L'arrêt partiel des activités du gouvernement américain (shutdown) dure depuis cinq semaines sans qu’une solution soit en vue. Quelque 800 000 travailleurs fédéraux font face à leur deuxième fin de mois sans salaire.
Environ 500 000 travailleurs sont contraints de travailler sans rémunération, tandis que 300 000 autres ont été mis à pied dans le plus grand lock-out de l'histoire des États-Unis. Des centaines de milliers de familles sont plongées dans une crise, incapables de payer leurs loyers ou leurs traites, de payer les soins médicaux ou d’avoir des repas nutritifs. Ils sont pris en otage dans un sale conflit politique entre différentes factions de la classe dirigeante à Washington, toute aussi réactionnaire l’une que l’autre.
Donald Trump utilise l’arrêt du financement d’un quart des ministères et organismes fédéraux pour forcer les démocrates à accéder à sa demande d'un mur frontalier entre les États-Unis et le Mexique et d'autres attaques anti-démocratiques et illégales à l'encontre des migrants. Les démocrates se donnent des airs d’opposants au mur tout en offrant des milliards de dollars supplémentaires pour militariser la frontière, en soutenant tacitement le déploiement de troupes de Trump à la frontière et l’augmentation du nombre de centres de détention pour les demandeurs d'asile et les réfugiés.
La colère des employés du gouvernement monte. La Transportation Security Administration (TSA) a annoncé lundi que 10 pour cent des contrôleurs de bagages étaient absents dimanche, contre 3 pour cent à peine il y a un an. L'augmentation du nombre d’arrêts-maladie est une mesure de la résistance des travailleurs et de leur désir de riposter.
Même une partie des médias institutionnels ont spéculé sur l'éventualité d’arrêts maladie de masse ou d'une grève des travailleurs de la TSA paralysant les voyages aériens aux États-Unis et obligeant à arrêter le « shutdown ». Mais un groupe est resté silencieux sur toute action indépendante par les employés du gouvernement – les syndicats.
Au lieu d'organiser une lutte, les syndicats demandent aux travailleurs de solliciter les œuvres de charité et d'obtenir des prêts en attendant une fin du « shutdown » à des conditions dictées par les deux partis de la grande entreprise.
Le plus grand syndicat d'employés fédéraux, la Fédération américaine des employés du gouvernement (AFGE), a publié sur son site Web des informations disant aux travailleurs comment ils peuvent faire appel à leur banque « pour aider à atténuer le coup » de ne pas être payé. Il offre une subvention unique insultante de 300 dollars, à des membres éligibles, et incite les travailleurs à souscrire une avance de fonds sans intérêt de 500 dollars auprès de l'agence de paiement en ligne PayPal.
Le Syndicat national des employés du Trésor et l'AFL-CIO proposent aux membres le même gendre d’offres dérisoires.
Les syndicats ont demandé aux travailleurs de faire appel aux démocrates et au dirigeant de la majorité républicaine du Sénat, Mitch McConnell. Ils les ont exhorté à appeler leurs députés et leurs dirigeants syndicaux avec des slogans idiots du genre, « Mitch, fais ton travail! » lors de petits rassemblements organisés ça et là dans le pays, auxquels ils ont présenté des démocrates posant en « amis » des travailleurs.
Le refus des syndicats d'organiser toute action indépendante des travailleurs montre le caractère objectif et le rôle de ces organisations en tant qu'agences de la classe dirigeante et du gouvernement pour la répression de la classe ouvrière.
Leur coups de poignards dans le dos des employés gouvernementaux n’est en rien une exception. C'est le rôle que jouent les syndicats à l'égard de toutes les couches de la classe ouvrière.
En Californie, le syndicat United Teachers Los Angeles tente de faire passer en force un accord salarial au rabais et de mettre fin à la grève des enseignants sans qu'aucune de leurs revendications essentielles ne soit satisfaite. La Fédération américaine des Enseignants et l’ Association nationale de l’Éducation ont mis fin aux grèves des enseignants l'an dernier en Virginie occidentale, en Oklahoma et en Arizona, après avoir pris le contrôle de grèves par les enseignants de la base à l’échelle des États, qui avaient utilisé les médias sociaux pour briser l'opposition des syndicats à toute résistance organisée.
Le syndicat UAW de l’automobile cherche à empêcher toute résistance des travailleurs contre les projets de GM visant à fermer des usines et à licencier 15 000 travailleurs aux États-Unis et au Canada. L'année dernière, le syndicat des Teamsters a ignoré le vote «non» des travailleurs de la base chez UPS et a imposé un accord pourri revenant sur leurs acquis.
