Vendredi, alors que les dirigeants du monde se réunissaient en France pour le sommet du G7 de ce week-end, le président américain Donald Trump s’est répandu en invectives, déclarant presque la guerre économique à la Chine.
Trump a qualifié le président chinois Xi Jinping d'«ennemi», a annoncé des hausses tarifaires massives sur toutes les importations américaines en provenance de Chine et a «ordonné» aux entreprises américaines de cesser leurs activités dans le pays.
Peu avant midi, Trump a condamné ce qu'il a qualifié d'actions insuffisantes de la part de la Réserve fédérale pour dévaluer la monnaie américaine et rendre les exportations américaines plus compétitives face à la Chine et à d'autres pays.
«Ma seule question est de savoir qui est notre plus grand ennemi, Jay Powell [président de la Réserve fédérale] ou le président Xi Jinping», a déclaré Trump sur Twitter dans une condamnation extraordinaire d'un fonctionnaire américain et du chef d'un État souverain.
Ces paroles, ainsi que les déclarations précédentes, reviennent à exiger des États-Unis qu'ils militarisent le dollar, la principale monnaie de réserve de l'économie mondiale, dans le cadre d'une guerre monétaire qui menace les fondements de toute institution de la vie économique et politique dans le monde entier.
Le président américain a continué: «Nous n'avons pas besoin de la Chine et, franchement, nous serions bien mieux sans elle... Nos grandes entreprises américaines ont reçu l'ordre de commencer immédiatement à chercher une alternative à la Chine, y compris en amenant... vos entreprises au PAYS et en produisant vos biens aux États-Unis.»
La guerre commerciale croissante s'inscrit dans un contexte d’intensification rapide des menaces militaires et des provocations contre la Chine de la part des États-Unis. Quelques heures à peine avant les emportements de Trump sur Twitter, les États-Unis ont envoyé un navire de guerre dans le détroit de Taiwan, à la suite d'une importante vente d'armes américaines à Taiwan. Washington s'est également engagé à soutenir le Vietnam dans son conflit croissant avec Pékin au sujet du territoire contesté en mer de Chine méridionale.
Plus tôt ce mois-ci, après que les États-Unis se soient officiellement retirés du traité FNI qui limitait la production de certains missiles nucléaires, le ministre de la Défense Mark Esper a déclaré qu'il souhaitait commencer à déployer des missiles à moyenne portée près de la Chine en l’espace de «quelques mois».
Cette semaine, Esper a déclaré que le Pentagone doit se concentrer sur les préparatifs de «conflits de haute intensité contre des concurrents tels que la Russie et la Chine», déclarant que la production américaine d'armes interdites par le traité FNI est nécessaire pour «décourager les mauvaises conduites chinoises».
L'«ordre» donné par Trump aux entreprises américaines de quitter la Chine marque une étape importante dans l'éruption mondiale du nationalisme économique, du protectionnisme et de la préparation au conflit militaire. Ce processus trouve son expression la plus directe dans le choc entre les deux plus grandes économies: les États-Unis, avec un PIB de 20 billions de dollars, et la Chine, avec un PIB de 13 billions de dollars.
Depuis la violente répression des manifestations de la place Tiananmen en 1989, l'oligarchie corporative américaine utilise la Chine comme un gigantesque atelier de misère, tirant profit de sa vaste classe ouvrière tout en utilisant la menace de «délocalisation» pour faire baisser les salaires aux États-Unis et dans le monde.
Mais l'entrée d'entreprises basées en Chine dans des industries à forte valeur ajoutée – comme la conception et la production de semi-conducteurs, des téléphones cellulaires, des machines-outils haut de gamme, des appareils médicaux et d’optiques – les a placées en concurrence directe avec des entreprises basées aux États-Unis, menaçant leur contrôle du bassin de profits extraits de la classe ouvrière internationale.
Les diatribes du président américain reflètent en fin de compte le désir du capitalisme américain d'assurer sa domination en déclin par des menaces et, si nécessaire, par l'usage de la force militaire.
Trump, dans sa vénération brutale du pouvoir, des menaces et de la violence, représente les caractéristiques essentielles de l'élite dirigeante américaine: sa cupidité sans fin, sa brutalité et sa conviction que la «force fonctionne».
Plus tôt ce mois-ci, le secrétaire d'État Mike Pompeo a fait une déclaration extrêmement révélatrice. «J'entends les gens parler des questions commerciales et économiques séparément de la sécurité nationale», a dit Pompeo. «Ne nous y trompons pas, la capacité de la Chine, la capacité de l'Armée populaire de libération... est le résultat direct des relations commerciales qu'elles ont établies.»
En d'autres termes, la croissance économique de la Chine est perçue par Washington comme une menace militaire à laquelle il faut faire face, qu'il s'agisse d'un conflit commercial ou d'une guerre à grande échelle.
Les paroles de Pompeo s'inscrivent dans la doctrine de la rivalité des grandes puissances contre la Russie et la Chine adoptée par le Pentagone l'année dernière, qui déclarait que «la compétition entre les grandes puissances – et non le terrorisme – est désormais la principale préoccupation de la sécurité nationale américaine».
La poursuite de tels conflits de «grandes puissances» nécessitera une approche «d'ensemble de la société», a déclaré le Pentagone, se référant à ce que l'on appelle plus conventionnellement la guerre totale.
