Un an après sa destitution à la tête des services secrets allemands, Hans-Georg Maassen (Union chrétienne-démocrate, CDU) est devenu l'un des porte-parole de l'extrême droite. Mardi, Markus Lanz lui a offert une plate-forme sur son talk-show pour sa campagne de dénigrement agressif contre les réfugiés ainsi que la banalisation et la justification des attaques terroristes d'extrême droite. La prestation était à tous égards celle d'un idéologue fasciste.
Par exemple, Maassen a présenté les extrémistes de droite qui commettent des attaques terroristes contre des réfugiés sans défense et leurs logements comme des citoyens inquiets. Il a déclaré: «Les personnes qui ont perpétré les attaques contre les refuges pour réfugiés, du moins les suspects identifiés, n'étaient pour la plupart pas des extrémistes de droite, ni des nazis. C'étaient des gens de la classe moyenne qui s'étaient radicalisés.»
Maassen partageait ouvertement les motivations des terroristes de droite et a affirmé qu'ils n'avaient mené leurs attaques que parce que des politiques qu'ils ne voulaient pas étaient menées et qu'ils «ne se retrouvaient plus dans l’image relayée par les médias». Les médias avaient parlé de l’arrivée de réfugiés en 2015, mais ce sont des immigrés qui sont venus, a expliqué Maassen, qui veut priver les centaines de milliers de réfugiés de guerre qui sont arrivés dans le pays depuis 2015 de toute protection.
Selon Maassen, les reportages sur les réfugiés auraient dû avoir des «conséquences». Mais malheureusement, déplore-t-il, aucun responsable n'a dû démissionner. L'ancien président du Bureau pour la protection de la Constitution, comme les services secrets allemands sont connus, a affirmé que «les gens critiquent une presse mensongère», parce que les radiodiffuseurs publics rapportent des «absurdités».
Au lieu de «réfugiés», a déclaré Maassen, les reportages devraient parler de «1,8 million d'Arabes» venus en Allemagne. Son objectif est d'attiser les ressentiments racistes afin de cacher le sort tragique des réfugiés. Les médias devraient cesser de parler des «petites filles aux grands yeux», a-t-il dit. Outre le mot «réfugié», le terme «détresse en mer» ne devrait plus être utilisé dans ce contexte.
Les médias «tentent de générer une certaine vision du monde», a déclaré Maassen. «Je n'accepte pas ce cadre. Je n'accepte pas le discours sur les réfugiés, le discours sur la détresse en mer, mais je m'attends à ce que les gens parlent de ce dont il s'agit vraiment.» En fait, les missions de sauvetage en mer, qui ne peuvent sauver qu'un petit nombre de personnes de la noyade, étaient un «service de navette» vers l'Europe, a-t-il affirmé.
Maassen n'a laissé aucun doute sur le fait que ces positions brutales et radicales de droite constituent la base de son travail en tant que président du Bureau pour la protection de la Constitution. Parlant à Lanz, il a défendu avec véhémence son intervention publique concernant les émeutes extrémistes de droite à Chemnitz. Après que les néonazis se sont déchaînés dans la ville pendant des jours, ont attaqué et traqué les immigrants et les opposants politiques, Maassen a faussement affirmé dans Bild Zeitung qu'il n'y avait aucune preuve de telles activités et qu'il s'agissait peut-être d'un cas de «désinformation délibérée».
Dans l'intervalle, il a été prouvé sans aucun doute qu'il y avait eu des attaques et qu'une vidéo, sur laquelle le reportage de presse était basé, était authentique. Néanmoins, Maassen a déclaré que sa déclaration à l'époque n'était pas une erreur. «Je ne l'ai pas simplement fait intentionnellement, je l'ai fait délibérément», a-t-il déclaré au programme. Il a ensuite précisé quelle était son intention.
Maassen a accusé le journal télévisé Tagesschau d’avoir menti et a spéculé sur une conspiration du journal avec Antifa, parce que la vidéo dont il est question avait été publiée sur un forum antifasciste, entre autres, avant d'être traitée par les chaînes d’informations. «Pourquoi ont-elles relayé une vidéo antifasciste comme une preuve? Quelle est la relation entre Tagesschau et Antifa? À mon avis, ce sont des questions légitimes, qui devraient être posées par le directeur de l'agence de renseignement nationale.»
