Perspective

Dans un geste dictatorial Trump bloque le voyage de deux membres du Congrès en Israël

La décision prise jeudi par le gouvernement israélien d'interdire la visite en Israël et en Cisjordanie des membres du Congrès américain Rashida Tlaib et Ilhan Omar est une attaque autoritaire contre les droits démocratiques, menée sous la direction du président américain Donald Trump.

Il ne s'agit pas d'une décision prise à Jérusalem, mais d'une action dictée au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu par Washington. Il s'agissait d'un décret du chef de l'exécutif américain, dirigé contre deux critiques du pouvoir législatif, en violation totale des normes constitutionnelles américaines.

Jeudi, le président Trump a dénoncé la visite prévue de Mmes Tlaib et Omar dans un tweet rempli de ses mensonges éhontés. Il a affirmé que les deux représentantes «détestent Israël et tous les juifs» et qu’«il n’y a rien qui puisse être dit ou fait pour les faire changer d’avis», estimant qu’en les laissant accéder à son territoire, Israël ferait preuve d’une «grande faiblesse».

Le cabinet restreint israélien, qui s'est réuni quelques minutes plus tard, a bien compris le message. Il a renversé une décision antérieure et a décidé d'interdire à Tlaib et Omar d'entrer en Israël ou dans les territoires qu'elle occupe, tels que la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

Ce qui rapproche Trump et Netanyahou, ce n'est pas seulement la relation entre le bailleur de fonds impérialiste et le régime laquais, aussi importante soit-elle, mais une stratégie politique commune. Tous deux cherchent à soutenir des gouvernements de droite en crise en faisant cause commune avec des éléments fascistes dans leurs pays respectifs - Nétanyahu, les colons de Cisjordanie et des sections de l'armée, Trump, les suprémacistes blancs, les inspirateurs idéologiques du tireur d'El Paso.

Les médias israéliens ont déjà noté l'hypocrisie effrontée de Netanyahu qui refuse l'entrée à Mmes Omar et Tlaib lorsqu'il a accueilli avec enthousiasme des antisémites de droite comme le Premier ministre hongrois Victor Orban et le vice-premier ministre italien Matteo Salvini, qui aspire au rôle d'un nouveau Mussolini.

La chaîne des événements a des implications inquiétantes. Le président des États-Unis n'a aucune autorité sur les membres du Congrès, qui, en vertu de la Constitution, est une branche du gouvernement à part égale. Aucun président américain n'a jamais tenté d'empêcher des sénateurs ou des représentants de voyager.

Le mois dernier, Trump a lancé une diatribe contre Mmes Tlaib, Omar et deux autres représentantes, Alexandria Ocasio-Cortez et Ayanna Pressley, les dénonçant comme «socialistes» qui «détestent notre pays». Il a déclaré que tous ceux qui critiquent le gouvernement «peuvent bien partir et bon débarras. S'ils n'aiment pas l'Amérique, dites-leur de la quitter.»

L'attaque contenait la menace que toute personne critiquant la politique de la classe dirigeante américaine devraient être expulsée de force. Trump a maintenant pris des mesures pour interdire à ces mêmes personnes de voyager librement, comme c'est leur droit en vertu du droit international. La prochaine étape pourrait très bien être d'essayer de les empêcher de revenir aux États-Unis.

Quant aux démocrates, ils ont été à peine capables de mobiliser assez d'énergie pour condamner une violation constitutionnelle sans précédent dirigée contre deux de leurs propres représentants au Congrès. La déclaration de la Présidente de la Chambre des Représentants, Pelosi était typique, commençant par une déclaration d'amour pour Israël, et se disant «profondément attristée» par des actions et des déclarations qui étaient «en dessous de la dignité du grand État d'Israël» et «en dessous de la dignité de la Présidence de la République.»

