La crise du National Health Service (NHS, Service national de santé) a dominé les dernières étapes de la campagne de l’élection parlementaire. Privé de fonds pendant une décennie sous deux gouvernements dirigés par les conservateurs, une étude de l’Association des Patients publiée par le Guardian a révélé que 5500 patients du NHS sont décédés au cours des trois dernières années du aux longues périodes passées sur des brancards dans des urgences débordées.
Une grande partie du NHS est désormais entre les mains du secteur privé, comme le montre le nouveau film de John Pilger, The Dirty War on the National Health Service (La sale guerre menée contre le NHS - article en anglais)
La prétention du Labour à être le seul parti à défendre le NHS est la principale raison pour laquelle beaucoup de gens le soutiennent. Mais comme la plupart de ses principales promesses, celle-ci aussi est creuse.
La réfutation la plus dévastatrice du discours du chef du Labour Jeremy Corbyn sur le fait qu'il ne restait que quelques jours pour «sauver le NHS» en élisant un gouvernement travailliste a été fournie par son ministre de la Santé fantôme, Jon Ashworth.
Lundi, un reportage a fait le buzz sur le premier ministre conservateur Boris Johnson qui avait refusé de regarder une photo proposée par un journaliste de la chaine ITV. On y voyait un garçon de quatre ans pour lequel on avait diagnostiqué une pneumonie, gisant sur le sol de l'infirmerie générale de Leeds en raison du manque de lits.
Ashworth fut chargé par Corbyn mardi matin de promouvoir la politique du Labour pour le NHS dans les médias et expliquer que l'épisode de la photo résumait l’insensibilité des conservateurs envers le NHS, après une décennie de coupes austéritaires qui l'ont conduit au bord de l'effondrement.
Mais cela a donné au blogueur conservateur Guido Fawkes l'occasion de divulguer une récente conversation téléphonique entre Ashworth et l'un de ses amis conservateurs, Greig Baker. Baker est un ancien président de la Canterbury Conservative Association et directeur-général de GUIDE Consultancy, qui «aide les entreprises touchées par les changements politiques», en fournissant un «service de renseignement politique et commercial».
Pendant l'appel, on entend à plusieurs reprises Ashworth en train de dénoncer Corbyn et insister sur le fait qu’avec ce dernier, Labour ne peut pas gagner les élections. Il déclare au sujet du complot blairiste contre Corbyn en 2016: «Nous avons merdé en 2016 lorsque nous y sommes allés trop tôt. Des gens comme moi disaient en interne que ce n'était pas le bon moment, mais on m’a ignoré. Nous y sommes allés trop tôt, alors maintenant j'ai peur. »
Ashworth poursuit en disant à Baker – de façon sinistre à la lumière des menaces de hauts responsables militaires d'organiser une «mutinerie» contre un gouvernement Corbyn - que les hauts fonctionnaires publics devraient «assurer la sécurité» si Corbyn accédait au poste de premier ministre.
Baker a demandé: «Si cela fonctionne bien et je suppose que nous espérons tous les deux et qu'il y a une sorte de majorité parlementaire réalisable pour Johnson, combien de temps pensez-vous qu'il faudra aux travaillistes pour se remettre sur pied et se débarrasser de Corbyn? Nous en avons déjà parlé autrefois, n’est-ce pas? » (italiques ajoutées).
Ashworth répond que des mesures sont en cours: «Eh bien, c'est ce que beaucoup d'entre nous sont… On y pense». Il rassure Baker, «Je pense que les choses peuvent changer rapidement. Je pense que les choses changent plus rapidement en général maintenant… Je pense que les choses sont plus fluides ».
C'est cette fripouille blairiste qui sera nommée à la tête du NHS par Corbyn s'il remporte les élections jeudi! Ashworth n'est que l'un des nombreux députés de droite avec lesquels Corbyn a travaillé étroitement comme leader pendant des années. Il a commencé à travailler pour le Parti travailliste en 2001 en tant que responsable de recherche politique et, en l'espace de trois ans, était devenu un proche conseiller du ministre des finances de Blair, Gordon Brown. Lorsque Brown succéda à Blair en tant que Premier ministre en 2007, Ashworth fut nommé secrétaire politique adjoint, notamment pour assurer la liaison avec les syndicats.
Le NHS ne peut jamais être défendu par ces éléments anti-ouvriers, qui complotent avec les conservateurs pour assurer une victoire de Johnson, tout en étant protégé par Corbyn au nom de «l'unité du parti».
De plus, même si Corbyn réussissait à la tête d’un gouvernement à mettre en œuvre ses politiques, celles-ci n’auraient aucun effet pour résoudre la crise des soins de santé au Royaume-Uni. Certaines politiques aggraveraient même les choses.
L’avant-propos de Corbyn dans le manifeste sur la défense du NHS s’engage à ce que, «Labour fournisse au NHS le financement dont il a besoin, et mettra fin à la privatisation et ne permettra jamais que notre service de santé soit vendu à l’encan dans aucune négociation commerciale».
