Un juge fédéral a ordonné à Chelsea Manning d’aller en prison vendredi matin pour une période indéterminée. L’ancienne soldat a déjà purgé une peine de prison pendant sept ans pour avoir fourni des informations à WikiLeaks qui exposent des crimes de guerre américains en Irak et en Afghanistan. Manning doit subir ce nouvel emprisonnement parce qu’elle a refusé par principe de répondre à toute question devant un grand jury secret qui enquêtait sur l’organisation média et son fondateur Julian Assange.
«Le Parti de l’égalité socialiste condamne sans équivoque la persécution vindicative et criminelle de Chelsea Manning par le gouvernement américain», a déclaré Joseph Kishore, secrétaire national du Parti de l’égalité socialiste (SEP) aux États-Unis.
«Chelsea a subi l’isolement, la maltraitance et la torture, et plus de six ans d’emprisonnement pour avoir fait connaître la vérité à la population américaine et mondiale. Hier, elle a une fois de plus tenu ferme au principe démocratique fondamental et a refusé d’aider l’Administration Trump dans sa vendetta pour incriminer faussement WikiLeaks et Julian Assange. C’est une figure héroïque et elle doit être défendue».
«Les travailleurs du monde entier n’oublieront jamais la révélation courageuse par Chelsea des crimes de l’impérialisme américain, et il lui en a couté beaucoup. Au milieu d’une vague de grève mondiale croissante, le Parti de l’égalité socialiste fera tout ce qui est en son pouvoir pour mobiliser la classe ouvrière pour défendre Chelsea et libérer Julian Assange et tous les autres prisonniers de la guerre de classe.»
Les sections du Parti de l’égalité socialiste (SEP) au Royaume-Uni et en Australie participent aux rassemblements le dimanche 10 mars à l’ambassade de l’Équateur à Londres et à la bibliothèque d’État de Melbourne, qui ont été convoqués le mois dernier pour s’opposer au maintien en détention de Julian Assange à l’ambassade de Londres, et demander au gouvernement australien d’intervenir en son nom et obtenir sa libération de Grande-Bretagne avec le droit de rentrer en Australie. Les manifestations exigeront la libération immédiate de Manning, inséparable de la lutte pour la libération d’Assange.
James Cogan, secrétaire national du SEP en Australie, a fait la déclaration suivante vendredi:
«L’emprisonnement de Chelsea Manning par l’Administration Trump pour avoir refusé de donner un faux témoignage contre WikiLeaks et Julian Assange est un outrage. Elle a souffert plus qu’assez pour son courage et son service à la vérité. La démocratie américaine se roule dans le caniveau et s’enfonce rapidement dans les égouts de la dictature.»
«La classe ouvrière partout dans le monde doit se porter à la défense de Chelsea et exiger la libération immédiate d’Assange et de tous les prisonniers de guerre de classe persécutés. Le SEP en Australie redoublera d’efforts pour assurer le retour immédiat de Julian dans ce pays avec une protection totale.»
«Et nous nous joindrons à toute l’action internationale pour lutter pour la restauration immédiate de la liberté de Chelsea Manning.»
La brève audience devant le juge Claude M’Hilton a été la seule partie de la procédure judiciaire concernant Manning qui était ouverte au public. Hilton a rejeté l’argument des avocats de Manning selon lequel l’assigner à résidence répondrait mieux à ses besoins médicaux. Elle a subi une chirurgie de changement de sexe et a besoin de soins médicaux complexes. Hilton a dit que le US Marshals Service fournirait des soins adéquats.
«Je vous ai reconnu coupable d’outrage», a déclaré Hilton. Il a ordonné à Manning d’aller en prison immédiatement. L’emprisonnement qui aura lieu dans un établissement fédéral d’Alexandrie, en Virginie, se poursuivrait indéfiniment. Il a ajouté que la durée sera: «soit jusqu’à ce que vous vous purgiez [acceptez de témoigner] soit jusqu’à la fin de la vie du grand jury.»
On a établi le grand jury afin de porter des accusations d’espionnage et de conspiration contre Julian Assange et WikiLeaks. Manning a révélé que les questions auxquelles elle avait refusé de répondre jeudi concernaient toutes son interaction avec l’organisation. WikiLeaks reçoit les documents qui lui sont remis anonymement et évite d’apprendre l’identité des contributeurs afin de ne pas compromettre leur sécurité.
Manning a fourni à WikiLeaks plus de 500.000 documents. Elle les a copiés à partir d’archives militaires et gouvernementales alors qu’elle était analyste du renseignement en Irak pendant une des périodes les plus violentes de l’occupation militaire américaine, en 2005-2006. Le matériel a montré de nombreux crimes de guerre en Irak et en Afghanistan. Cela comprenait notamment la fameuse vidéo d’un hélicoptère américain qui tuait des civils irakiens non armés, dont deux journalistes de Reuters, publiée plus tard par WikiLeaks sous le titre Collaterial Murder.
Le juge a reconnu Manning coupable lors d’un procès en 2013 et la condamnée à 35 ans de prison. Elle avait purgé sept ans de sa peine au total quand le Président Barack Obama l’a commuté trois jours avant son départ.
Les procureurs fédéraux ont assigné Manning à témoigner devant le grand jury et lui ont accordé l’immunité pour son témoignage, dans l’espoir de l’utiliser contre Assange et WikiLeaks. Mais Manning a refusé par principe de collaborer avec ce grand jury secret. Elle a répondu à chaque question qu’on lui a posée par l’invocation de ses droits en vertu des premier, quatrième et sixième amendement à la Constitution américaine.
