Mercredi, le membre du Congrès Adam Schiff, s'exprimant depuis le Sénat lors de la deuxième journée procès de destitution du président Donald Trump, a déclaré que «les États-Unis aident l'Ukraine et son peuple afin que nous puissions combattre la Russie là-bas et que nous n'ayons pas à combattre la Russie ici.»
Pour la majorité de la population américaine, l'affirmation selon laquelle «nous» combattons la Russie sera une surprise.
Depuis des années, les médias ridiculisent le danger d'une guerre entre les États-Unis et la Russie ou la Chine comme d'une «théorie du complot». Mais Schiff a évoqué la possibilité que les États-Unis combattent la Russie, non seulement comme une possibilité, mais comme un constat de fait.
Les États-Unis et la Russie possèdent chacun plus de 6000 armes nucléaires. Seule une fraction de celles-ci suffit à tuer des milliards de personnes et à détruire la société humaine. Une guerre entre ces deux pays, en d'autres termes, serait un désastre cataclysmique.
Et pourtant, l'ensemble de l'establishment politique, des démocrates avec leur hystérie anti-russe, à Trump avec ses menaces d'intimidation contre le monde entier, se prépare à un conflit militaire d'une ampleur jamais vue depuis la Seconde Guerre mondiale.
Jeudi, le Bulletin of American Scientists, qui depuis plus de sept décennies maintient une horloge de l'apocalypse, a averti que la civilisation humaine est plus proche de minuit, c'est-à-dire de la destruction totale, qu'à toute autre période de l'histoire, y compris la crise des missiles cubains au plus fort de la guerre froide.
«La guerre nucléaire qui serait la fin de la civilisation, qu'elle ait été déclenchée par une conception, une bévue ou un simple malentendu, est une possibilité réelle», a déclaré le groupe dans son rapport annuel. «Toute croyance que la menace d'une guerre nucléaire a été vaincue est un mirage.»
Le rapport ajoute: «Dire que le monde est plus proche de l'apocalypse aujourd'hui que pendant la guerre froide [...] c'est faire une affirmation profonde qui exige une explication sérieuse.»
Il ajoute que «l'infrastructure politique internationale pour le contrôle du risque existentiel se dégrade, laissant le monde dans une situation de menace élevée et croissante. Les dirigeants mondiaux ne réagissent pas de manière appropriée pour réduire ce niveau de menace et contrecarrer l'effondrement des institutions politiques internationales, des négociations et des accords qui visent à le contenir. Il en résulte un risque de catastrophe accru et croissant.»
L'année dernière, les États-Unis se sont retirés du traité FNI, qui interdisait le déploiement de missiles terrestres, y compris les missiles nucléaires, d'une portée comprise entre 500 et 5500 kilomètres.
Les États-Unis en tête, les puissances nucléaires du monde entier étendent et modernisent massivement leurs arsenaux. En décembre, les États-Unis ont testé un missile balistique qui aurait violé le traité.
Ces mesures font partie des préparatifs américains pour ce que le ministre de la défense Mark Esper a appelé «des conflits de haute intensité contre des concurrents tels que la Russie et la Chine.»
Le dernier essai de missile a eu lieu quelques jours seulement après le vote par les démocrates de la Chambre des représentants d'une loi de dépenses militaires massives qui a supprimé les termes limitant la capacité de l'administration Trump à développer et à déployer de nouvelles armes nucléaires, tout en accordant au président le plus gros budget militaire de l'histoire des États-Unis.
Après s'être retirée du traité FNI (Forces nucléaires à portée intermédiaire) en août dernier, la Maison Blanche de Trump avance rapidement avec un plan à 1000 milliards de dollars pour étendre, «moderniser» et miniaturiser l'arsenal nucléaire américain, mettant ainsi les forces nucléaires américaines le doigt sur la gâchette.
L'expansion des forces nucléaires américaines est au cœur du recentrage de l'administration Trump sur la préparation du «conflit entre grandes puissances» avec la Russie et la Chine, conformément à sa doctrine, annoncée en 2018, selon laquelle «la concurrence stratégique entre les États, et non le terrorisme, sont désormais la principale préoccupation en matière de sécurité nationale des États-Unis.»
Elbridge A. Colby, l'un des principaux auteurs de la Stratégie de défense nationale publiée par le Pentagone en janvier, a commenté dans Foreign Affairs:
«Lorsque les futurs historiens se pencheront sur les actions des États-Unis au début du XXIe siècle, l'histoire la plus conséquente sera de loin la façon dont Washington a recentré son attention sur la concurrence entre les grandes puissances.»
Il était temps d'appeler un chat un chat. L'administration Trump, plus réaliste et plus direct que ses prédécesseurs, a fait exactement cela. «Trump», comme l'a souligné Henry Kissinger dans le Financial Times en 2018, «est peut-être l'une de ces figures de l'histoire qui apparaît de temps en temps pour marquer la fin d'une époque et pour la forcer à abandonner ses anciens prétextes.»
L'armée américaine a clairement fait savoir que sa principale préoccupation aujourd'hui est de savoir comment défendre efficacement des pays comme Taïwan et les États baltes contre une éventuelle attaque chinoise ou russe.
Il est clair que tout conflit de ce type risque de dégénérer en guerre nucléaire. L'année dernière, Colby a écrit un article dans le magazine Foreign Affairs intitulé «Si vous voulez la paix, préparez-vous à la guerre nucléaire.»
Les risques des coups de poker nucléaires sont peut-être énormes, mais les bénéfices d'un avantage nucléaire sur un adversaire le sont tout autant.
Tout futur affrontement avec la Russie ou la Chine pourrait devenir nucléaire... Dans un combat plus difficile et plus incertain, chaque combattant pourrait être tenté de prendre le sabre nucléaire pour augmenter la mise et tester la détermination de l'autre partie, ou même simplement pour continuer à se battre.
«La meilleure façon d'éviter une guerre nucléaire,» écrit Colby, «est d'être prêt à en mener une limitée.» Dans ce monde dangereux, «les responsables américains», écrit Colby, doivent démontrer que «les États-Unis sont prêts à mener des opérations nucléaires limitées et efficaces.»
Toutes ces politiques sont folles, et les personnes qui les préconisent sont des criminels. Mais l'universalité de ces plans - le fait que chaque grande puissance se réarme - montre clairement qu'il s'agit de la folie non pas d'individus, mais d'une classe sociale et d'un ordre social. C'est symptomatique d'un système capitaliste en crise, qui est la cause profonde de la guerre et des attaques contre les droits démocratiques.
Mais partout dans le monde, la classe ouvrière, seule force sociale capable d'arrêter la résurgence de la barbarie capitaliste, est engagée dans une vague de grèves et de bouleversements sociaux. Il est urgent que les travailleurs qui entrent dans la lutte contre les inégalités sociales prennent la lutte contre la guerre impérialiste comme une partie critique et inséparable de la lutte pour le socialisme.
(Article paru en anglais le 24 janvier 2020)