Cela pose vivement la question de l'importance de l'«ordre» de Trump pour les entreprises américaines de quitter la Chine. Dans des circonstances normales, les présidents américains n'ont pas un tel pouvoir. Mais en temps de guerre, les présidents ont revendiqué des pouvoirs considérables pour mobiliser l'économie, et les déclarations de Trump ont de telles connotations dictatoriales. Dans ce contexte, ses références répétées à la prolongation de sa présidence au-delà des limites constitutionnelles du mandat et ses «blagues» sur l'annulation des élections de 2020 acquièrent une apparente plausibilité.
Les tweets menaçants de Trump et l'escalade de la guerre commerciale ont clairement ébranlé les marchés financiers, l'indice Dow Jones ayant perdu plus de 600 points. Sa dénonciation amère du président de la Réserve fédérale ne peut qu'intensifier le sentiment, au sein de segments importants de l'élite dirigeante, et pas seulement aux États-Unis, que les politiques de Trump mènent à une catastrophe.
Cependant, malgré les profondes divisions qui existent au sein de la classe dirigeante américaine, la confrontation avec la Chine ne prendrait pas fin, même si le président remplacé. Bien qu'il puisse y avoir des différences avec les méthodes de Trump, il existe un large consensus anti-Chine, basé sur les intérêts mondiaux de l'impérialisme américain.
Ce qui rend la situation extrêmement dangereuse, cependant, c'est qu'il n'y a pas d'opposition politiquement articulée aux politiques de Trump, qui mettent les États-Unis sur une trajectoire de collision avec le pays le plus peuplé du monde.
Pendant trois années consécutives, les démocrates ont voté pour l'augmentation record des dépenses militaires de Trump, faisant passer les dépenses pour la défense de 619 milliards de dollars en 2016 à 738 milliards en 2020.
Le New York Times, l'organe officieux du Parti démocrate, a demandé qu'il adopte une position plus dure contre les entreprises technologiques chinoises Huawei et ZTE. Un éditorial de cette année se vantait que «nous devons dissocier l'économie américaine de la Chine.» Le chroniqueur du Times, Bret Stephens, a écrit un éditorial intitulé «Les États-Unis ont besoin de plus d'armes nucléaires» qui soutient pleinement la violation par la Maison-Blanche du traité FNI et son développement nucléaire contre la Chine.
Comme l'a dit Steve Bannon, l'idéologue d'extrême droite qui aurait apparemment eu le rôle clé à jouer dans la victoire de Trump en 2016: «Les démocrates sont aussi durs avec [la Chine] que les républicains.» Ou, comme l'a dit Robert Daly de l'Institut Kissinger, «Il existe un consensus bipartite selon lequel la Chine est le plus grand défi stratégique à long terme de l'Amérique».
Le nationalisme virulent, la xénophobie, le protectionnisme, la dictature – toutes les saletés qui ont caractérisé le fascisme au XXe siècle – jaillissent de tous les orifices du capitalisme américain.
Personne ne devrait se faire d'illusions. Ce n'était pas une rhétorique creuse quand le secrétaire à la Défense Esper a affirmé que le Pentagone se préparait à «des conflits de haute intensité contre des concurrents tels que la Russie et la Chine». L'impérialisme américain, armé jusqu'aux dents avec des armes nucléaires, est sur la voie de la guerre.
Mais la classe ouvrière américaine, dont les fils et les filles partiraient combattre à l'étranger et mourraient dans les ruines fumantes des villes américaines dans un holocauste nucléaire, ne veulent pas de guerre. Et ils sont, avec les travailleurs en Chine, en Russie et d'ailleurs dans le monde, la seule force sociale qui peut l'arrêter.
Comme l'a écrit le Comité international de la Quatrième Internationale dans sa déclaration de 2016, «Le socialisme et la lutte contre la guerre»:
- La lutte contre la guerre doit être fondée sur la classe ouvrière, la grande force révolutionnaire de la société, derrière laquelle doivent s'unir tous les éléments progressistes de la population.
- Le nouveau mouvement antiguerre doit être anticapitaliste et socialiste, car il ne peut y avoir de véritable lutte contre la guerre sans une lutte qui vise à mettre fin à la dictature du capital financier et au système économique qui est la cause fondamentale du militarisme et de la guerre.
- Le nouveau mouvement antiguerre doit donc nécessairement garder une indépendance et une hostilité complètes et sans équivoque envers tous les partis et organisations politiques de la classe capitaliste.
- Le nouveau mouvement antiguerre doit, surtout, être international et mobiliser la grande puissance de la classe ouvrière dans une lutte mondiale unifiée contre l'impérialisme.
Depuis la publication de cette déclaration, la classe ouvrière est entrée en lutte dans le monde entier: de la Chine et de l'Inde, aux manifestations des «gilets jaunes» en France, à la lutte pour les droits démocratiques à Hong Kong et à Porto Rico, à la grève des travailleurs des pièces automobiles au Mexique et, dans à peine quelques semaines seulement, à une bataille explosive des travailleurs automobiles américains pour des emplois, des salaires et des conditions décents.
C'est la vaste et immensément puissante force sociale de la classe ouvrière internationale qui doit être mobilisée pour arrêter les plans de guerre et les intentions dictatoriales des élites dirigeantes capitalistes.
(Article paru en anglais le 24 août 2019)