Le mouvement des «gilets jaunes» a démasqué caractère réactionnaire du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot. Son hostilité envers le premier mouvement d’opposition de masse à Macron est sans ambiguïté. Le NPA a commencé par s’aligner sur la propagande officielle, pour dénoncer les «gilets jaunes» comme des racistes anti-écologistes voire fascistes pour s’être opposés à la taxe des carburants par Macron.
Avant la première mobilisation, le NPA a publié une déclaration intitulée «Justice sociale: ce n’est pas le 17 novembre que nous pourrons nous faire entendre!» Le NPA estimait que «cette mobilisation est problématique. D’abord parce qu’avant d’être l’expression d’un mécontentement populaire, cette mobilisation est surtout porteuse d’une vieille revendication du patronat routier.» Relevant des tentatives de partis néo-fascistes pour intervenir sur les pages Facebook des «gilets jaunes», le NPA a déclaré son hostilité intransigeante envers les manifestations:
On ne s’y trompera donc pas. Tout comme les syndicats CGT et Solidaires, samedi 17 novembre, nous ne mêlerons pas nos colères aux manœuvres des patrons et aux récupérations de l’extrême droite qui n'est pas une alliée de circonstance mais reste notre ennemie mortelle. … Mais nous ne pourrons pas le dire le samedi 17 novembre dans des actions ou des rassemblements prétendument « citoyens »aux allures de foire poujadiste, dans lesquels nous nous retrouverions au côté des ennemis les plus farouches du mouvement ouvrier.
Il s’est ensuivi la plus grande mobilisation des travailleurs contre la classe politique depuis la grève générale de Mai 68. Des centaines de milliers de travailleurs, retraités, chômeurs et indépendants, et des petits patrons, ont bravé la répression des CRS et des blindés de la gendarmerie, et ébranlé Macron. C’était le centre d’une mobiisation contre l’inégalité sociale qui traversait l’Europe, des manifestations d’étudiants en Albanie aux grèves des fonctionnaires portugais.
Si le NPA et les syndicats dénonçaient les «gilets jaunes», ceux-ci exprimaient la colère des masses contre les petit-bourgeois aisés dans les partis de pseudo gauche et les appareils syndicaux. Quand le WSWS lui a demandé son avis sur ces forces, un travailleur picard des BTP «gilet jaune» a dit: «Ce sont des voyous. … Tu pourrais crever la gueule ouverte dans la rue, ils ne feraient rien.»
Vu la popularité écrasante des gilets jaunes, le NPA a dû faire un tournant à 180 degrés.
Deux semaines après le 17 novembre, le dirigeant ex-soixantehuitard du NPA, Alain Krivine, a pris la parole à Tours. Masquant à peine son dédain, il a soutenu ce que le NPA avait traité de «foire poujadiste», tout en taxant les manifestants de racisme et de sexisme: «Je crois qu’il faut soutenir les Gilets jaunes, pas béatement car il faut se battre contre tous les comportements qui pourraient être racistes, homophobes ou sexiste tels qu’on a pu en entendre parler. Mais un front social doit émerger de cette révolte pour aboutir à une grève générale et à une conjonction des luttes.»
Cette référence au «front social» était le signe pour le NPA de proposer à la CGT stalinienne d’essayer de récupérer le mouvement et de l’étrangler en lui imposant la perspective d’une grève nationale symbolique d’un jour, totalement inoffensive.
Le 3 décembre, son site Web «Révolution permanente» a lancé un appel à l’appareil cégétiste. Son article, intitulé «La CGT ne peut plus tourner le dos au mouvement des gilets jaunes», critiquait les attaques de la CGT que le NPA avait approuvées en novembre, en les traitant de «divisionnistes». Le NPA y lançait l’avertissement qu’un mouvement bien plus large des travailleurs pourrait éclater:
Dans cette situation sociale explosive, le gouvernement et le patronat craignent le durcissement, mais surtout les effets de contagion du mouvement. Avec l’entrée en scène des lycéens, cette crainte se fait plus présente. Le spectre de la contagion au mouvement ouvrier est dans les têtes. Dans ce contexte, les militants et les structures de base du syndicat ne doivent pas rester muets. Le gouvernement est isolé, affaibli et assis sur une poudrière. Il est du devoir de chaque militant d’exiger que la Confédération non seulement appelle, mais organise en mettant toutes ses forces, à une journée de grève générale au plus tôt.
