La plus longue fermeture partielle du gouvernement fédéral de l’histoire américaine entre dans son deuxième mois sans aucun signe d’un accord imminent entre le président Républicain Donald Trump et les Démocrates du Congrès sur le financement d’un mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.
Les démocrates ont rejeté une proposition de Trump au cours du week-end de prolonger la protection temporaire de certains immigrés sans papiers en échange d’un financement pour renforcer la sécurité à la frontière, y compris un mur. Trump a menacé de déclarer l’état d’urgence national et de déployer les militaires pour construire le mur s’il ne parvient pas à un accord avec les démocrates, qui contrôlent une majorité à la Chambre des représentants.
Des signes croissants de détresse financière paraissent parmi les 500 000 employés fédéraux forcés de travailler sans rémunération et les 300 000 qui se trouvent en congés sans solde. En l’absence d’une résolution d’ici jeudi, 800 000 employés fédéraux et environ 500 000 employés sous contrats de droit privé ne recevront pas leur deuxième chèque de paie complet.
Partout au pays, des services de garde-manger gratuits ont lancé des appels spéciaux pour obtenir des dons destinés spécifiquement aux employés fédéraux et ont organisé des événements spéciaux pour livrer des provisions alimentaires. Un restaurant mis sur pied par la l’association World Central Kitchen pour servir des repas gratuits aux employés fédéraux à Washington DC, a servi près de 10 000 repas au cours de ses deux premiers jours d’activité la semaine dernière. Les employés fédéraux d’Atlanta ont fait la queue dans leur voiture vendredi pour recevoir 18 000 kilos de poulet et de légumes congelés de la banque alimentaire de la commune d’Atlanta (Atlanta Community Food Bank). Ailleurs dans le pays, la Banque alimentaire d’Hawaii prévoit de distribuer cette semaine 300 sacs alimentaires à l’Administration sécuritaire de transport (TSA) et à d’autres travailleurs fédéraux dans l’État des îles du Pacifique.
Depuis le début de la fermeture, des employés fédéraux ont lancé plus de 1500 campagnes de type GoFundMe afin de recevoir des dons pour couvrir le coût du loyer, de la nourriture et des frais médicaux. 78 pour cent des Américains doivent dépenser tout leur salaire chaque mois pour pouvoir vivre. Donc, un nombre croissant d’employés fédéraux non payés se tournent vers les prêteurs sur gages et les prêteurs à taux d’intérêt extrêmement élevé afin d’obtenir des liquidités pour couvrir leurs factures. De telles mesures palliatives ne suffiront pas pour beaucoup d’entre eux pour éviter d’être expulsés de chez eux si la fermeture se poursuit encore longtemps.
Maintenant, des signes croissants d’opposition se manifestent, en particulier parmi les agents de sécurité des aéroports de la TSA qui sont forcés de travailler sans solde, déjà parmi les employés fédéraux les moins bien payés, avec un salaire initial moyen de seulement 32 000 dollars par an. Le pourcentage de travailleurs de la TSA prenant des absences imprévues a atteint 8 pour cent le samedi, contre seulement 3 pour cent l’année dernière. Dans un communiqué publié par la TSA, de nombreux travailleurs signalent que des restrictions financières les ont empêchés de se rendre au travail.
Le nombre croissant d’absences a entraîné la fermeture samedi d’un des trois points de contrôle à l’aéroport de BWI Marshall à Baltimore. Cette décision fait suite à la fermeture des points de contrôle la semaine dernière aux aéroports de : Miami, Houston, Dulles-Washington D.C., et Hartsfield-Jackson à Atlanta, l’aéroport le plus fréquenté du monde.
Le va-et-vient incessant entre Trump et les démocrates a révélé les niveaux grotesques de cynisme et d’hypocrisie des deux côtés.
Samedi, les démocrates ont immédiatement rejeté la proposition de Trump d’accorder un sursis de trois ans à 700 000 enfants immigrés, emmenés par leurs parents aux États-Unis sans les documents requis, qui étaient couverts par le programme DACA, et à 300 000 immigrants protégés contre la déportation par un Statut temporaire protégé (TPS), en échange de 5,7 milliards de dollars en financement pour le mur frontière.
L’offre n’était pas en fait un « compromis », puisque Trump lui-même est responsable de l’annulation du DACA et du TPS que sa proposition n’annulerait que temporairement. Il l’avait fait par décret afin d’obtenir un financement du Congrès pour un mur permanent dès le départ.
Trump s’est servi de ses remarques dans la salle de réception diplomatique de la Maison-Blanche pour lancer un nouvel appel fasciste à sa base de droite, qualifiant les immigrants de « criminels, de trafiquants de drogue, de gangs et de trafiquants ». Il a également attaqué les démocrates comme « la gauche radicale » en s’exclamant qu’ils « ne peuvent jamais contrôler notre frontière. Je ne laisserai jamais cela arriver ».
