En s’appuyant sur des votes d’urgence et en employant des forces de police brutales, les gouvernements des États brésiliens (régions) imposent des «réformes» des retraites aux travailleurs du secteur public au niveau des États. Ces attaques ne feront qu’empêcher les travailleurs de prendre leur retraite. La législation vise à ramener les employés du secteur public des États aux mêmes régimes de retraite de misère que ceux imposés par Bolsonaro dans le secteur privé et aux travailleurs du secteur public fédéral plus tôt dans l’année.
Depuis novembre, les syndicats ont isolé voire arrêtés les grèves des enseignants dans tout le pays, empêchant ainsi une résistance unifiée de la classe ouvrière. Cela a ouvert la voie à l’intervention des gouvernements des États, dont beaucoup sont contrôlés par l’opposition politique autoproclamée à Bolsonaro dirigée par le Parti des travailleurs (PT) — parti qui domine également les plus grands syndicats.
Mercredi dernier, le 20 décembre, le gouverneur du PT dans l'État du Ceará, au nord-est du pays, Camilo Santana, est devenu le dernier à imposer un nouveau régime de retraite après que le caucus du PT au pouvoir ait demandé un vote d'urgence et que la police militaire de l'État ait été appelée à affronter les travailleurs qui protestaient dans le bâtiment du capitole de l'État.
Santana suit les traces d’autres gouvernements dirigés par l’opposition dans le cœur historique du Parti des travailleurs, le nord-est appauvri du Brésil. Les alliances dirigées par le PT et ses petits partenaires, le Parti socialiste (PSB) et le Parti communiste maoïste (PCdoB), règnent sur huit des neuf États. Une semaine auparavant, l’État du la Piauí a lancé la répression policière pour faire passer une proposition similaire. Le PCdoB au pouvoir dans le Maranhão a fait adopter sa réforme des retraites à la hâte, et Bahia et Rio Grande do Norte devraient tenir leurs propres élections en 2020.
Les votes du PT et du PCdoB ont également été cruciaux pour l’imposition de la réforme ailleurs, comme dans l’État amazonien du Pará. Dans cet État, la direction du PT a publié une lettre publique cynique. Il affirmait que son approbation de la réforme des retraites de l’État faisait partie d’une attitude «responsable» qui visait à «réduire les dommages» des mesures de Bolsonaro. Il y a d’autres États, où le PT est officiellement exclu du gouvernement en raison d’arrangements politiques particuliers. Dans ces États, il se positionne comme s’il s’opposait aux réformes en concoctant des différences entre les mesures proposées dans la législation des différents États.
C’est surtout le cas à São Paulo. Francisca Seixas, une responsable de la Confédération nationale des travailleurs de l’éducation (CNTE) et du syndicat local des enseignants de l’État APEOESP, était dans l’obligation de répondre aux critiques des travailleurs pour le soutien des syndicats au gouvernement du Maranhão. Seixas a tenté de détourner les critiques en prétendant que les cotisations de retraite au Maranhão n’étaient pas augmentées uniformément pour tous les travailleurs. Pour les enseignants, cependant, les taxes sur les retraites dans l’État atteindront 14,5 pour cent, ce qui est encore plus élevé que les 14 pour cent qui sont imposés à São Paulo. Elle a ajouté que la critique du gouvernement PCdoB au Maranhão était injustifiée. Car, dit-elle: «calomnier le gouverneur, Flávio Dino, à ce stade est dans le seul intérêt des secteurs les plus arriérés de la droite brésilienne [c’est nous qui soulignons]».
La position de la fédération syndicale nationale CUT, contrôlée par le PT, dans l’État de Sergipe, est encore plus cynique. Cette dernière a déclaré que la réforme locale des retraites proposée par le gouvernement: «ne correspondait pas à l’opposition nationale du Parti [des travailleurs] à la réforme des retraites de Bolsonaro».
Les revendications de la CUT puent la malhonnêteté. La «lutte» du PT au niveau national était une fraude. Elle a saboté les manifestations et les grèves des travailleurs. En même temps, les gouverneurs du PT faisaient ouvertement pression pour que la réforme fédérale soit étendue aux travailleurs des États afin qu’ils puissent réclamer des mains propres. En outre, cela leur permettait d’éviter d’avoir à imposer eux-mêmes les attaques dans leurs propres États et à faire appel à la police pour battre les travailleurs qui protestaient.
Maintenant, les syndicats et les partis d’opposition utilisent le même cinéma dans les États, avec le rôle particulièrement traître des votes d’urgence qui se tiennent pendant les vacances d’été des enseignants. Depuis près de deux mois, les syndicats du secteur public ont appelé à des grèves symboliques pour se défouler, les faisant cesser à la première occasion. Dans l’État du Rio Grande do Sul, au sud du pays, les grèves ont déclenché la réaction la plus militante. Elle s’était étendue dans tout le secteur public et a obtenu un large soutien de la part des travailleurs du secteur privé et même des petits détaillants. Cependant, le syndicat local des enseignants, CPERS, a convaincu les travailleurs de quitter des piquets de grève sur la base d’une injonction contre la réforme des retraites consentie par la Cour suprême. C’était le Parti du socialisme et de la liberté (PSOL) de pseudo-gauche qui avait sollicité l’injonction.
