Dans une attaque contre la population travailleuse américaine, ciblant plus directement la main-d’œuvre du gouvernement fédéral, la Maison-Blanche et le Congrès de Trump ont déclenché une fermeture partielle du gouvernement à 1 minute après minuit, samedi matin. À la veille des fêtes de Noël et du Nouvel An, quelque 800 000 des 2,1 millions d’employés fédéraux du pays ont été touchés par l’incapacité de financer le quart des ministères et organismes fédéraux après la date limite de vendredi à minuit.
De ce nombre, on estime que 380 000 d’entre eux sont indéfiniment mis en congé sans solde et 420 000 autres travailleurs jugés essentiels sont tenus de travailler sans être rémunérés. On ne sait pas pour l’instant combien de temps la fermeture – la troisième seulement en 2018 – durera, mais le président Trump a envoyé un tweet tôt le matin et une cérémonie de signature de projet de loi plus tard vendredi a dit qu’elle se poursuivrait « pendant très longtemps ».
Il y a eu une fermeture de trois jours en janvier de cette année, suivie d’une fermeture d’une journée en février. Il y a eu 20 fermetures fédérales au cours des quatre dernières décennies, dont la plus longue a duré trois semaines au cours de l’hiver 1995-1996.
Le principal responsable de la fermeture actuelle des services fédéraux est Trump. La semaine dernière, il a insisté sur le fait qu’il fermerait le gouvernement à moins que le Congrès n’alloue 5 milliards de dollars pour son mur le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique dans le cadre de tout projet de loi visant à maintenir le financement des ministères et organismes gouvernementaux qui sont frappés par cette fermeture.
Plus tôt cette semaine, il a semblé faire volte-face et signaler sa volonté d’accepter un accord potentiel en cours d’élaboration entre les républicains et les démocrates du Congrès pour prolonger temporairement le financement sans l’argent du mur. Dans le même ordre d’idées, le Sénat a approuvé, par un vote oral mercredi soir, une résolution bipartite qui aurait maintenu les agences ouvertes jusqu’au 8 février, après l’installation du nouveau Congrès le mois prochain, avec une majorité démocrate à la Chambre des représentants.
Trump a ensuite fait l’objet d’attaques concentrées de la part de personnalités d’extrême droite sur Fox News et des médias tels que Breitbart News, ainsi que contre le Freedom Caucus, groupe de parlementaires de la Chambre des représentants rassemblant les élus d’extrême-droite. Jeudi matin, il a dit aux républicains du Congrès qu’il refuserait de signer un projet de loi s’appuyant sur la mesure sénatoriale et qu’il opposerait son veto à tout projet de loi qui n’allouerait pas 5 milliards de dollars pour le mur. Il l’a accompagné d’une nouvelle série de dénonciations fascistes des immigrants en tant que meurtriers, trafiquants de drogue et violeurs.
Cela s’inscrivait dans le cadre d’une démarche calculée visant à contrer les menaces politiques et juridiques croissantes associées à l’enquête du procureur spécial visant la Russie en faisant appel au soutien populaire en dehors des canaux bipartites normaux, notamment parmi les éléments racistes anti-immigrés de sa base. À cette fin, la Maison-Blanche a envoyé son conseiller fasciste Stephen Miller pour défendre l’ultimatum de Trump sur le mur sur CNN et d’autres chaînes d’information.
Dans le même temps, Trump a cherché à tirer parti d’un large sentiment anti-guerre en ordonnant le retrait des troupes américaines de Syrie et en réduisant de moitié le niveau des troupes en Afghanistan.
Les dirigeants républicains de la Chambre des représentants ont abandonné leurs plans visant à faire adopter une résolution qui s’inspire du projet de loi du Sénat et ont plutôt adopté une prolongation du financement qui a ajouté 5,7 milliards de dollars pour le mur et 8 milliards de dollars pour les secours en cas de catastrophe. Elle a été adoptée jeudi soir par 217 voix contre 185, tous les démocrates ayant voté contre et huit républicains s’étant joints à eux. Cela a ouvert la voie à une fermeture partielle du gouvernement.
