Les travailleurs de l'Ontario ont besoin d'un programme socialiste international pour défendre l'éducation publique et lutter contre l'austérité

Des milliers d'enseignants, élèves et autres travailleurs ont protesté samedi contre les mesures d'austérité brutales que le gouvernement populiste de droite de Doug Ford impose au système d'éducation publique de l'Ontario. Les progressistes-conservateurs suppriment des milliers de postes d'enseignants, augmentent l'effectif des classes, déciment les services de soutien pour les enfants ayant des besoins supplémentaires, suppriment l'aide financière aux étudiants des universités et des collèges (RAFEO), réduisent les fonds destinés aux réparations indispensables des écoles et apportent des changements régressifs aux programmes scolaires.

L'indignation ressentie à l'égard de cette attaque, qui a également été exprimée jeudi dernier lorsque des milliers d'élèves sont sortis dans plus de 700 écoles de la province, est entièrement justifiée et bienvenue. Mais les travailleurs et les jeunes doivent tirer les leçons qui s’imposent pour que leur lutte soit victorieuse.

Premièrement, les libéraux, le Nouveau Parti démocratique et les syndicats ont eux-mêmes été complices de l'imposition de décennies d'austérité et de l'éviscération des droits des travailleurs. Deuxièmement, les travailleurs et les jeunes ne sont pas seulement engagés dans une lutte contre le pseudo Trump, Doug Ford, ou le gouvernement progressiste-conservateur de l'Ontario. En luttant pour défendre l'éducation publique, ils contestent le programme d'austérité et les intérêts prédateurs de l'ensemble de l'élite dirigeante canadienne.

Il s'ensuit qu'une nouvelle stratégie s'impose: une stratégie fondée sur la mobilisation de la force indépendante de la classe ouvrière en Ontario, au Canada et à l'échelle internationale pour la réorganisation socialiste de la vie socio-économique.

Les syndicats qui ont appelé à protester samedi, la Fédération des enseignantes et des enseignants des écoles secondaires de l'Ontario, les autres syndicats d'enseignants de l'Ontario et le Syndicat canadien de la fonction publique, sont profondément hostiles à la mobilisation de la classe ouvrière dans une lutte politique contre la destruction de l'éducation, et le gouvernement Ford. Ils collaborent depuis longtemps étroitement avec l'ancien gouvernement libéral de l'Ontario pour réprimer les grèves des travailleurs, y compris les enseignants, faire accepter les budgets d'austérité et couper dans les avantages sociaux.

Du point de vue des syndicats, la manifestation de samedi est une manœuvre cynique visant à s’associer à la colère et à l'opposition croissante à l'endroit de Ford, afin qu'ils puissent la détourner vers le gouvernement et l'amener sous l'aile des libéraux et des néo-démocrates proaustérité.

Personne ne devrait se laisser berner par cette manœuvre. Depuis que Doug Ford est arrivé au pouvoir en juin dernier avec le plein soutien de la grande entreprise, il a réduit les prestations sociales et la rémunération des heures supplémentaires, annulé une modeste augmentation du salaire minimum, jeté les bases d'une réduction de milliards de dollars dans l'éducation et la santé, criminalisé une grève des assistants des enseignants universitaires et une grève imminente des travailleurs de l’énergie, et menacé de rendre illégale la contestation des enseignants contre sa «réforme de l’éducation». Les syndicats, dirigés par la Fédération du travail de l'Ontario, n'ont pas levé le petit doigt pour s'opposer à ces attaques draconiennes.

Au lieu de cela, le site web de la FTO conseille la patience et, ce faisant, indique clairement que les syndicats s'opposent catégoriquement à la mobilisation de la classe ouvrière pour faire tomber le gouvernement Ford. Les visiteurs du site web de la FTO sont accueillis par un compte à rebours les informant que si les travailleurs attendent un peu plus de trois ans, ils auront la chance d'élire un gouvernement «progressiste» aux prochaines élections provinciales en 2022, c'est-à-dire un autre gouvernement capitaliste de droite, dirigé soit par le NPD soit par les libéraux.

La détermination des syndicats à empêcher la contestation par la classe ouvrière de l'assaut de la guerre des classes par les grandes entreprises et leurs mercenaires politiciens a une longue histoire en Ontario. Au cours des années 1990, lorsque des centaines de milliers de travailleurs se sont mobilisés contre la Révolution du bon sens de droite du dernier gouvernement conservateur provincial, les syndicats ont mis un terme au mouvement pour l'empêcher d'échapper à leur contrôle et de menacer la «légitimité», c'est-à-dire la survie, du gouvernement de Mike Harris.

