– «Ils devraient nous donner beaucoup plus d'aide que ça». (Laura)
– «Ils mettent en danger les populations civiles». (Steven)
– «La ville savait qu'il y avait un risque, mais ils n'ont pas fait de plan d'évacuation». (Annie)
Plus de six mois après les inondations du printemps dernier qui ont frappé les provinces canadiennes de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick et du Québec, forçant des dizaines de milliers de personnes à évacuer, les sinistrés sont largement laissés à eux-mêmes.
La réponse des différents paliers de gouvernement est pleinement en lien avec l'assaut qu'ils mènent depuis des décennies sur les salaires, les retraites et les programmes sociaux. «Il n'y a pas d'argent!» est leur refrain constant pour justifier leur indifférence envers les familles touchées, qui proviennent majoritairement de la classe ouvrière et des sections les plus pauvres de la société.
Le gouvernement provincial de la CAQ (Coalition Avenir Québec) s’est vanté d’offrir jusqu'à 250.000 dollars (selon la valeur foncière) aux personnes dont les maisons ont été endommagées à plus de 50 pour cent (30 pour cent dans certaines villes) pour se reloger. Mais les demandes sont évaluées au cas par cas, selon une lourde procédure bureaucratique. Quant à l'aide financière pour la réfection des résidences, elle est plafonnée à 125.000 dollars et est cumulative: si une portion a déjà été réclamée, seul le restant sera disponible pour une prochaine réclamation.
La CAQ rembourse seulement de 75 à 85 pour cent des dépenses de la Croix-Rouge, alors que les gouvernements précédents avaient l'habitude de rembourser 100 pour cent. Certaines municipalités, qui sont responsables de demander et de payer les services de la Croix-Rouge, ont décidé de réduire leurs services alors que les besoins sont encore présents. D'autres ont menacé d'augmenter les taxes municipales.
Les assurances pour les biens immobiliers sont aussi en hausse d'au moins 8 à 10 pour cent à travers le pays, peu importe que le propriétaire habite en zone inondable ou non. Même si les compagnies d'assurances citent l'augmentation du nombre de désastres naturels, ils ont remboursé relativement très peu pour les inondations, car il est très difficile de s'assurer pour ce genre de sinistre au Canada.
Les sinistrés sont largement laissés à eux-mêmes, font face à des lourdeurs bureaucratiques pour obtenir la moindre aide financière et doivent se tourner vers la charité et l'aide de leurs proches. Plusieurs vivent avec des séquelles psychologiques majeures.
Les sinistrés doivent souvent s’occuper eux-mêmes des réclamations auprès des diverses instances, comme la municipalité, le gouvernement du Québec et la Croix-Rouge. Les démarches sont longues et nécessitent plusieurs documents. Dans certains cas, les documents ont été perdus dans l’inondation ou lors de la manutention.
À Ste-Marie-de-Beauce, petite municipalité de 13.000 habitants située près de Québec, au moins 300 maisons du centre-ville sont ou seront démolies. Marc Fortin, de Sainte-Marie, explique: «C’est déjà confirmé par la Ville que la maison sera démolie, mais on n’a pas encore reçu un sou du gouvernement».
D'autres font face au gonflement du prix des maisons et appartements. Une autre personne de Ste-Marie a fait part de ses observations sur les réseaux sociaux: «Il y a beaucoup de propriétaires qui ont profité pour augmenter les prix des loyers, parfois du double, car ils savaient qu'il y avait beaucoup de gens qui seraient à la recherche de logements».
Le cas de Ste-Marthe-sur-le-lac, ville de 18.000 habitants en banlieue nord de Montréal, démontre la négligence criminelle des autorités. Le 27 avril 2019, une digue végétale a cédé, inondant le tiers des habitations. Construite dans les années 1970, la digue a régulièrement nécessité des travaux de réfection en raison de défaillances majeures et le gouvernement avait reconnu en 2009 qu'une rupture de la digue aurait des conséquences «catastrophiques».
Comme l’ont expliqué des résidents dans une entrevue accordée au WSWS (voir citations au début ainsi que l’article accompagnateur), les impacts sociaux de la tragédie de Sainte-Marthe sont multiples: logements en partie inhabitables, emménagements dans des véhicules récréatifs ou des campements de fortune, enfants avec des problèmes de sommeil, chocs post-traumatiques, dépressions, suicides et idées suicidaires, divorces, et incertitude devant la possibilité que les autorités démolissent ou non leurs maisons.
Comme les autorités sont plus intéressées à garantir les profits des promoteurs immobiliers que la sécurité des citoyens, de telles tragédies sont vouées à se reproduire.
Beaucoup de publicité a été faite autour de la décision de la CAQ de mettre en place des zones d'intervention spéciale (ZIS) où les nouvelles constructions seraient interdites et les rénovations strictement contrôlées. Mais c’est une mesure purement cosmétique.
La première mouture des ZIS – établies selon les cartes existantes de zones inondables et les zones touchées par les inondations de 2017 et 2019 – concernait un territoire recouvrant 813 municipalités et 120.000 résidences. Mais, après quatre arrêts ministériels, pas moins de 84 municipalités, dont certaines durement touchées par les inondations, ont été exclues des ZIS.
D’ailleurs, il était déjà interdit par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme de construire dans les zones inondables – ce que les villes considéraient comme une orientation plutôt qu’une obligation. Cherchant des taxes foncières additionnelles tandis que les promoteurs privés gonflent leurs profits, les villes ont pris l’habitude de demander et d'obtenir des dérogations pour la construction immobilière.