50 ans après la grève générale de 1968, Macron et l’Union européenne sont discrédités. A travers l’Europe, les travailleurs réfléchissent à une grève générale. Mais il nous faut souligner que le mouvement naissant des travailleurs et une vraie grève générale n’ont rien à voir avec la CGT et la manifestation symbolique voulue par le NPA.
L’appel du NPA à la CGT pour collaborer avec les «gilets jaunes» et développer leur lutte est creux. La CGT n’a aucune crédit auprès des «gilets jaune», qui détestent les appareils syndicaux. Surtout, la CGT est hostile envers les «gilets jaunes» et ne veut pas mobiliser d’opposition à Macron, en particulier quand son gouvernement tient à un fil. Le seul sens de cet appel est de stabiliser Macron en promouvant ce qui reste des illusions que la CGT lancera une grève contre lui, et en encourageant ainsi les travailleurs à se ranger derrière l’inaction des syndicats.
Pour préparer les luttes à venir, les travailleurs doivent prendre leurs propres luttes en main. La décision des «gilets jaunes» à Commercy et ailleurs d’établir des assemblées populaires est un exemple critique: les travailleurs à travers l’Europe ont besoin de comités d’action indépendants des syndicats pour mener leurs luttes. Le Parti de l’égalité socialiste (PES), section française du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), explique qu’au courant de ces luttes, la classe ouvrière européenne se verra obligée de transférer le pouvoir à ces organisations.
Surtout, ce mouvement a révélé la crise de direction révolutionnaire dans la classe ouvrière. Le NPA, fonéd en 2009 par les ex-soixantehuitards «trotsko-guévaristes» de l’ancienne Ligue communiste révolutionnaire (LCR), n’est pas trotskyste. La LCR pabliste regroupait ceux qui avaient rompu avec le trotskysme et le CIQI en 1953, sur la perspective fausse et nationaliste que les staliniens et les nationalistes bourgeois, plutôt que le mouvement trotskyste, pourraient offrir une direction aux luttes révolutionnaires de la classe ouvrière.
Ils se sont orientés en France vers des forces comme la CGT stalinienne qui, quand elle avait toujours une base dans la classe ouvrière, a trahi trois grèves générales: 1936, 1953, et 1968. La LCR était férue de la politique sociétale antimarxiste et petite-bourgeoise des années 1960, et orientée vers le PS pro-capitaliste fondé en 1971. Après des décennies d’austérité imposées par des organisations staliniennes ou pablistes en Europe après la restauration stalinienne du capitalisme en URSS en 1991, l’antagonisme entre ces groupes et la classe ouvrière est patente.
Dans une interview récente avec le magazine chinois Borderless affiché sur le site anglophone du NPA, International Viewpoint, Pierre Rousset dit que l’hostilité du NPA envers les «gilets jaunes» n’était qu’un malentendu. Égrenant quelques déclarations de partis favorables aux «gilets jaunes», il ajoute: «Après une première hésitation (le temps de comprendre ce qui se passait), le PCF, le NPA et d’autres forces gauchistes ont fait de même. La plupart du mouvement ouvrier est resté pour le moins ‘distant’ des gilets jaunes ...»
C’est encore une fraude. Si le NPA s’est opposé aux «gilets jaunes», ce n’est pas parce qu’ils ne pouvaient pas «comprendre ce qui se passait». Dans sa première déclaration, le NPA a dit que les «gilets jaunes» représentaient l’opposition à Macron dans les «classes populaires». En toute connaissance de cause, le NPA s’est opposé aux «gilets jaunes».
Seul le PES en France continue la lutte pour le trotskysme. Quant au NPA et à ses alliés, ce sont des petit-bourgeois contre-révolutionnaires.