«Toutes les questions de fond portaient sur mes divulgations d’information au public en 2010. C’était des réponses que j’ai fournies dans le cadre d’un long témoignage, lors de mon passage en cour martiale en 2013», a-t-elle dit.
Une déclaration publiée par Manning après son arrivée en prison indique:
«Je ne me soumettrai ni à cela ni à aucun autre grand jury. Le fait de m’emprisonner pour mon refus de répondre à des questions ne fait que me soumettre à une punition supplémentaire pour mes objections éthiques répétées au système du grand jury.»
«Les questions du grand jury portaient sur des révélations d’il y a neuf ans et ont eu lieu six ans après un procès d’informatique légale approfondie. J’ai témoigné devant ce grand jury pendant presque une journée entière sur ces événements. Je m’en tiens à mon précédent témoignage public.»
La déclaration se termine par la déclaration courageuse de Manning. La déclaration fait savoir qu’elle: «ne participera pas à un processus secret auquel je m’oppose moralement. En particulier, il s’agit d’un processus qu’on a utilisé historiquement pour piéger et persécuter des militants pour des discours politiques protégés» [par la Constitution américaine].
L’avocate de Manning, Moira Meltzer-Cohen, a déclaré au World Socialist Web Site après la décision: «Les actions de Chelsea parlent d’elles-mêmes. C’est une personne d’un honneur et d’un courage extraordinaires, et cette dernière lutte n’est que la plus récente d’une longue série de positions de principe qu’elle a prises.»
Interrogée sur son inquiétude quant aux conditions de détention de Chelsea, Meltzer-Cohen a déclaré que le gouvernement avait donné l’assurance que ses besoins en matière de santé seraient satisfaits, mais que «nous devons tous veiller à ce que ces assurances soient respectées».
Les avocats de Manning ont déclaré qu’ils introduiront un recours contre l’ordre de Hilton d’emprisonner Chelsea, citant en particulier le fait que l’emprisonnement pour refus de témoigner ne peut être que coercitif, pas punitif. En d’autres termes, s’ils peuvent démontrer que Manning n’acceptera jamais de témoigner, peu importe la durée de sa détention, le tribunal ne peut pas simplement la garder en prison pour la punir de son silence.
L’emprisonnement de Chelsea Manning est une attaque particulièrement scandaleuse contre les droits démocratiques. Cette attaque est perpétrée par un juge fédéral qui est synonyme de parti pris réactionnaire pro-gouvernemental, pro-police et pro-employeur, et un collaborateur de longue date de l’État sécuritaire national.
Hilton était l’un des rares juges fédéraux choisis par le juge en chef William Rehnquist pour siéger à au Tribunal créé dans le cadre de la loi Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA) sur la surveillance du renseignement étranger. L’État a créé le tribunal FISA pour qu’il puisse approuver secrètement les demandes d’autorisation d’espionnage pour le FBI, la CIA, la NSA et autres agences de renseignement. Le tribunal est connu pour avoir approuvé 99,9 pour cent de ces demandes. Hilton a fait partie du groupe d’experts de 2000 à 2007. Pendant cette période l’Administration Bush a établi des camps de torture secrets de la CIA et a considérablement intensifié l’espionnage de la NSA sur les télécommunications et l’Internet.
Nommé à la magistrature par Ronald Reagan en 1985, Hilton a prouvé sa valeur à l’appareil du renseignement militaire au début de sa carrière. Hilton a rendu une décision en 1989 qui a blanchi l’agent de la CIA Joseph Fernandez. Fernandez se trouvait face à quatre chefs d’accusation dans l’affaire Iran-Contra après que la CIA a refusé de communiquer les documents requis pour la poursuite du dossier. En effet, l’appareil du renseignement a assuré l’impunité de ses propres opérations criminelles. La CIA tout simplement refusait de coopérer à l’enquête de l’avocat spécial Lawrence Walsh, une esquive judiciaire approuvée par le juge Hilton.
Le site Web «The Robing Room» permet aux avocats et aux plaideurs qui comparaissent devant les juges fédéraux d’évaluer leur comportement, leurs connaissances juridiques et leurs préjugés. Selon «The Robing Room», Hilton incorpore régulièrement des mémoires judiciaires des procureurs et du gouvernement dans ses «opinions» juridiques. Il ne tranche presque jamais en faveur des personnes qui poursuivent leur employeur, la police ou le gouvernement. De surcroît, il dort souvent pendant les plaidoiries des avocats de la défense.
Un avocat, qui intervient sur le site, a qualifié Hilton, de «juge le plus partial à l’égard des citoyens américains à revenu moyen et inférieur à la moyenne que j’ai jamais observé. Ce juge n’a aucun sens de la recherche de la Vérité et de la Justice. Il évite clairement toute recherche raisonnable de la Vérité et de la Justice – surtout si une grande entreprise ou le gouvernement fédéral est l’accusé!»
Le SEP aux États-Unis et son mouvement de jeunesse, l'«International Youth and Students for Social Equality» (IYSSE – l’internationale des jeunes et des étudiants pour l’égalité sociale) annonceront une série de réunions et de manifestations pour exiger la libération immédiate de Chelsea Manning. Le site Web socialiste mondial invite tous ses lecteurs et sympathisants à s’inscrire à notre liste d’envoi pour obtenir des annonces de réunions et des mises à jour sur la campagne pour libérer Chelsea.
(Article paru d’abord en anglais le 9 mars 2019)