morts), le Maroc (109 cas dont 3 morts) et la Tunisie (75 malades dont 3 morts). Le nombre de cas en Libye, pays dévasté par une guerre civile depuis la guerre menée par l’OTAN en 2011, est inconnu.
Les autorités dans ces pays ont fermé les écoles, les mosquées et les universités, suspendu les vols vers les pays à risque, et interdit les rassemblements. En Tunisie, l’État demande à la population de financer la lutte contre le virus.
En Afrique de l’ouest, de nombreux pays sont touchés. 56 cas de Covid-19 ont été confirmés au Sénégal, où les autorités envisagent d’interdire de la vente des baguettes dans les épiceries de quartier pour limiter la propagation. Elles ont également interdit toute manifestation publique sur l'ensemble du territoire national pour une durée de trente jours.
Le nombre de cas continue à augmenter dans les autres pays d’Afrique de l’Ouest, dont le Burkina Faso, pays déstabilisé par la guerre française au Mali, et qui compte 75 cas dont 4 morts, les premiers en Afrique sous-saharienne. Il y a également le Ghana (16 cas) et le Nigéria (12 cas), le pays le plus peuplé d’Afrique avec 200 millions d’habitants.
En l’Afrique de l’est, la propagation du virus pose aussi d’énormes dangers avec des dizaines de cas enregistrés : Rwanda (17), Ethiopie (11), Kenya (15), Tanzanie (12), Soudan (2), Seychelles (7), Somalie (1), Mauritius (24 malades dont 2 morts). Hier les autorités rwandaises ont fermé les frontières, confiné la population et bouclé le pays.
Selon Radio France Internationale, les autorités au Kenya ont interpellé une série d’individus accusés de profiter financièrement de la pandémie ou d’inciter la panique. Elles ont interpellé un homme de 23 ans lundi dans l’est du Kenya qui avait affiché des messages sur Twitter qui accusaient l’État d’avoir menti sur le premier cas de Covid-19 enregistré dans le pays; à présent il risque 50.000 dollars d’amende et jusqu’à dix ans de prison. Hier soir l’État a aussi stoppé tous les vols au départ du Kenya à partir de mercredi à minuit.
En Afrique centrale, plusieurs cas ont été découverts notamment au Cameroun (20), au Congo (18) et en République centrafricaine (2). Les gouvernements ont pris des mesures de prévention pour suspendre des vols en provenance des pays à risque, et pour fermer écoles, lieux de culte et bars.
Le coronavirus présente des risques particuliers en Afrique non seulement à cause du manque d’infrastructures médicales dans les quartiers ouvriers et les campagnes pauvres, mais aussi à cause du grand nombre de séropositifs et de tuberculeux. Ceux-ci risquent de développer des formes très aïgues du coronavirus, dont le traitement nécessite des soins dans un hôpital équipé de haute technologie. Dans les conditions actuelles de la propagation de la maladie, une catastrophe qui pourrait tuer des millions de personnes guette le continent.
La diffusion du virus continue en Afrique du sud, pays de 59 millions d’habitants, avec plus de 240 cas. «Nous devons alerter tous les Sud-Africains que le risque de transmission interne s'installe maintenant», a déclaré le ministre de la Santé, Zweli Mkhize. «Une fois que cette infection commencera à se propager dans les taxis et les bus, elle créera une nouvelle dynamique.»
« Nous avons sept millions de personnes séropositives, et deux millions ne sont pas sous traitement », a rappelé le professeur Susan Goldstein, spécialiste de la santé et directrice adjointe du Wits Center for Health Economics and Decision Science.
«Nous ne savons pas non plus comment cela se passe dans les zones très pauvres où il n'y a pas de place pour la quarantaine», a ajouté Goldstein.
La pandémie du coronavirus a de nouveau dévoilé à la faillite du système capitaliste. Les gouvernements africains défendent les intérêts d’une petite élite capitaliste étroitement liée à l’impérialisme. Dans leurs pays, elles organisent l’exploitation d’une force de travail à bas salaire par les entreprises des anciennes puissances coloniales européennes, de l’impérialisme américain et à présent de puissances asiatiques émergentes. Elles soutiennent aussi les guerres menées par Washington ou les puissances impérialistes européennes.
Il en résulte que, plusieurs décennies après l’indépendance formelle de ces pays, les prestations de services de base à sa population et l'infrastructure sociale sont totalement inadéquates. La majorité de la population africaine n’a pas d'assurance maladie et dépend des cliniques et des hôpitaux publics; même en Afrique du sud, l’un des pays les plus riches du continent, 82 pour cent de la population n’a pas d’assurance maladie. Les hôpitaux publics manquent de personnel et sont souvent débordés par les épidémies.
Il est essentiel de coordonner une campagne internationale pour fournir les équipements et les personnels nécessaires pour stopper la contagion en Afrique.
Le professeur Mosa Moshabela, de l'École des sciences infirmières et de la santé publique de l'Université de Kwazulu Natal, a dit: «Nous ne pouvons pas contenir le COVID-19 avec notre seul système de santé. … Si on voit comment l'Italie [le hotspot de coronavirus en Europe] fait face au virus, nous ne pouvons pas le faire.»
Évoquant la situation pourtant déjà catastrophique en Italie, où les hôpitaux sont débordés par l’afflux des malades dans un état grave, le professeur a ajouté: «Nous serons similaires à cela, à cette différence près que nous n'avons pas une grande population ancienne mais un nombre élevé des personnes atteintes de tuberculose et du sida. Ceux qui seront le plus affectés auront entre 20 et 60 ans.»
Il faut sonner l’alarme sur le danger en Afrique d’une généralisation de la maladie et d’une perte en vies qui seraient catastrophiques. Ce danger n’implique pas, non plus, les seules populations africaines. Vu les liens étroits dans l’économie mondialisée – surtout ceux entre l’Europe, l’Amérique et l’Afrique à travers lesquels cette maladie s’est propagée – la croissance du COVID-19 dans n’importe quel pays individuel pose un danger énorme de contagion aux travailleurs de tous les pays.