Perspective

Mobiliser la classe ouvrière contre la fermeture du gouvernement américain

La fermeture partielle du gouvernement fédéral est une attaque majeure contre la classe ouvrière par l’Administration Trump. Plus de 400 000 travailleurs fédéraux sont effectivement en lock-out, en congé sans solde. En outre, 400 000 autres personnes sont astreintes au travail obligatoire non rémunéré, en violation du treizième amendement à la Constitution, qui abolit l’esclavage et les autres formes de servitude involontaire.

La fermeture expose la fraude de la prétendue sympathie de Trump pour le sort des travailleurs américains. Elle touche des couches de plus en plus larges de la classe ouvrière et de la classe moyenne inférieure, avec le plus grand effet sur les couches les plus pauvres de la population : des millions de bénéficiaires de coupons alimentaires, quelque deux millions d’Amérindiens, dont les services tribaux sont largement financés par le Ministère de l’intérieur, et des millions d’autres qui dépendent pour leur subsistance d’autres formes de soutien gouvernemental.

La population dans son ensemble est touchée par les retards dans les remboursements d’impôt sur le revenu et d’autres allocations fédérales, par l’interruption des voyages aériens en raison des jours de travaille sans solde qui poussent les contrôleurs de la circulation aérienne et les agents de sécurité à quitter leur emploi, et par la perte de nombreux autres services et des installations.

Ce qui est encore plus inquiétant, c’est la menace pour la démocratie que représente la déclaration de Trump selon laquelle, en tant que président, il a le pouvoir de déclarer une urgence nationale et d’ordonner aux militaires de construire un mur le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique en utilisant des fonds du Pentagone, au mépris du Congrès. Trump a réitéré la menace le dimanche matin, disant qu’il déciderait « dans quelques jours » s’il devait prendre cette mesure drastique.

La Présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a admis, dans un entretien diffusé dimanche matin, que « l’impression que donne le président est qu’il aimerait non seulement fermer le gouvernement, construire un mur, mais aussi abolir le Congrès, de sorte que la seule voix qui compterait sera la sienne ». La déclaration de Pelosi est vraie, mais cela ne fait que souligner la lâcheté et la complicité du Parti démocrate et sa réticence à défendre les principes constitutionnels contre la menace croissante d’une dictature présidentielle.

S’exprimants lors d’entretiens télévisés diffusés dimanche, aucun démocrate de premier plan n’a déclaré qu’un tel défi direct au Congrès, qui, en vertu du premier article de la Constitution, doit s’approprier tous les fonds qui seront dépensés par le pouvoir exécutif, soit un délit passible d’une procédure de destitution. Le représentant Adam Smith, qui dirige maintenant la Commission des forces armées de la Chambre des représentants, a même déclaré que Trump avait le pouvoir de prendre de telles mesures, sur la base des précédents établis en Afghanistan et en Irak. Smith soutenait essentiellement que Trump avait le pouvoir de traiter la frontière américano-mexicaine comme s’il s’agissait d’une zone de guerre.

La déclaration de Trump selon laquelle il est prêt à piétiner 200 ans de précédents constitutionnels n’est pas seulement le résultat de ses propres penchants autoritaires. La présidence de Trump, l’accession d’un escroc milliardaire à la plus haute fonction constitutionnelle, est elle-même le produit de la décadence de la démocratie américaine au cours des 20 dernières années : la campagne d’extrême droite pour destituer Bill Clinton, l’élection volée de 2000 et l’installation de George W. Bush, les guerres non déclarées et inconstitutionnelles en Afghanistan, Iraq, Libye et Yémen, les attaques toujours plus ouvertes contre le droit de vote, et l’intensification des efforts pour libérer le pouvoir exécutif de toute contrainte judiciaire, parlementaire ou juridique.

La démocratie américaine s’effondre sous le poids des antagonismes sociaux croissants, surtout l’accroissement colossal des inégalités économiques, car une aristocratie financière d’une richesse sans précédent contrôle tous les leviers du pouvoir politique alors que la grande majorité des travailleurs, luttant pour survivre, sont exclus de toute influence sur la politique gouvernementale.

Les revendications rivales des deux parties dans le différend sur le mur frontalier n’ont aucune crédibilité.

Il n’y a pas d’« urgence de sécurité nationale » comme le prétend Trump. Il n’y a pas d’afflux de criminels et de terroristes de l’autre côté de la frontière – un « gros mensonge » à la Hitler que les porte-parole de la Maison-Blanche et Fox News propagent sans cesse. Il n’y a qu’un nombre croissant de demandeurs d’asile désespérés qui cherchent à traverser la frontière entre les États-Unis et le Mexique, principalement en provenance d’Amérique centrale, pour trouver refuge contre un cauchemar de violence et de pauvreté écrasante qui est le résultat d’une longue histoire d’oppression et d’intervention de l’impérialisme américain.

Les démocrates ne mènent pas non plus une lutte raisonnée contre la proposition « immorale » d’un mur frontalier, comme le prétend Pelosi. Il y a tout juste un an, les deux parties se sont entendues sur un plan visant à dépenser 25 milliards de dollars sur un mur frontalier dans le cadre d’un accord plus vaste sur l’immigration. Maintenant, les démocrates prétendent être engagés dans une lutte titanesque sur la différence entre 1,6 et 5,6 milliards de dollars. Mais aucun dirigeant démocrate n’exige la fermeture des camps de détention, la libération des réfugiés et la reconnaissance de leur droit d’asile, ni la suppression des bandes de voyous violents de la police connues sous les noms de gardes-frontières et des services de l’immigration et des douanes.