Se présentant devant la Cour suprême dans l'affaire Janus en 2017, l'avocat des syndicats à sollicité la compréhension des représentants en toge de la classe dirigeante en déclarant sans ambages: «La sécurité assurée des syndicats est la contrepartie pour éviter des grèves. »
C'est là la reconnaissance par une source sûre que le rôle essentiel des syndicats aujourd'hui est de réprimer la lutte des classes et de contrôler la classe ouvrière pour les chefs d'entreprise.
Ce rôle anti-classe ouvrière découle inexorablement de leur nationalisme et de la défense du capitalisme. Le soutien des syndicats à la guerre commerciale et à la promotion de la xénophobie – en disant aux travailleurs américains que leur ennemi n'est pas le capitalisme mais leurs collègues au Mexique, en Chine et dans d'autres pays – est essentiel à leur tâche qui est d'étouffer l'opposition de la classe ouvrière et de subordonner les travailleurs à « leur » classe dirigeante nationale.
Les syndicats ne sont pas des organisations ouvrières, mais des entités commerciales dirigées par des fonctionnaires dont les salaires à six chiffres les placent dans les 5 pour cent les plus élevés des revenus. Ils prélèvent les cotisations du salaire des travailleurs et dirigent l'argent vers les caisses du Parti démocrate.
Le président de l'AFGE, J. David Cox, a perçu une rémunération totale de près de 300 000 dollars en 2015, soit environ dix fois le salaire d'un travailleur débutant chez TSA. Durant le cycle électoral de 2016, son syndicat a donné plus d'un million de dollars aux démocrates.
Les syndicats sont aidés dans la répression de la lutte de classe par leurs relais dans les organisations pseudo de gauche comme l'Organisation internationale socialiste (ISO). Un article sur le lock-out du gouvernement publié lundi sur le site Web de l'ISO n'a pas lancé d'appel à une action revendicative, s'alignant sur les dirigeants syndicaux et contre les travailleurs. Son intervention pathétique relative à la vague croissante d’arrêts de maladie des travailleurs de la TSA se résumait à la phrase : « Cela (les absences de maladie) pourrait-il être organisé de façon coordonnée ? »
L'afflux de soutien pour les employés du gouvernement des travailleurs de tout le pays et à l'international montre le potentiel puissant qui existe pour mobiliser cet état d’esprit dans une offensive politique et sociale de masse. Mais la dernière chose que veulent le Parti démocrate et ses adjoints des syndicats et de la pseudo-gauche est un véritable mouvement social contre Trump qui poserait la question de savoir qui devrait gouverner la société: une ultra-riche minorité d’oligarques ou la classe ouvrière majoritaire. Une résolution du « shutdown » laissée aux mains de la classe dirigeante se traduira par des attaques plus profondes encore du niveau de vie des travailleurs.
La logique de la situation montre clairement la nécessité urgente pour la classe ouvrière de rompre avec les syndicats. La lutte des travailleurs fédéraux américains fait partie d'une lutte internationale croissante de la classe ouvrière, animée par la crise du système capitaliste et la croissance colossale de l'inégalité sociale. Cette résurgence de la lutte de classe prend la forme d'une rébellion contre les anciennes organisations bureaucratiques qui ont réprimé la classe ouvrière pendant des décennies et aidé la classe dirigeante à faire baisser les salaires et le niveau de vie.
Les manifestations des Gilets jaunes en France, la grève de 70 000 travailleurs des maquiladoras à Matamoros, au Mexique, et les rébellions des enseignants de 2018 ont montré de manière décisive que les travailleurs ne peuvent entreprendre des actions sérieuses que s'ils se mobilisent indépendamment des syndicats et en opposition à eux.
Les employés du gouvernement devraient former des comités de base élus démocratiquement et indépendants des syndicats. Ces comités devraient coordonner leurs activités avec les employés fédéraux de tout le pays et s’unir avec d’autres groupes de travailleurs en lutte aux États-Unis et dans le monde, y compris les enseignants de Los Angeles, Oakland, Denver et de Virginie; les travailleurs d'UPS et d'Amazon; les travailleurs de l'automobile aux États-Unis, au Canada et au Mexique; et les manifestants Gilets jaunes en France.
Cela jettera les bases de manifestations et de grèves de masse dans le cadre d'une mobilisation politique contre les deux partis de la grande entreprise et d'une lutte pour le socialisme.
(Article original en anglais du 23 janvier 2019)