Au Sri Lanka, les travailleurs des plantations arrêtent leur grève mais manifestent leur colère

Le 14 décembre, des milliers de travailleurs des plantations ont mis fin à leur grève pour des augmentations de salaire, deux jours après que le Ceylon Workers Congress (CWC), le principal syndicat des plantations, leur a ordonné de cesser toute action revendicative.

Les travailleurs ont accueilli l'ordre de «reprise du travail» et la trahison syndicale de la grève par des manifestations de colère dans les villes et les domaines de plantations de la province.

La grève pour une rémunération journalière de 1000 roupies – une augmentation de 100 pour cent du taux actuel de 500 roupies (2,80 dollars US) – avait débuté le 4 décembre. Des manifestations, des défilés et des rassemblements ont eu lieu dans les zones de plantations à travers le pays, notamment à Nuwaraeliya, Badulla, Kandy, Kegalle, Ratnapura, Kalutara et dans le district de Colombo.

Le CWC avait appelé à la grève, non pas pour mobiliser les travailleurs pour des hausses de salaires mais pour dissiper la colère intense des travailleurs face à la collaboration des syndicats avec la direction des plantations et des gouvernements sri-lankais successifs pour imposer des salaires de famine et des conditions de vie et de travail misérables.

Le dirigeant du CWC, Arumugam Thondaman, a annoncé mardi la fin de la grève, affirmant que le président Maithripala Sirisena lui avait promis, ainsi qu’à d’autres dirigeants syndicaux, lors d’une réunion à huis clos, qu’il réglerait le conflit salarial lors d’une discussion avec les entreprises de plantation le 19 décembre.

Thondaman est un allié politique de Sirisena qui l’a nommé ministre dans le cabinet qu’il a installé suite au limogeage inconstitutionnel du premier ministre Ranil Wickremesinghe, du Parti national unifié (UNP), le 26 octobre. Sirisena l’avait remplacé par l'ancien président Mahinda Rajapakse.

Les syndicats rivaux des plantations, tels que le Syndicat national des travailleurs (NUW), le Front populaire démocratique (DPF) et le Front populaire rural (UPF), sont des alliés de Wickremesinghe et de l'UNP et s’étaient opposés à la grève. Les membres de ces syndicats ont pourtant pris part à la grève, défiant leurs dirigeants.

Les travailleurs ont dénoncé la trahison du CWC lors de manifestations mercredi. Celles-ci étaient organisées par les travailleurs eux-mêmes et exprimaient la colère généralisée et le mépris face à la trahison syndicale.

Des rassemblements et des manifestations ont été organisés par des travailleurs des domaines de Couvlina, Maria et Henfold dans la région de Lindula-Talawakelle, de huit divisions du domaine Brunswick à Maskeliya, des domaines Albion, New Grostan, Adrlaw, Thonfield, St Market, Torrington, Katamasan et Agra Alpetha à Agarapathana et du domaine Abbotsleigh dans le district de Hatton. Des centaines de travailleurs ont également manifesté à midi dans la ville provinciale de Holbrook.

Les travailleurs devant l’usine à thé de Abbotsleigh

Vendredi, dans le domaine Abbotsleigh, où les travailleurs ont mis en place un comité d’action avec l’aide du Parti de l’égalité socialiste (SEP), environ 70 travailleurs ont monté un piquet devant la porte de l’usine avant de reprendre le travail.

M. Thevarajah, membre du comité politique du SEP, s'est adressé à ces travailleurs pour expliquer que la trahison du syndicat des plantations justifiait la nécessité de créer des comités d'action, nécessaires pour organiser les travailleurs indépendamment des syndicats.

Le comité d'action, a-t-il poursuivi, devrait «discuter avec les travailleurs d'autres domaines et les travailleurs d'autres pays. Nous devons aller de l'avant dans la lutte pour notre propre gouvernement ouvrier et paysan.

«Les syndicats agissent délibérément pour diviser les travailleurs. Dans le secteur de Montifiore, le syndicat de Digambaran [le NUW] a renvoyé ses membres au travail au deuxième jour de grève. Le comité d'action d'Abbotsleigh a dû intervenir et expliquer que les revendications des travailleurs pour de meilleurs salaires et conditions ne devaient pas être déterminées par le CWC ou le syndicat de Digambaran, mais par les travailleurs eux-mêmes.