Vendredi, les dirigeants des républicains du Sénat ont suspendu le vote sur le projet de loi de la Chambre qui comprenait le financement du mur afin de poursuivre les négociations avec les démocrates sur une éventuelle résolution. Toutefois, la Chambre a ajourné sa session à 19 heures et accepté de se réunir à nouveau le samedi midi, ce qui excluait toute possibilité d’approbation d’un projet de loi avant minuit pour éviter une fermeture. Le Sénat s’est ajourné peu après.
Les Démocrates sont complices de la fermeture. Ils ont contribué à la chasse aux sorcières de Trump contre les immigrés par leur silence sur son incarcération massive des enfants, sur son déploiement de troupes à la frontière et sur ses atteintes illégales au droit d’asile. En janvier dernier, le chef de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, a accepté de donner à Trump 25 milliards de dollars pour construire le mur en échange de protections contre l’expulsion de centaines de milliers d’immigrants qui ont été amenés au pays sans papiers lorsqu’ils étaient enfants – ceux que l’Administration Obama appelait des « rêveurs » [en référence au « rêve américain » auquel on leur laissait une chance de participer] qui étaient protégés par son programme DACA. Cependant, Trump a finalement rejeté l’accord.
Depuis qu’ils ont pris le contrôle de l’Assemblée lors des élections de mi-mandat du mois dernier, les démocrates ont déclaré à plusieurs reprises qu’ils étaient prêts à travailler avec Trump, alors même qu’ils intensifiaient la campagne réactionnaire visant la Russie, y compris leur attaque contre Trump pour sa prétendue « mollesse » envers Moscou. Ils ont accepté d’accorder à la Maison-Blanche 1,6 milliard de dollars supplémentaires pour militariser davantage la frontière dans le projet de loi du Sénat qui a été rejeté par Trump.
Ni les Démocrates ni les syndicats d’employés fédéraux, comme la Fédération américaine des salariés gouvernementaux (American Federation of Government Employees – AFGE), n’ont tenté de mobiliser l’opposition de la classe ouvrière contre les attaques visant les immigrants ou contre la fermeture du gouvernement. La page d’accueil du site Web de l’AFGE ne mentionne même pas le lock-out de centaines de milliers de travailleurs fédéraux et l’exigence que des centaines de milliers d’autres travaillent sans salaire.
Neuf des 15 ministères, et des dizaines d’organismes spécifiques sont touchés par la fermeture. Les ministères concernés sont les suivants : sécurité intérieure, transports, commerce, affaires étrangères, agriculture, justice, intérieur, trésor, logement et développement urbain. Les organismes concernés sont l’Agence de protection de l’environnement (EPA), les Peace Corps, la Small Business Administration, la General Services Administration, les Archives nationales et la NASA.
D’autres ministères, dont ceux de la défense, des anciens combattants et de la santé et des services sociaux, ont déjà été financés pour la prochaine année et seront épargnés.
La fermeture n’affectera pas les opérations répressives de la police de l’immigration et des douanes ou de la patrouille frontalière, dont la grande majorité du personnel travaillera sans rémunération pendant toute la durée de la fermeture. Il en va de même pour le personnel fédéral chargé de l’application de la loi au ministère de la justice.
Toutefois, le Service des parcs nationaux sera décimé et plus de 80 pour cent de ses employés seront en congé sans solde, ce qui entraînera la fermeture partielle ou totale des parcs nationaux et des monuments fédéraux. Le Smithsonian institute à Washington DC sera touché, ce qui pourrait entraîner la fermeture de ses musées.
Quatre-vingt-quinze pour cent des travailleurs du ministère du logement et du développement urbain sont en congé sans solde, ainsi que 95 pour cent à l’écologie, 96 pour cent à la NASA, 80 pour cent aux services forestiers, 87 pour cent au commerce, 83 pour cent aux finances et 76 pour cent à l’intérieur.
Après les fermetures antérieures, les nouveaux projets de loi de financement comprenaient des dispositions pour rattraper les salaires fédéraux qui les avaient subies, mais rien ne garantit que cela se produise dans le cas présent.
(Article paru d’abord en anglais le 22 décembre 2018)