Le véritable problème qui se cache derrière l’affrontement sur le « mur frontalier » est le conflit en cours au sein de l’élite dirigeante américaine entre diverses factions réactionnaires, principalement au sujet de la politique étrangère – en particulier les ordres de Trump de retirer les troupes américaines de Syrie et de réduire les forces en Afghanistan, et sa décision globale de se concentrer sur la Chine plutôt que la Russie comme principal ennemi immédiat. Plus généralement, elle reflète les préoccupations croissantes que suscite le fait que Trump est incapable de faire face de manière cohérente aux défis complexes auxquels l’impérialisme américain est confronté, tant au pays qu’à l’étranger.

La réponse de Trump à la défaite républicaine aux élections de mi-mandat, à la mise en place d’une Chambre des représentants sous contrôle démocrate et aux appels à la destitution de certains secteurs du Parti démocratique et des médias est d’intensifier ses appels à sa base fasciste et d’élaborer un programme autoritaire ouvert. Contrairement aux fermetures antérieures, causées par des tentatives législatives visant à fixer des limites au pouvoir exécutif, cette fermeture a été provoquée et initiée par le pouvoir exécutif dans le but d’intimider le pouvoir législatif pour qu’il obéisse aux ordres du président, ou bien qu’il le contourne complètement.

Toutes les parties à ce conflit au sein de l’élite dirigeante sont antidémocratiques et s’efforcent d’atteindre leurs objectifs par des méthodes qui sapent la Constitution. Trump manifeste ouvertement son soutien à des éléments fascistes comme le syndicat des gardes-frontières et d’autres services de police, tout en menaçant de déclarer une urgence nationale et d’ordonner à l’armée de construire le mur au mépris du Congrès. Les démocrates utilisent les méthodes du coup d’État de palais – l’enquête anti-Russie de Mueller, soutenue par l’appareil de renseignement militaire, la demande de censure d’Internet pour réduire au silence les opinions socialistes et antiguerres, la glorification des généraux coupables de crimes de guerre comme « adultes dans la salle », et maintenant les appels aux sections des militaires pour intervenir contre le Président.

Ce qui unit les deux factions, c’est leur peur commune de toute intervention indépendante de la classe ouvrière. Les démocrates sont terrorisés à l’idée de faire quoi que ce soit qui pourrait encourager l’opposition directe de la classe ouvrière à l’Administration Trump et à la fermeture de l’État.

Dans cette crise, les syndicats du gouvernement fédéral n’agissent que comme des extensions du Parti démocrate. Ils n’ont pas organisé une seule manifestation et encore moins une grève, contre ce qui est l’un des plus grands lock-out de l’histoire américaine. Lorsque les syndicats représentaient, même de manière limitée, des organisations défensives de la classe ouvrière, une telle attaque de l’employeur aurait provoqué des protestations et des appels au soutien. Le refus des syndicats, dont l’AFL-CIO, de lever le petit doigt est une démonstration de leur transformation en police industrielle pour les grandes entreprises.

La classe ouvrière ne peut pas permettre que la fermeture fédérale se poursuive et permettre aux factions rivales de la classe dirigeante d’infliger de plus en plus de déprédations aux travailleurs pendant qu’ils élaborent une résolution antidémocratique qui accélère le mouvement vers la dictature.

S’il est laissé entre les mains de Trump et de la Chambre des représentants contrôlée par les Démocrates, il en résultera une répression accrue des immigrants, la perte de salaires et d’emplois pour les travailleurs fédéraux et les employés contractuels, une érosion accrue des programmes sociaux et, potentiellement, une violation ouverte des normes constitutionnelles et l’émergence d’une dictature présidentielle absolue.

Les travailleurs fédéraux doivent prendre l’initiative. Ils devraient préparer des manifestations, des arrêts de travail et des congés de maladie en masse, organisés indépendamment par le biais des médias sociaux plutôt que par le biais des syndicats en faillite et réactionnaires, pour exiger la fin de la fermeture et la restauration des emplois et des salaires de tous les travailleurs et des ouvriers contractants fédéraux ainsi que l’arrêt des persécutions sauvages des immigrants à la frontière mexicaine et au pays. Cela doit être combiné avec des appels au soutien d’autres sections de travailleurs en lutte, comme les 40 000 enseignants des écoles publiques de Los Angeles qui vont faire grève jeudi prochain.

La dernière exigence n’est pas une réflexion après coup, au contraire c’est un principe fondamental. Les travailleurs américains doivent reconnaître que ce qui est fait aux réfugiés et aux demandeurs d’asile à la frontière – l’emprisonnement sans procès, la séparation des parents et des enfants, les gaz lacrymogènes et autres violences, et la construction de camps d’internement – est une préparation à des attaques similaires contre toute la classe ouvrière. C’est ainsi que Trump et les Démocrates traiteront tout mouvement de la classe ouvrière en faveur de l’emploi, du niveau de vie et des prestations sociales.

La classe ouvrière doit intervenir en tant que force indépendante en opposition aux deux partis et à l’ensemble de l’establishment politique. La logique d’une telle lutte est la préparation d’une grève générale contre l’administration Trump et le système capitaliste dans son ensemble.

Les travailleurs doivent tirer les conclusions politiques nécessaires de la crise. En menaçant de fermer les fonctions essentielles d’une société moderne, du transport aérien aux soins de santé en passant par les services publics pour les plus démunis et les plus opprimés, la classe dirigeante démontre qu’elle est inapte à diriger.

La fermeture montre la nécessité de se battre pour un gouvernement d’un tout autre genre, un gouvernement basé sur les besoins des travailleurs, et non sur la défense de la propriété et de la richesse d’une petite élite. L’effondrement du gouvernement des capitalistes impose à la classe ouvrière de prendre le pouvoir en main et d’établir un gouvernement ouvrier.

(Article paru d’abord en anglais le 7 janvier 2019)

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