Après une manifestation massive dans la capitale de l’État de Porto Alegre le 17 décembre, le syndicat et les responsables du PSOL ont déclaré que la réforme locale des retraites était «morte devant les tribunaux». Leur justification était l’injonction et que les travailleurs devaient annuler la grève et se concentrer sur le camping devant le parlement de l’État pour garantir qu’ils recevraient leur salaire pour les jours de grève. À peine un jour plus tard, l’injonction s’est fait annuler et la réforme s’est faite rapidement adoptée par les législateurs. Le syndicat a alors démantelé le campement devant le parlement. De surcroît, il a affirmé qu’une réunion dans la ville de São Leopoldo, qui fait partie de la ceinture industrielle de Porto Alegre, l’avait autorisé exclusivement à se concentrer sur la garantie que les travailleurs seraient payés pour les jours de grève. Enfin, le syndicat a ignoré les nombreux votes en faveur de la poursuite de la grève contre la réforme des retraites, même sans indemnités de grève, à Porto Alegre et dans d’autres centres régionaux.
Les efforts généralisés du PT en faveur des attaques fédérales et locales contre les retraites au Brésil exposent une fois de plus l’hostilité du parti envers la classe ouvrière. Ils ont également donné un démenti aux fausses affirmations de ses dirigeants, et, en premier lieu, de l’ancien président, Luiz Inácio Lula da Silva, selon lesquelles le parti «s’oppose à Bolsonaro».
Mais cela révèle aussi le rôle traître des groupes de la pseudo-gauche petite-bourgeoise qui travaillent dans le seul but d’utiliser l’hostilité écrasante des travailleurs envers Bolsonaro pour restaurer l’autorité du PT parmi eux.
Le 15 décembre, le groupe Moreniste Resistência, qui opère au sein du PSOL, s’attaquant aux politiques du gouverneur de droite du PT de Bahia, Rui Costaa, a tenté de rejeter la collaboration du PT avec Bolsonaro. Il a fait référence au prétendu «syndrome de Stockholm». C’est une condition connue de tous pour avoir affecté les individus qui subissent de graves abus et, dans un état de désespoir profond, semblent développer de l’affection pour leurs agresseurs — le plus souvent dans les enlèvements. Malgré le «coup d’État» qu’il a subi lors de la destitution de la présidente du PT Dilma Rousseff en 2016. L’article affirme que le PT a accepté sans aucune tentative de mobiliser les travailleurs pour sa défense. Autrement dit, le parti «croit qu’il peut rétablir un pacte social avec les secteurs bourgeois et revenir au pouvoir».
Il y a la rhétorique pseudo-marxiste sur les «secteurs bourgeois», laissant entendre que le PT n’en fait pas partie. Mais, le but central de l’article est de délivrer le PT — en tant que victime supposée d’abus extrêmes — de toute responsabilité pour ses propres politiques. Il blâme également la classe ouvrière pour avoir rompu avec le parti, et exige au contraire que les travailleurs travaillent pour sauver le PT de ses captifs et le pousser à gauche.
Ceci s’exprime encore plus crûment dans une autre des myriades de tendances morénistes ancrées dans le PSOL. Il s’agite du Mouvement socialiste de gauche (MES), dont la dirigeante, Luciane Genro, était responsable de l’injonction de la Cour suprême utilisée pour attirer les enseignants du Rio Grande do Sul hors des piquets de grève. Le MES a fait ouvertement la promotion des partis comme Syriza en Grèce et du Podemos en Espagne. Selon le MES, ils offraient une nouvelle voie vers le socialisme. Ensuite le MES a feint la surprise face à leurs trahisons. Il tente maintenant de rendre les mêmes services aux socialistes démocrates pro-impérialistes d’Amérique aux États-Unis et à la représentante du Parti démocrate à la Chambre des représentants, Alexandria Ocasio-Cortez.
Après avoir rejoint la droite brésilienne dans la campagne pour la destitution de Rousseff en 2016, le courant a fait une volte-face complète. Elle commençait à défendre l’unité avec le PT et à vanter Lula comme «un leader de masse de l’opposition contre l’autoritarisme et le projet d’extrême droite». Ceci, bien que le PT exprimait: «sa stratégie de coopération avec les banques, les entreprises de construction et les grands capitalistes.»
La position du MES expose le caractère de classe du soutien de la pseudo-gauche pour le PT. Leur position de «critiques de gauche» loyaux du PT sert à canaliser l’opposition sociale croissante derrière ce parti bourgeois. Ainsi, les tendances pseudo-gauche comme le MES veulent éviter voire faire réprimer le genre de révoltes ouvrières explosives qui ont balayé une grande partie de l’Amérique du Sud.
La politique de ces couches ne peut qu’aider à préparer une répétition des grandes trahisons subies par la classe ouvrière au Brésil et sur tout le continent dans les années 1960 et 1970. Ce qui est nécessaire est de briser l’emprise du PT et de ses satellites pseudo-gauchistes sur le mouvement ouvrier. Cela nécessite une lutte intraitable pour l’indépendance politique et l’unité internationale de la classe ouvrière. Cette lutte ne peut que passer par la construction d’une section brésilienne du Comité international de la IVe Internationale.
(Article paru d’abord en anglais le 27 décembre 2019)