«Les dirigeants capitalistes cherchent à compenser leur crise économique aux dépens de la classe ouvrière. C’est le cas non seulement dans l’industrie sri-lankaise du thé, mais aussi dans les pays développés. Les travailleurs de l'automobile aux États-Unis luttent contre les fermetures d'usines et le mouvement des Gilets jaunes en France a ébranlé le pouvoir capitaliste dans ce pays. »

«En 1917, les travailleurs en Russie ont mis en place le premier gouvernement ouvrier au monde. Bien que celui-ci ait dégénéré par la suite sous le stalinisme, la Quatrième Internationale a combattu cette trahison et a poursuivi cette lutte depuis. Elle est maintenant prête à mener les travailleurs du monde pour faire gagner le socialisme international. »

Les travailleurs du piquet de grève d’Abbotsleigh ont voté à l’unanimité pour tenir une réunion le 16 décembre afin de développer leur comité d’action. Ils ont scandé des slogans: «Prolétaires du monde, Unissez-vous», «Construisons des comités d'action dans tous les domaines» et «Menons le combat pour un gouvernement ouvrier et paysan».

Sivapakyam, l'un des manifestants d'Abbotsleigh, a déclaré au WSWS: «Aucun syndicat ne doit venir dans ce domaine. Nous allons constituer notre comité d'action et, à travers lui, nous battre pour défendre nos droits. Les syndicats ne devraient pas venir ici pour solliciter des voix lors des élections ».

Yogaranjani, de la section des femmes du CWC, a déclaré: «Le chef du CWC, Arumugam Thondaman, a déclaré qu'il se battrait pour un salaire de 1 000 roupies pour nous, mais le syndicat en discute depuis le mois d'août sans résultat. Il dit maintenant que le problème des salaires sera résolu lors d'une discussion avec le président le 19 décembre. Pourquoi devrait-on s’attendre à un résultat différent?

« Maintenant mes collègues m’interrogent. Nous allons cesser de payer des cotisations aux syndicats. Nous ne pouvons pas être trompés comme nous l’avons été auparavant. Les choses sont maintenant claires pour nous », a ajouté Yogaranjani. Elle s'est engagée à soutenir le comité d'action d'Abbotsleigh.

Les reporters du WSWS ont également parlé à une trentaine de grévistes du secteur Montifiore, du domaine Abbotsleigh. Deux dirigeants syndicaux rivaux et un responsable du CWC avaient tenté de convaincre les travailleurs que le chef du CWC, Thondaman, obtiendrait une augmentation de salaire du président Sirisena.

Thevarajah, membre du comité politique du SEP, s'est adressé aux travailleurs de Montifiore, leur expliquant la nécessité de créer un comité d'action indépendant des syndicats, les invitant à la réunion du 16 décembre.

Le 12 décembre, les dirigeants syndicaux des plantations de thé et de caoutchouc de Deraniyagala, Kegalle, Dehiowita et Yatiyantota ont organisé une conférence de presse à laquelle ils ont appelé les travailleurs à ne pas payer leurs cotisations respectives et à adhérer au seul syndicat qui obtiendrait une augmentation de salaire. Mais tous les syndicats sont complices de la suppression des luttes pour des salaires et des conditions décents.

La conférence de presse des dirigeants syndicaux des domaines était une tentative désespérée de créer des illusions sur la nature des syndicats. Mais des dizaines de milliers de travailleurs des plantations prennent conscience, à travers leurs propres expériences, du caractère pro-capitaliste de ces formations. Les travailleurs des plantations doivent rejeter ces manœuvres cyniques et rompre avec les syndicats sur le plan politique et organisationnel.

Des travailleurs votent pour tenir une réunion où sera formé un comité d’action

Si les travailleurs des plantations ont poursuivi leur grève pendant deux jours au mépris des dirigeants syndicaux, leur retour au travail soulève le besoin urgent de mieux comprendre les tâches politiques auxquelles ils sont confrontés.

Ce qu’il faut c’est la création de comités d’action indépendants dans toutes les plantations et une orientation vers d’autres sections de la classe ouvrière sri-lankaise pour développer une lutte unifiée contre la grande entreprise et le gouvernement, pour des salaires décents, de meilleures conditions de vie et de travail, et d’autres droits sociaux fondamentaux.

Ces comités d’action doivent s’appuyer sur un programme socialiste et internationaliste qui place les besoins de tous les travailleurs au-dessus des super profits des énormes trusts du thé et des autres secteurs du grand patronat et de leur valets politiques.

(Article paru en anglais le 15 décembre 2018)

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