Les Algériens de France se mobilisent par solidarité avec les grèves en Algérie

Alors que les jeunes et de larges sections de la classe ouvrière font grève contre le régime algérien, à travers le monde des Algériens se mobilisent pour témoigner de leur solidarité. Dimanche, des manifestations se sont déroulées à nouveau à Paris et à Marseille, alors que la semaine dernière une autre manifestation s’était déroulée à Montréal, au Québec.

Les reporters du WSWS ont interviewé des manifestants à Paris, où 10.000 personnes s’étaient rassemblées place de la République. Ils exigeaient non seulement que le président Abdelaziz Bouteflika renonce à un 5e mandat, mais aussi le renversement du régime algérien et une profonde transformation sociale. Presque 60 ans après que la guerre d’Algérie a mis fin au régime colonial français en 1962, et qu’un régime capitaliste algérien installé au pouvoir a promis d’instaurer le socialisme, la faillite de ces promesses se fait très largement sentir.

vue sur la manifestation parisienne depuis la statue de la République

Le WSWS a interviewé Ali, un ingénieur à Bouygues, qui a expliqué: «On est tous là, tous les Algériens sont mobilisés aujourd’hui en fait contre le régime, contre le système qui contrôle en fait l’Algérie depuis plus de cinquante ans. En fait on n’est pas seulement contre le cinquième mandat, mais on est contre le système, le régime. … Aujourd’hui on est français, on est algériens aussi, on restera toujours algériens et français, on est là pour donner notre soutien au peuple algérien.»

Ali a souligné que les grèves et les mobilisations en Algérie, comme les mobilisations des «gilets jaunes» en France, faisaient partie d’un réveil international des travailleurs: «On sait très bien que tous les régimes actuels sont des régimes qui essayent d’enrichir les riches et d’appauvrir les gens pauvres.»

Il a ajouté, «On sait très bien qu’il y a des Français aujourd’hui qui n’arrivent pas à vivre avec le SMIC ou avec leurs retraites. Donc il faut penser à tout le monde et être ensemble dans cette lutte contre les régimes actuels.»

Ali a aussi souligné la vaste déception des masses avec le régimé du Front de libération national (FLN) en Algérie: «Malheureusement, au fil de la guerre, il y avait des éliminations, des assassinats, et c’est clair qu’après l’indépendance il ne restait que des gens corrompus. Ça a commencé avec Ben Bella et Boumédiène, ils étaient des gens qui aimaient l’Algérie mais pour moi, c’étaient des dictateurs en fait. Donc voilà, depuis 1962, on est toujours dans le chaos et jusqu’à aujourd’hui, on n’arrive pas à construire un pays. … On va essayer de recommencer à zéro parce que pour le moment, rien n’a été construit depuis l’indépendance.»

Le WSWS a aussi interviewé Samir, un travailleur algérien à Paris. Il a expliqué, «Aujourd’hui je suis là pour soutenir mes frères algériens dans leur lutte contre ce système corrompu: Bouteflika et son parti, le FLN. On aimerait voir déraciner complètement ce système, parce que le problème au fond ce n’est pas Bouteflika, le problème c’est le système Bouteflika.»

Samir a souligné que le pouvoir foule systématiquement aux pieds des intérêts des travailleurs en Algérie. Interrogé pour savoir si les syndicats algériens protègent les salariés, il a répondu: «Non, non, surtout il y a des corrompus. … Ce système est ancré en France où le peuple français ne se sent pas représenté par les syndicats, en Algérie aussi, avec un niveau plus élevé de sentiment de non-reconnaissance par rapport aux syndicats. C’est quelque chose qu’on connaît en France, c’est similaire en Algérie mais on va dire à un degré plus elevé.»

La France doit lever sa tutelle sur l’Algérie

Samir a également marqué ses distances envers le Parti des travailleurs (PT): «Sincèrement, je ne l’ai jamais porté dans mon coeur, vu son leader Louisa Hanoune en particulier. Voilà, ce parti, ils avaient, ils ont des valeurs bien humaines pour le travailleur soit protégé. Mais dans la réalité, non, il n’y a rien derrière en fait. En fait, le PT c’est une coquille vide.»

Nafi, un entrepreneur algérien, a dit au WSWS qu’il était là pour faire appel aux Français pour s’opposer aux tentatives du gouvernement Macron d’apporter son soutien au régime Bouteflika.

Le régime, a-t-il dit, «a le soutien de la France et de beaucoup de peuples européens. Moi, à mon tour je demande au peuple français de regarder ce sujet, de regarder les accords d’Évian et ils vont comprendre que le système français a fait beaucoup de choses mauvaises. Et le peuple français est un peuple merveilleux, extraordinaire, qui n’a pas à accepter des choses faites en secret en son nom.»

Il a conclu, «Alors je demande à tous ceux qui sont en France de faire pression sur le pouvoir français de ne pas soutenir Bouteflika et de se tenir dans le futur dans notre combat commun, Algériens et Français.»

Le WSWS a également interviewé Aquila, qui a dit: «Je suis algérienne, je vis en France, mais ma présence ici c’est pour dire au peuple algérien que nous sommes avec vous. Nous soutenons vos revendications d’un pouvoir propre, d’un pouvoir qui enfin réponde aux aspirations du peuple algérien de justice, de démocratie, et d’égalité pour tous les citoyens algériens. Nous sommes ici pur dire avec le peuple algérien, qui s’est soulevé comme un seul homme, qu’il faut que ce pouvoir qui a affamé les Algériens, qui a pillé le pays depuis maintenant plus de vingt ans, qu’il parte et qu’il laisse la place aux jeunes Algériens.»

Aquila a souligné sa pensée pour les réfugiés qui meurent en mer après avoir fui l’Algérie: «Dans les manifestations algériennes, on dit on ne veut pas partir, on ne veut pas mourir sur les bateaux en Méditerranée. Ce qu’on veut, c’est vivre dans notre pays, mais dignement.»

Elle a ajouté que le pouvoir algérien «qui est là depuis 20 ans n’a fait que détruire le pays. Ils ont pillé le pays et ils se sont servis. Ils ont tous des comptes en banque à l’étranger, et les Algériens vivent dans la misère la plus totale. Nos jeunes n’ont pas de travail, nos jeunes n’ont pas de formation. Leurs enfants sont dans les plus grandes universités européennes et américaines, et les enfants algériens n’ont aucune perspective à 20 ans.»

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