Entre-temps, les syndicats d'enseignants, Unifor et d'autres se sont alignés ouvertement sur les gouvernements libéraux de Dalton McGuinty et Kathleen Wynne, qui ont ravagé les dépenses publiques, imposé des réductions de salaire aux enseignants, aux travailleurs de la santé et aux autres fonctionnaires, et remis des milliards à l'élite corporative par des réductions fiscales et des subventions.

Au niveau fédéral, les syndicats ont été tout aussi complices de l'application de politiques proaustérité et proguerre. En 2015, ils ont fait la promotion sans vergogne de Justin Trudeau et des libéraux comme une solution «progressiste» à Stephen Harper, avec leur campagne «N’importe qui, sauf les conservateurs ». Unifor et le Congrès du travail du Canada ont établi les liens les plus étroits avec un gouvernement fédéral depuis des décennies, alors même que les libéraux ont élargi la participation de l'impérialisme canadien aux offensives stratégiques militaires américaines partout dans le monde, y compris contre la Russie, la Chine et le Venezuela, ont établi un cap pour augmenter les dépenses militaires de plus de 70 % d'ici 2026, collaboré avec l'administration Trump dans sa chasse aux sorcières anti-immigrants, donné aux organismes de sécurité nationale de nouveaux pouvoirs de surveillance et réprimé les travailleurs avec des lois de retour au travail ou la menace de telles lois, y compris en criminalisant la grève des postes de l'an dernier.

Les politiques anti-travailleurs de Ford et Trudeau sont reproduites par leurs homologues bourgeois dans tous les pays. Aux États-Unis, Trump fait ouvertement appel aux forces fascistes, et les partis d'extrême droite sont en hausse dans toute l'Europe. En France, le président Emmanuel Macron a déployé l'armée avec des ordres l'autorisant à tirer sur les manifestants des Gilets jaunes, dont la colère est alimentée par la montée des inégalités sociales.

En réponse, la classe ouvrière est en train de devenir une force de lutte mondiale. À Matamoros, au Mexique, 70.000 travailleurs se sont rebellés contre les syndicats pro-employeurs lors d'une grève de masse plus tôt cette année et ont lancé un appel au soutien des travailleurs américains et internationaux. En Europe, en plus des Gilets jaunes, il y a eu des grèves massives d'enseignants, d'éducateurs et d'autres sections de travailleurs en Allemagne, en Belgique, en Europe orientale et au Portugal. Une caractéristique centrale de toutes ces luttes, ainsi que de la mobilisation révolutionnaire en Algérie, est qu'elles se développent dans l'opposition – et de plus en plus dans une rébellion explicite contre les appareils syndicaux procapitalistes et leurs alliés dans les partis de «gauche» de l'establishment.

Les syndicats s'opposent avec virulence au développement d'un mouvement ouvrier unifié à l'échelle mondiale et s'emploient systématiquement à diviser les travailleurs, notamment en crachant leur poison du chauvinisme. Depuis que GM a annoncé la fermeture de son usine automobile d'Oshawa en novembre dernier, Unifor a cherché à diviser les travailleurs de l'automobile selon des critères nationaux. Tout en s'opposant à toute grève syndicale contre GM, Unifor, au nom de la défense des emplois «canadiens», a organisé une campagne de boycottage raciste contre les travailleurs mexicains. Le syndicat avait notamment, lors d’un rassemblement nationaliste à Windsor, déguisé quelqu’un avec des vêtements mexicains stéréotypés.

Les enseignants, les travailleurs et les jeunes doivent faire avancer leurs propres initiatives, en partant du principe que leur lutte doit s'orienter consciemment pour joindre leurs forces avec l'offensive internationale croissante de la classe ouvrière.

Pour défendre l'éducation publique de la maternelle à l'université, les travailleurs et les étudiants doivent lancer une lutte politique indépendamment des syndicats et en opposition à l'ensemble de l'establishment politique, y compris les libéraux et le NPD. Ils doivent organiser leurs propres comités de lutte dans les écoles, les universités, les usines, les autres lieux de travail et les quartiers résidentiels pour coordonner les protestations et les grèves, et commencer à préparer une grève politique générale pour faire tomber les gouvernements conservateur de Ford et libéral de Trudeau. Surtout, ils doivent adopter une perspective socialiste et internationaliste pour répondre aux exigences des travailleurs en matière d'éducation de qualité, d'emplois décents et bien rémunérés et d'autres droits sociaux: c’est-à-dire lutter pour un gouvernement ouvrier engagé à placer les principaux leviers économiques de la société sous le contrôle démocratique des travailleurs afin qu'ils puissent être utilisés pour répondre aux besoins sociaux et non pour servir l'enrichissement privé.

(Article paru en anglais le 6 avril 2019)

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