Contredisant sa propre prétention ridicule selon laquelle les démocrates seraient des radicaux de gauche qui réclament l’ouverture des frontières, Trump a noté qu’ils avaient déjà présenté bon nombre de ses propositions pour la sécurité des frontières et que « toutes ont été soutenues par les démocrates dans le passé, y compris une barrière physique, un mur ou une clôture ».
Aucune divergence de principe ou sérieuse ne sépare les démocrates et les républicains au sujet de la politique d’immigration, et encore moins entre les démocrates et les républicains. Le New York Times a rapporté vendredi que les démocrates de la Chambre des représentants ajouteront 1 milliard de dollars supplémentaires pour la prétendue « sécurité frontalière » dans l’ensemble des projets de loi qui rouvriraient le gouvernement fédéral, sauf pour le Département de la sécurité intérieure (DHS). Ces nouveaux fonds serviraient à financer de nouvelles infrastructures aux points d’entrée et un plus grand nombre de juges de l’immigration pour accélérer les expulsions.
Un financement distinct de 1,3 milliard de dollars pour le DHS, proposé par les démocrates à la Chambre, permettrait d’augmenter le nombre de gardes et de technologies à la frontière.
« Les gens veulent s’assurer que les démocrates défendent la sécurité à la frontière et qu’ils ne permettent pas au président de déterminer la façon dont nous en parlons », a déclaré au Times le représentant démocrate Ro Khanna de Californie. « On ne peut pas céder à sa vision d’un mur, à cause de tout ce qu’il représente, mais on veut aussi montrer qu’on est pour quelque chose ».
Les sénateurs Kirsten Gillibrand, de New York, et Mark Warner, de Virginie, ont répété le mantra du Parti démocrate selon lequel ils appuient pleinement le renforcement de la sécurité frontalière – un euphémisme qui indique plus : de police des frontières, de matériel militaire, de prisons, de souffrance et de mort aux frontières et dans les camps de détention.
Gillibrand, qui a annoncé sa candidature à la présidence pour 2020 la semaine dernière, a déclaré à l’émission « Cette Semaine » (This Week) d’ABC que « l’idée d’un mur de Trump est inefficace et ne va pas nous rendre plus sûrs. Je soutiendrai la sécurité à la frontière. J’appuierai les investissements afin de rendre notre pays plus fort et plus sûr. Tous les démocrates se soucient de la sécurité nationale et de la sécurité des frontières ». À l’émission « Rencontrer la presse » (Meet the Press) de NBC, Warner a déclaré que la proposition de Trump pendant le week-end était « un point de départ ».
Gillibrand et Warner, lorsqu’on leur a demandé à bout portant s’ils accepteraient de financer un mur, ont évité de donner une réponse et ont discuté de la question. Warner a souligné que les démocrates vont négocier, mais seulement après que Trump aura mis fin à la fermeture.
Gillibrand dans « Cette Semaine » s’est vanté que les démocrates avaient accepté l’année dernière de donner à Trump tout l’argent qu’il voulait pour « commencer à faire les choses [qu’il voulait] faire » à la frontière en échange du statut légal des bénéficiaires du DACA.
Un troisième démocrate de premier plan, Bennie Thompson, le président de la commission de la sécurité intérieure de la Chambre des représentants, a été moins évasif. Il a déclaré sans ambages que les Démocrates avaient soutenu à maintes reprises par le passé une « barrière physique » le long de la frontière américano-mexicaine, et qu’ils le feraient à nouveau à l’avenir. « Je n’exclurais pas la possibilité d’un mur dans certaines circonstances », a-t-il dit à l’émission « Cette Semaine » sur ABC.
Les deux camps dans la guerre politique à Washington sont réactionnaires et antidémocratiques. Les Démocrates et les Républicains font appel à différentes factions au sein de l’armée pour obtenir leur soutien. Les factions anti-Trump, dirigées politiquement par les Démocrates, utilisent les méthodes antidémocratiques d’une révolution de palais et cherchent à attiser l’hystérie maccarthyste contre Moscou et les « fausses nouvelles » pour justifier la censure et préparer le terrain pour la guerre contre la Russie.
Les deux côtés utilisent la classe ouvrière comme pion dans cette lutte. Trump et les Démocrates menacent les moyens d’existence de millions de personnes par la fermeture de l’usine et l’agression de Trump contre les immigrants. Au même temps, on craint de plus en plus une éruption de travailleurs fédéraux. S’ils font grève, ils se joindraient aux enseignants en grève à Los Angeles, aux travailleurs des maquiladoras en grève à Matamoros, au Mexique, et aux travailleurs de l’automobile qui s’organisent pour faire cesser la fermeture des usines GM aux États-Unis et au Canada.
Malgré l’impact évident que pourrait avoir l’action des travailleurs de la TSA et des contrôleurs aériens sur la fermeture des voyages aériens, les syndicats fédéraux et l’AFL-CIO ont gardé le silence absolu. Les syndicats cherchent à empêcher la classe ouvrière de dépasser les limites fixées par le Parti démocratique et l’élite au pouvoir dans son ensemble.
(Article paru d’abord en anglais le 21 janvier 2019)