La condamnation lundi de plusiers nationalistes catalans à une décennie en prison pour sédition, depuis laquelle Madrid menace la Catalogne d’un état d’urgence en réprimant de manifestations de masse, marque un pas majeur vers la dictature non seulement en Espagne mais à travers l’Europe. La sentence de lundi est un jugement illégitime et infâme, rendu par un cour qui s’est discréditée par ses déclarations récentes en faveur d’un régime fasciste.
Les prévenus, dont l’ex-vice président catalan Oriol Junqueras, ont appelé à des manifestations pacifiques avant un référendum d’indépendance catalane pacifique le 1er octobre 2017. Les gendarmes espagnols ont violemment attaqué les électeurs devant les urnes. Il y a eu plus de 1.000 blessés, les électeurs opposant une résistance passive pacifique de masses aux forces de l’ordre.
Sans vergogne, la cour a déclaré que ceci constituait non pas une violence illégitime de l’État contre la population, mais un soulèvement violent contre un État légitime, et que Junqueras et Cie étaient donc responsables de sédition pour l’avoir encouragé.
Sur fond d’appels à une grève générale, une confrontation germe entre la classe ouvrière et l’État policier en construction en Espagne et à travers l’Europe.
Après l’éruption de manifestations mardi soir à Barcelone contre le jugement, le premier ministre Pedro Sánchez (Parti socialiste espagnol, PSOE) a déclaré qu’il «n’écartait aucun scénario» pour y répondre. Il a rencontré les chefs de partis parlementaires espagnols. A la traîne du nouveau parti d’extrême-droite franquiste Vox, ces partis proposent diverses mesures: appliquer l’article 155 de la constitution afin de suspendre le gouvernement régional catalan élu, voire mobiliser l’armée.
C’est une tâche élémentaire posée aux travailleurs en Espagne et au-delà d’exiger la libération des prisonniers politiques catalans, et de défendre les travailleurs et les jeunes en Catalogne contre les menace de répression militaire et d’un gouvernement autoritaire qui émanent de Madrid.
Revendier la libération des nationalistes catalans emprisonnés n’implique aucun soutien pour leur programme régressif de diviser les travailleurs en Espagne en créant une république capitaliste indépendante en Catalogne, ou leur imposition de mesures d’austérite aux travailleurs catalans. La large méfiance du nationalisme catalan en Espagne, y compris par une majorité de Catalans, est légitime et politiquement justifiée. Mais ce jugement est une partie intégrante d’une campagne fascisante dont la principale cible est la classe ouvrière, en Espagne et internationalement.
En rendant les électeurs responsables des violences en Catalogne plutôt que la police, la Cour suprême donne à l’État une arme pour détruire des droits démocratiques fondamentaux. Si elle parvenait à faire accepter son argument grotesque, la police n’aurait qu’à tabasser un travailleur sur un piquet de grève, ou un étudiant qui occuperait une université, pour ensuite les déclarer coupables d’une affrontement violent avec l’État et les enfermer longtemps en prison. Des droits constitutionnels de manifester comme de faire grève seraient lettre morte.
L’emprisonnement des nationalistes catalans est indissociable de la campagne de l’élite dirigeante depuis le référendum catalan pour promouvoir Vox et le fascisme. Quand la Cour suprême préparait ce jugement en juin, elle a un temps bloqué l’exhumation du dictateur fasciste Francisco Franco; elle a déclaré que c’était le «chef d’État du 1er octobre 1936 jusqu’à sa mort en novembre 1975.» Ainsi elle statuait que l’auto-proclamation par Franco qu’il était chef de l’État, le 1er octobre 1936 à Burgos quatre mois après son coup fasciste qui avait lancé la guerre civile espagnole, était légitime.
La guerre civile espagnole a dévasté toute l’Espagne et abouti au massacre de 200.000 travailleurs et intellectuels de gauche et l’emprisonnement de 400.000 personnes dans des camps de concentration. Mais la Cour suprême a déclaré qu’il serait «extraordinairement nocif» à l’intérêt général s’il n’y avait pas une compréhension plus favorable de «don Francisco Franco.»