En mars, les démocrates de la chambre ont présenté une résolution condamnant tacitement les remarques d'Omar qui critiquaient Israël et le lobby israélien aux États-Unis, s'opposant à des critiques telles que «accusations d'antisémitisme» et à la capitulation devant la chasse aux sorcières de droite contre une prétendue croissance fabriquée de toutes pièces de «l'antisémitisme de gauche». La Chambre a finalement adopté une version modifiée de la résolution.

L'ignoble New York Times, publication semi-officielle du Parti démocrate, a publié un article d'opinion de Michelle Goldberg le 8 mars, attaquant Omar pour avoir «invoqué» des tropes [lieux communs] antisémites, notamment que «les Juifs utilisent des pouvoirs semi-occultes pour contrôler les événements mondiaux; ils manipulent avec leur argent les infortunés gentils; les Juifs de la diaspora sont infidèles aux pays où ils vivent.»

Cela suit un modèle bien rodé. Dans un épisode après l'autre tout au long de cette année, Trump a défié les normes constitutionnelles, les démocrates s'efforçant à chaque instant de dissimuler l'importance des mesures de plus en plus autoritaires de l'administration.

En décembre, M. Trump a procédé à la fermeture partielle du gouvernement fédéral dans le but de forcer le Congrès à fournir des fonds pour construire son mur le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Lorsque ce chantage a échoué, Trump a conclu un accord pour rouvrir le gouvernement et a rapidement déclaré l'état d'urgence à la frontière, affirmant cela comme base pour transférer des fonds, affectés par le Congrès à d'autres fins, pour payer pour le mur.

Trump a congédié son secrétaire du Département de la sécurité intérieure (DHS) et des fonctionnaires de rang inférieur du DHS parce qu'ils avaient refusé de participer à des rafles de masse dans les communautés d'immigrants. Le DHS et de nombreux autres organismes fédéraux sont dirigés par des fonctionnaires «par intérim» nommés par Trump mais jamais confirmés par le Sénat, ce qui compromet le contrôle législatif prévu par la Constitution.

Les démocrates ont réagi aux attaques fascistes de Trump contre les immigrés en adoptant fin juin un projet de loi frontalière de 4,6 milliards de dollars pour financer les camps de concentration de l'administration, suivi par l'adoption du projet de loi budgétaire de l'administration, qui prévoit un montant record de 738 milliards de dollars pour les forces armées américaines.

L'administration a mis en œuvre un plan provocateur pour faire passer les festivités officielles du 4 juillet à Washington d'une fête non partisane à une cérémonie militariste célébrant son rôle de «commandant en chef». Les démocrates ont répondu en saluant largement le message d'«unité» de Trump dans son discours du 4 juillet, tout en critiquant l'administration pour avoir «politisé» l'armée.

Tout au long des premiers mois de la campagne présidentielle de 2020, M. Trump a suggéré à plusieurs reprises que les élections de 2020 devraient être annulées - en raison de son soutien populaire massif supposé - ou qu'il pourrait briguer un troisième et quatrième mandat à la Maison-Blanche, défiant le 22e amendement à la Constitution qui limite toute présidence à deux mandats de quatre ans.

Trump a clairement décidé de fonder sa stratégie politique sur ces trois thèmes - diffamation raciste des immigrés et des minorités, glorification de l'armée et de la police et diatribes anticommunistes contre le socialisme - lesquelles sont combinées dans un appel nettement fasciste, tant pour la campagne électorale de 2020 que pour la crise politique qui pourrait suivre.

Les actions de l'administration Trump ne proviennent pas seulement de la tête de Donald Trump. Elles sont l'expression de la profonde décadence des formes démocratiques de gouvernement aux États-Unis, provoquée par des inégalités sociales sans précédent et une guerre sans fin. L'opposition ne viendra pas du Parti démocrate, mais de la mobilisation de la classe ouvrière contre lui et contre tout le système capitaliste.

(Article paru en anglais le 16 août 2019)

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