La semaine dernière, alors que continuaient grèves et manifestations, les grévistes SNCF et RATP ont mis fin à la grève lancée le 5 décembre contre Macron et la réforme des retraites. Asphyxiés financièrement, ils ont mis fin à la plus longue grève en France depuis Mai 68. Alors que la colère monte contre Macron et d’autres représentants politiques des banques à l’international, il est temps de tirer un premier bilan de cette expérience stratégique de la classe ouvrière internationale.
La grève, qui a obtenu le soutien des «gilets jaunes», a démontré la puissance de la classe ouvrière. Alors que les grévistes ralentissaient l’économie et stoppaient les transports, deux tiers des Français sympathisaient avec eux contre Macron. Ils savaient qu’ils participaient à une résurgence mondiale de luttes, avec les mouvements en Algérie, en Irak et en Amérique latine, les grèves des écoles et des mines aux États-Unis et la grève de dizaines de millions de gens en Inde contre des lois antimusulmanes.
Une humeur révolutionnaire émerge. Lors des manifestations, on scandait «révolution» et «grève générale», alors que des appels à la grève circulaient dans les ports, les raffineries et l’automobile.
Mais le résultat final a démasqué tous les partis de pseudo gauche ou bourgeois qui ont appelé à résoudre ce conflit par des négociations syndicales avec Macron. Le PS pro-patronal a rejoint la CGT et le PCF staliniens, le NPA pabliste d’Olivier Besancenot et le «populiste de gauche» Jean-Luc Mélenchon pour demander à Macron le «retrait de la réforme». Ils l’ont imploré de lancer «de vraies négociations avec les organisations syndicales, pour un système de retraites pleinement juste et solidaire, porteur de progrès pour toutes et tous, sans allongement de la durée de la vie au travail.»
Mais au lieu de mobiliser les travailleurs, la CGT et ses alliés ont saboté la lutte et permis à Macron d’avancer. Les appareils syndicaux ont isolé la grève SNCF-RATP, bloqué toute grève illimitée dans les autres secteurs et n‘ont payé qu’une misérable poignée d’euros aux grévistes en lutte pendant six semaines. Macron a pu envoyer la réforme au conseil des ministres vendredi tout en continuant la négociation de son financement avec les syndicats et en préparant son passage à l’Assemblée.
Macron veut régner simplement en écrasant l’opposition. Blindés, canons à eau et lacrymogènes déferlent contre les manifestants, avec plus de 10.000 gardes à vue depuis la mobilisation des «gilets jaunes» en 2018. Macron a carrément fait décorer les unités responsables d’atrocités telles que la mort de Zineb Redouane et celle de Steve Caniço, ou l’agression presque mortelle de Geneviève Legay, âgée de 73 ans, pour inciter la police à un maximum de violence contre les Français.
Macron dirige une violente dictature des banques. Celle-ci a planifié la réforme avec la haute finance et BlackRock, le molosse international qui gère 6.000 milliards de dollars d’actifs, qui anticipent des super profits en cassant les retraites. Selon un prospectus récent de l’assureur AXA, les investisseurs fortunés devraient établir leurs retraites par capitalisation face à la «baisse programmée des futures pensions». Quant aux travailleurs, l’État leur destine des retraites de misère.
L’hostilité consciente de l’État policier envers les travailleurs se résume par la phrase du préfet de Paris Didier Lallement à une parisienne qui critiquait les violences policières contre les «gilets jaunes»: «Nous ne sommes pas dans le même camp, madame.»
Les travailleurs à l’international peuvent tirer des leçons politiques et stratégiques de cette grève. Comme l’avait averti le Parti de l’égalité socialiste (PES), il n’y a rien à négocier avec Macron et, derrière lui, les marchés et l’aristocratie financière internationale. Pour stopper l’appauvrissement des travailleurs par l’État policier, il faut faire chuter Macron. Mener cette lutte nécessite la construction de comités d’action, des organisations de base des travailleurs, indépendants des syndicats, afin de mobiliser des couches bien plus larges de travailleurs.
Le gouvernement Macron, isolé et haï, peut à peine se protéger de la colère populaire. La presse people a rapporté à l’automne que la famille Macron craint une insurrection, et en janvier Macron a finalement osé sortir publiquement, au théatre des Bouffes du nord à Paris. Mais Emmanuel et Brigitte Macron ont dû fuir quand leur présence a provoqué des manifestations spontanées.
Les travailleurs ne manquent pas de la force du nombre, de courage ou de détermination, mais d’organisation, de perspective et de direction politique. Les syndicats ont approuvé la grève SNCF-RATP pour éviter de se faire déborder, après plusieurs grèves sauvages à la SNCF. Malgré ce changement de tactique, toutefois, les appareils syndicaux ont continué à jouer le rôle central dans la négociation de l’austérité et la stabilisation du régime capitaliste.
La bureaucratie syndicale n’a pas organisé une lutte déterminée mais négocié sa réforme avec Macron, isolé les grèves et bloqué une lutte plus large. Ceci reflète leurs intérêts matériels, car les 4 milliards d’euros de budget annuel des syndicats français proviennent à 90 pour cent de l’État et du patronat. Ils se sont démasqués à travers l’action de l’allié grec de la CGT-PCF, le gouvernement austérité de Syriza (la «Coalition de la gauche radicale»): élu en 2015 après une montée de grèves et de manifestations en Grèce, il a imposé une nouvelle cure d’austérité draconienne au pays.
Le rôle réactionnaire de ce que l’élite dirigeante a faussement fait passer pour la «gauche» a valeur d’avertissement: pour faire chuter Macron, les travailleurs ne peuvent transférer le pouvoir à une autre fraction de la classe politique française en faillite ou de l’État policier. Le pouvoir doit aller aux travailleurs qui produisent les richesses et qui, en France et à l’international, démontrent par les actes qu’ils sont prêts à lutter contre le capitalisme. Un siècle après la révolution d’octobre 1917, la question de transférer le pouvoir à la classe ouvrière est à nouveau d’actualité.
La construction d’une nouvelle avant-garde révolutionnaire est décisive. Déjà, un vaste réseau d’assemblées de «gilets jaunes», d’assemblées de grève et de groupes sur les réseaux sociaux s’est formé. Après le revers essuyé par la première grève contre Macron, il s’agit de clarifier les travailleurs et les jeunes déjà en lutte sur les tâches politiques qui sont posées, et attirer des couches plus larges de travailleurs en France et à l’international dans la lutte.
Le PES, section française du Comité international de la IVe Internationale, est l’avant-garde marxiste en France, fondée sur une opposition trotskyste irréconciliable aux crimes et aux trahisons des travailleurs commis par le stalinisme et la pseudo-gauche. Son rôle, comme écrivait Lénine sur le parti d’avant garde dans son chef-d’œuvre Que faire?, est «de saturer le prolétariat de la conscience de sa situation et la conscience de sa mission. Point ne serait besoin de le faire si cette conscience émanait naturellement de la lutte de classe.»
Le PES insiste que la répression violente et la trahison syndicale des grèves, sur fond d’une résurgence mondiale de la lutte des classes d’une ampleur inouïe depuis des décennies, témoignent de l’effondrement des mécanismes de l’État capitaliste français pour canaliser la lutte des classes. Ce sont des signes avant-coureurs de luttes révolutionnaires qui seront imposées aux travailleurs, et d’une révolution socialiste internationale qu’il s’agit à présent de préparer.