Le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) a déposé la semaine dernière une offre globale pour le renouvellement des négociations collectives de plus d’un demi-million d’employés du secteur public. Sans surprise venant de la CAQ, un parti réactionnaire de droite au service de la grande entreprise, l’offre comprend des reculs majeurs qui vont appauvrir davantage les employés de l’État et rendre leurs conditions de travail encore plus inhumaines.
La hausse salariale proposée pour l’ensemble des travailleurs est de 7% pour la durée du contrat de cinq ans, répartie ainsi: 1,75 % pour chacune des deux premières années, 1,5% pour la troisième, et 1% par an pour les deux années suivantes. Avec un taux d’inflation estimé à 2,2% pour 2019 et 2020 et à environ 2% pour les années suivantes, cette «hausse» de salaire est en réalité un appauvrissement net.
Le gouvernement Legault a annoncé la création de deux «forums» distincts où sera discutée la possibilité d’offrir des hausses salariales légèrement supérieures aux enseignants et aux préposés aux bénéficiaires. Il croit pouvoir ainsi augmenter la rétention de main-d’œuvre pour ces deux métiers de plus en plus délaissés en raison des conditions de travail difficiles et d’une faible rémunération. Le gouvernement tend aussi une carotte aux employés avec plus d’ancienneté en offrant un montant forfaitaire de 1000$ pour ceux qui se trouvent au plus haut échelon salarial. En fin de compte, ces manœuvres visent à diviser les travailleurs pour mieux imposer des concessions majeures.
Dans ce qui s’annonce être une nouvelle attaque sur les acquis et les droits des travailleurs, le gouvernement va également créer un troisième forum visant à réduire «l’absentéisme au travail». Mais si un nombre grandissant de travailleurs sont forcés de tomber en arrêt de travail, c’est à cause du haut niveau de stress et des conditions pénibles qui sont le résultat des coupures sauvages des gouvernements péquistes et libéraux au cours des quarante dernières années.
Les syndicats du secteur public ont tous poussé de hauts cris et feint l’indignation. Mais ces appareils bureaucratiques n’ont aucune intention de mobiliser les travailleurs contre les mesures d’austérité du gouvernement : ils vont plutôt comploter avec lui pour les imposer. Jusqu’à tout récemment, ils présentaient le premier ministre Legault comme quelqu’un «à l’écoute des Québécois», en passant sous silence le fait que ce millionnaire et ex-PDG prône depuis des années la privatisation des services publics et attise le chauvinisme anti-immigrants pour diviser la classe ouvrière et attaquer les droits démocratiques.
Les syndicats ont une longue histoire de collaboration avec l’élite dirigeante pour imposer les coupes sociales, faire respecter les lois spéciales anti-démocratiques, étouffer l’opposition des membres de la base à l’austérité, et saboter leurs luttes quand celles-ci éclatent malgré tout à la surface – le tout au nom du maintien de la «paix sociale», c’est-à-dire de l’ordre capitaliste existant.
En 2012, face à une puissante grève étudiante au Québec qui menaçait de s’étendre à la classe ouvrière, les chefs syndicaux sont intervenus pour la détourner derrière un soutien électoral pour leurs alliés traditionnels du Parti québécois. Puis en 2015, les syndicats du soi-disant Front commun du secteur public, ainsi que la FAE et la FSSS supposément plus «militantes», ont capitulé et signé des ententes remplies de reculs qui ont permis un démantèlement accéléré des programmes sociaux. Dans les mois précédant cette trahison honteuse, ils avaient tous maintenu un silence complice sur la menace d’une loi spéciale, uniquement pour l’invoquer à la dernière minute et forcer les travailleurs à accepter des contrats pourris.
Il existe, parmi les travailleurs du secteur public et dans la population laborieuse en son ensemble, une profonde colère face aux politiques d’austérité de l’élite dirigeante et de ses larbins au gouvernement.
Mais pour que la prochaine lutte soit victorieuse, il faut former des comités de travailleurs de la base indépendants des syndicats pro-capitalistes. Comme en 2015, les employés de l’État sont confrontés à une lutte politique qui dépasse le simple cadre des négociations collectives au Québec. En cherchant à défendre les services publics et leurs propres acquis, les travailleurs vont entrer en collision non seulement avec la CAQ, mais avec tout le programme de classe des élites dirigeantes québécoise et canadienne. La tâche première des comités de la base serait de mobiliser toute la puissance de la classe ouvrière pour défendre les programmes sociaux et préparer la résistance aux lois spéciales.
L’assaut sur les employés de l’État fait partie d’une nouvelle offensive de l’élite dirigeante à travers le Canada et partout dans le monde. Comme Legault au Québec, les gouvernements de Doug Ford en Ontario et de Jason Kenney en Alberta ont annoncé des coupures massives dans les services publics ainsi que de fortes baisses salariales. Ils mènent la charge contre les employés de l’État et le reste des travailleurs, et alimentent la xénophobie et le racisme pour détourner l’attention de leur programme pro-patronal.
Les mesures d’austérité exigées par la grande entreprise québécoise et canadienne ont créé une situation catastrophique dans le réseau public. Au Québec, comme ailleurs dans le reste du Canada, plus d’un enseignant sur quatre abandonne le métier après sa première année, en grande partie à cause des conditions pénibles de travail. Les ressources allouées pour combler les besoins grandissants d’élèves en difficulté sont si insuffisantes que l’épuisement professionnel a atteint un sommet au cours des deux dernières années.
Dans le milieu de la santé, les conditions de travail inhumaines, y compris la surcharge de travail et le travail supplémentaire obligatoire, entraînent épuisement et abandon du domaine. Il faut souligner que les premiers responsables de l’état lamentable des infrastructures et des services publics sont le gouvernement fédéral actuel de Justin Trudeau et ses prédécesseurs – notamment le gouvernement libéral Chrétien-Martin du milieu des années 1990 qui a sabré des milliards dans les transferts aux provinces en matière de santé et d’éducation.
Le président du Conseil du Trésor du Québec, Christian Dubé, a déclaré en conférence de presse que les offres du gouvernement sont «raisonnables» et respectent la «capacité de payer de la population». Au même moment, le gouvernement a annoncé que les milliards de dollars en surplus budgétaire résultant des mesures d’austérité imposées à la classe ouvrière depuis des années ne serviront pas à financer les services publics, mais plutôt à payer la dette et à réduire diverses taxes sur la grande entreprise et les classes moyennes aisées.
Le refrain répété non seulement par la CAQ mais par les gouvernements de tout acabit pour justifier les compressions sociales est qu’il «n’y a pas d’argent». Au contraire, les ressources existent, mais elles sont monopolisées par les banques, les entreprises et les riches. Selon un rapport du Centre canadien des politiques alternatives (CCPA), en 2018, les 87 familles canadiennes les plus riches possédaient autant que les 12 millions de Canadiens les plus pauvres, ou le tiers de la population du pays. Au même moment où il attaque les acquis de la classe ouvrière, les gouvernements fédéral et provinciaux injectent des milliards de dollars dans l’arsenal meurtrier des Forces armées pour que le Canada se joigne aux interventions militaires menées par Washington et amasse une part du butin impérialiste.
Aucune lutte ouvrière ne peut être victorieuse si elle reste confinée à un cadre national. Les travailleurs du secteur public québécois doivent bâtir des comités de lutte indépendants des syndicats pour mobiliser la puissance sociale de la classe ouvrière et faire appel à leurs frères et sœurs dans le reste du Canada, aux États-Unis et internationalement, qui font face aux mêmes attaques de la classe dirigeante.