Cette légitimation du franquisme intensifie inévitablement le conflit entre l’État espagnol et la Catalogne. Il faut rappeler qu’après la victoire franquiste et l’occupation nazie de la France en 1940, la Gestapo nazie a déporté le chef nationaliste catalan Lluis Companys de Paris en Espagne. Franco l’a fait fusiller.
L’Union européenne (UE) et tous ses États membres sont complices des manœuvres réactionnaires de la bourgeoisie espagnole. Junqueras, élu au parlement européen depuis la prison, pouvait prétendre à l’immunité parlementaire. Mais que le tribunal européen de justice a organisé une audience pour établir si Junqueras jouissait de cette immunité, aucun État membre n’a présenté d’arguments. Tous ces États ont soutenu, tacitement, les tentatives de l’État espagnol de légitimer le fascisme et attaquer les droits démocratiques.
Le jugement en Catalogne reflète la poussée internationale de la bourgeoisie d’étrangler les droits démocratiques et réprimier les manifestations à travers l’UE, sur fond d’une résurgence de grèves et d’opposition aux politiques de l’UE.
Au Royaume-Uni, la police a arrêté plus de 1.600 manifestants écologiques à Londres, où elle a imposé une interdiction de manifester dans toute la ville.
En France, où Macron le président haï a salué Philippe Pétain en lançant des arrestations en masse des «gilets jaunes» mobilisés contre les inégalités sociales, la police a fréquemment attaqué des manifestants pacifiques puis arrêté ceux qui essayaient de se défendre. Le cas de Christian Dettinger, l’ex-boxeur condamné à 30 mois de prison pour avoir frappé le bouclier d’un flic en protégeant une manifestante, est connu. Ceci suivait deux années d’état d’urgence en France pendant lesquelles les droits démocratiques étaient suspendus.
En Allemagne, la montée de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) néofasciste, devenue principal parti d’opposition malgré des manifestations de masse contre elle, est le signe le plus dangereux de la montée du néofascisme en Europe.
Presque trois décennies après que la dissolution stalinienne de l’URSS a amené les intellectuels bourgeois à saluer «la Fin de l’Histoire», la mort du socialisme et le triomphe de la démocratie libérale, la classe dirigeante européenne retourne vers la dictature. Il faut souligner que la ré-émergence des tendances fascisantes de l’appareil d’État espagnol se développe sous l’égide du social-démocrate «libéral», Sánchez.
Aucune lutte n’est possible, même pour défendre les droits les plus fondamntaux, dans le cadre des partis petit-bourgeois comme Podemos, l’alliance stalinienne et pabliste. Ce parti veille toujours à démobiliser et à étrangler l’opposition politique en Espagne à la campagne fascisante de Madrid contre la Catalogne depuis 2017. Il n’a organisé pas une seule manifestation de masse de ses cinq millions d’électeurs – tout comme les syndicats staliniens ou social-démocrates, qui ont refusé de faire grève par solidarité avec les travailleurs cibles de la répression en Catalogne.
Podemos fait appel plutôt au PSOE pour former un gouvernement avec lui, alors que le PSOE dirige la répression en Catalogne. Le secrétaire général de Podemos Pablo Iglesias, qui a déclaré sa «fidélité entière» à Sánchez sur les affaires d’État cette année, a déclaré après le verdict catalan que, malgré son prétendu dégoût pour cette décision, «tout le monde devra respecter la loi et accepter ce verdict.»
Lutter contre le tournant des classes dirigeantes vers la dictature et le fascisme nécessite de rompre avec ces partis en faillite et un tournant vers la classe ouvrière internationale.
Les travailleurs en Catalogne en lutte pour défendre leurs droits sociaux et démocratiques doivent faire appel à leurs frères et sœurs de classe à travers l’Espagne et l’Europe, dans une lutte commune pour la transformation socialiste de la société et les États-unis socialistes d’Europe. C’est indissociable de la lutte pour construire des sections du Comité international de la IVe Internationale en Espagne et dans les pays autour du monde.