Maassen a pu présenter tous ces propos extrémistes de droite à la télévision publique aux heures de grande écoute. Et ce n’était pas tout. Le modérateur Markus Lanz a décrit son invité d'extrême droite comme un «excellent fonctionnaire», a exprimé son accord avec lui à plusieurs reprises et s’il a été pour le moins agacé, il s’agissait du «contexte» ou les «mots employés», ceux utilisés par Maassen. En termes de contenu, il ne s’est nullement opposé à Maassen, malgré quelques désaccords. «Vous avez raison», a déclaré Lanz sans ambages, ajoutant comme raison, «Vous savez que la croissance démographique en Afrique est énorme.»
Cette immense promotion de Maassen – non seulement par le diffuseur ARD, mais par de nombreux autres médias – montre que ses opinions ne sont pas le fait d'un seul individu ou d'une aberration d'extrême droite. Les positions de droite et anti-réfugiés de Maassen sont connues depuis longtemps. En août 2012, le gouvernement l'a sciemment nommé président du Bureau de la protection de la Constitution afin de défendre et de poursuivre les opérations des réseaux d'extrême droite au sein de l'agence qui ont été révélés après la découverte d'une série de meurtres perpétrés par le groupe secret néonazi NSU.
En sa qualité officielle, il avait également maintenu des liens étroits avec les politiciens de l'Alternative pour l'Allemagne d’extrême droite (AfD) et discuté avec eux des rapports annuels des Verfassungsschutz (services secrets). Alors que l'AfD, son «aile» fasciste Höcke et son environnement néonazi ne sont pas du tout mentionnés dans le chapitre sur «l'extrémisme de droite», quiconque critique le capitalisme est diffamé comme étant un extrémiste de gauche par le Verfassungsschutz et sujet à la surveillance des services secrets.
En 2018, Maassen a inclus le Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l'égalité socialiste, SGP) comme «extrémiste de gauche» dans le rapport du Verfassungsschutz pour la première fois, car il s'oppose au militarisme croissant et au virage massif vers la droite dans la politique officielle, exprimant ainsi la large opposition de la population. Ce faisant, les services secrets ne prétendent même pas que le SGP est violent ou anticonstitutionnel, confirmant explicitement qu'il poursuit ses objectifs par des moyens légaux. Les services secrets justifient leur surveillance du SGP au seul motif qu'il prône un programme socialiste et critique le capitalisme.
Le SGP a donc engagé une action en justice contre le ministère fédéral de l'Intérieur devant le tribunal administratif de Berlin. «Alors que le Bureau pour la protection de la Constitution tient sa main protectrice sur les terroristes et finance et contrôle la scène extrémiste de droite via des informateurs confidentiels, quiconque s'oppose au virage à droite et s'oppose aux gangs d’assassins de droite et à l'AfD est placé sous l'observation des services secrets», déclare le SGP.
Depuis que Maassen a été contraint à une retraite anticipée en novembre dernier, il a confirmé à plusieurs reprises cette évaluation. En novembre, il a publié un manifeste fascisant dans l'hebdomadaire suisse Weltwoche , dans lequel il déclarait que «l'avenir de l'Allemagne» et «la stabilité de notre démocratie» étaient menacés par le socialisme. Un mois plus tard, il a déclaré dans le quotidien catholique de droite Tagespost que toute personne appelant à «l'expropriation de tous les soi-disant capitalistes» devrait être classée comme extrémiste de gauche.
Maintenant, invité à l'une des émissions télévisées les plus connues de la télévision publique, il déclare que les terroristes de droite qui traquent les réfugiés et incendient leurs logements ne sont pas des extrémistes.
En même temps, la grande coalition des démocrates-chrétiens et des sociaux-démocrates a donné à Thomas Haldenwang (CDU), qui avait travaillé pendant cinq ans comme adjoint de Maassen, la tâche de poursuivre le cours de l'ancien chef des services secrets. Le rapport du Verfassungsschutz 2019 ne mentionne pas les réseaux terroristes extrémistes de droite dans l'armée, l'AfD et d'autres organisations, tandis que le SGP, les groupes de jeunes de gauche et les antifascistes sont diffamés comme des «extrémistes de gauche».
Ce virage à droite de l'élite politique ne peut être compris que comme le résultat de sa grande peur des mouvements sociaux qui éclatent actuellement dans le monde, et notamment en France. La promotion de positions d'extrême droite et l'action agressive contre les socialistes montrent que la classe dirigeante en Allemagne utilise de plus en plus des méthodes autoritaires et fascistes pour imposer ouvertement sa politique de militarisme et d'inégalité sociale flagrante contre la résistance croissante de la classe ouvrière.
(Article paru en anglais le 24 décembre 2019)