Mais le Labour ne propose que l'injection d'argent la plus minime pour le NHS - encore moins que le gouvernement de droite de Blair et à peine plus que les conservateurs!
Labour «investira dans le NHS pour fournir aux patients les services modernes et bien dotés en ressources dont ils ont besoin», indique le document, mais cela se traduit uniquement par «une augmentation des dépenses dans le secteur de la santé en moyenne de 4,3 pour cent par an».
Ce chiffre global comprend les dépenses pour les services sociaux, ce qui mène l'Institut des études fiscales (IFS) à faire remarquer que, selon les projets du Labour, les dépenses du NHS en Angleterre n'augmenteront que de 3,8 pour cent en termes réels.
La promesse de dépenses destinées au NHS du Labour est une réduction par rapport à ce qui avait été promis en juin dernier, quand Ashworth avait déclaré que le Labour «augmenterait la croissance des dépenses du NHS à environ 5 pour cent, ce qui est nécessaire»
Les gouvernements de Blair et Brown (1997-2010) avaient vu les taux d’augmentation réels des moyens annuels dépensés pour le NHS atteindre 6 pour cent, selon l'IFS.
Depuis lors, les deux derniers gouvernements conservateurs ont réduit de 20 milliards de livres le budget du «NHS» par des «économies de rentabilité». Ceci ne mérite aucune mention dans le manifeste de Corbyn, et encore moins un engagement pour combler ce déficit.
Le manifeste note que le NHS a besoin de 100 000 employés supplémentaires, dont 43 000 infirmières, et que les effectifs du personnel des services sociaux ont diminué de 120 000. Mais il ne prend aucun engagement de recruter les effectifs massifs dont on a désespérément besoin et de mettre un terme à la suppression des emplois.
De plus, le manifeste du Labour promet que si la Grande-Bretagne quitte l'UE, la liberté de circulation des citoyens de l'UE « fera l'objet de négociations », c'est-à-dire qu'elle prendra fin. Sa politique d'immigration sera basée sur un «système de visa de travail» qui «doit combler toute pénurie de compétences ou de main-d'œuvre». Mais cette politique aurait des conséquences dévastatrices pour le NHS, étant donné que 65 000 employés du NHS en Angleterre sont des ressortissants de l'UE (5,5 pour cent de tout le personnel) ; 13,1 pour cent du personnel du NHS indiquent que leur nationalité n'est pas britannique.
La Fondation pour la santé a mis en garde le mois dernier contre «une crise croissante des effectifs qui menace les soins aux patients, avec 1 poste d'infirmière sur 8 vacant dans le NHS». Elle a déclaré que «le recrutement international est le seul moyen de combler les lacunes - nous aurons besoin d'au moins 5 000 infirmières d'autres pays chaque année pendant les 5 prochaines années ».
Le Labour a présenté de vagues plans pour réduire la semaine de travail à 32 heures (une semaine de quatre jours) au cours de la prochaine décennie. Cela devait inclure le million de travailleurs employé par le NHS. Mardi, cependant, Jeremy Corbyn a déclaré: «Le fait est que, sur une période, l'augmentation de la productivité entraînera une réduction du temps de travail, mais cela ne sera pas imposé au NHS.» Il a ajouté qu'une réduction en heures pour tout groupe de travailleurs serait financée sous le mandat du Labour « par la productivité dans toutes les industries et lieux de travail ».
Le manifeste de Labour promet d'abolir la loi de 2012 sur la Santé et les Services sociaux des conservateurs, qui a accéléré le programme de privatisation imposé par les gouvernements travaillistes et conservateurs successifs et supprimé l’obligation du ministre de la Santé de fournir un système de santé universel en Angleterre. Il ajoute: «[Nous] mettrons fin à l'obligation faite aux autorités sanitaires de lancer des appels d'offres pour des services».
Mais cela ne peut pas être pris pour argent comptant. Un engagement identique de supprimer cette loi figurait déjà dans le manifeste du Labour en 2017. Mais quelques jours seulement avant les élections de 2017, Ashworth avait lui-même précisé que le Labour n'abrogerait que partiellement la loi. Comme l'a noté le Health Care Times, le Labour ne supprimerait que les règlements de l'article 75 de la loi, utilisés pour faire respecter la concurrence et les appels d'offres sur une base obligatoire, par l'intermédiaire du régulateur, Monitor. Ashworth avait insisté pour dire qu '«il y a toujours eu un élément privé de prestation de soins de santé dans ce pays»
Le NHS ne sera défendu par aucun des partis de la grande entreprise, Labour compris. Le droit social aux soins de santé ne peut être défendu que sur la base de l'initiative indépendante de la classe ouvrière et de la lutte pour un gouvernement ouvrier. C’est le programme du Socialist Equality Party (Parti de l’égalité socialiste) et de son initiative NHS FightBack (La Riposte du NHS).
(Article paru en anglais le 11 décembre 2019)
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