Royaume-Uni : Le syndicat des universitaires veut enterrer la lutte pour une augmentation des salaires

Le syndicat des universitaires (UCU) s’efforce de faire dérailler la lutte de ses membres pour obtenir de meilleurs salaires. Cela fait suite à un accord au rabais plus tôt cette année, dans lequel de nouvelles atteintes aux droits des retraites ont été imposées par la bureaucratie syndicale.

Le 18 octobre, l’UCU a été contrainte de réunir le congrès après que le congrès annuel de trois jours au mois de mai fut écourté lorsque la secrétaire générale Sally Hunt et ses partisans du syndicat Unite avaient quitté le congrès à trois reprises. Son intention était d’empêcher toute discussion sur les résolutions exigeant que la direction de l’UCU soit tenue responsable pour avoir arrêté la grève de 14 jours en défense des retraites par 50 000 universitaires et imposé un accord au rabais.

L’UCU avait tenté de mettre fin à la grève en mars, mais s’était heurtée à l’opposition de milliers d’universitaires du pays à l’égard de l’accord. Après avoir exercé une pression incessante sur ses membres, la grève a pris fin en avril sur la base du même accord reformulé. Un tiers des adhérents de l’UCU le rejeta et près de 20 000 refusèrent de prendre part au vote.

La pseudo-gauche Parti socialiste ouvrier (SWP) et le Parti socialiste (SP) se sont tous deux précipités pour défendre la direction de Hunt. Lors du congrès du 18 octobre, leurs efforts visaient à insister sur la nécessité de se focaliser sur la campagne d’un vote de grève de l’UCU pour augmenter les salaires menée par un « syndicat redynamisé ».

Hunt, qui souffre d’une sclérose en plaques, n’a pas assisté au congrès d’octobre. Le World Socialist Web Site a prédit que sa maladie et son absence seraient utilisées pour bloquer tous les efforts visant à demander des comptes à la direction. Ce fut le cas, car l’union locale de l’UCU à Exeter a retiré une motion de censure, déclarant qu’elle était inappropriée compte tenu de la mauvaise santé de la secrétaire générale.

Une autre motion, présentée par l’université de King's College de Londres, réclamait un blâme à l’encontre de Hunt pour sa conduite pendant la grève. Elle a été proposée et débattu et adoptée à une écrasante majorité par les délégués, mais l’exécutif a réagi en reconnaissant des fautes mineures, tout en affirmant qu’il était plus important que le syndicat « se rassemble » plutôt que d’adopter une motion.

Aucune de ces deux motions n’a été soutenue par la tendance Gauche de l’UCU, qui s’oppose à toute rupture des travailleurs avec l’UCU et ne fera rien qui mettra en danger la domination du syndicat par la droite.

Pour couvrir les trahisons de Hunt, et autres, le SP a même qualifié la grève pour les retraites de « succès spectaculaire » et de « magnifique ». La grève avait « appris à de nombreux militants de précieuses leçons sur la manière de mener une grève », a-t-il affirmé.

Dans son compte rendu du congrès d’octobre, le SP n’a laissé aucun doute quant à ceux pour qui ils avaient de la sympathie, envoyant un message « de solidarité à Sally en ces temps difficiles ».

Il a été clairement établi par Carlo Morelli, un dirigeant du SWP et de la gauche de l’UCU, que les auteurs de la trahison n’avaient rien à craindre. Il a déclaré : « Il existe diverses opinions à gauche sur la manière de réagir [lors du congrès d’octobre]. Mais quoi qu’il arrive avec les motions, il est important que nous disposions d’une gauche unie pour nous battre pour les salaires et les retraites. » Morelli savait pertinemment que la lutte sur les retraites avait été trahie. La lutte pour les salaires faisait référence à un vote effectué en août dans 147 établissements demandant aux membres de l’UCU de rejeter une proposition par les employeurs d’une augmentation de 2 pour cent, soit 425 £ par an.

Cette proposition fut bien en deçà du taux d’inflation, l’indice des prix à la consommation étant fixé alors à 3,4 pour cent, et ne comblait aucunement la réduction réelle considérable des salaires subis par les enseignants, le personnel administratif, les techniciens, les gardiens et les agents de nettoyage. Le syndicat estime qu’une augmentation de salaire de 21 pour cent est nécessaire rien que pour récupérer le montant de salaire perdu depuis 2010.

En vertu de la loi de 2016 sur les syndicats, entrée en vigueur l’an dernier, et pour qu’une grève soit légale, au moins 50 pour cent des membres d’un syndicat sur le lieu de travail doivent participer au vote – et seulement une majorité de ceux-ci peuvent autoriser une grève. Lorsque le résultat du vote fut finalement publié par l’UCU, le 22 octobre, les membres de quelques établissements seulement avaient voté à un taux de participation égal ou supérieur à 50 pour cent. Le taux de participation total n’était que de 42 pour cent, avec seulement six établissements d’enseignement supérieur dépassant le seuil de 50 pour cent. Dans les IUP, seuls quatre établissements avaient atteint ce seuil.

La réponse de la pseudo-gauche a été de passer à la vitesse supérieure pour défendre l’UCU, dans des conditions où la faible participation était clairement un vote de défiance envers la direction du syndicat. Le SP a déclaré que les 72 pour cent (sur 42 pour cent des membres de l’UCU ayant voté) soutenant une grève représentaient « un énorme succès ». Ce qu’il fallait faire désormais selon lui c’était de laisser le passé derrière nous et de tout mettre en œuvre pour défendre et renforcer l’UCU.

Sam Morecroft, du SP, a écrit le 31 octobre : « L’année écoulée a été celle de la construction de notre syndicat, avec le succès de luttes locales et l’incroyable grève pour les retraites de 14 jours. Les lois anti-syndicales des conservateurs nous ont posé des obstacles pour le moment. Mais nous sommes déterminés à casser leurs seuils de votes non démocratiques et à nous battre contre l’austérité pour défendre l’éducation après l’âge 16 ans. »

En dépit de toutes leurs postures militantes, « briser » les « seuils non démocratiques » ne signifie rien tant qu’il n’y a pas de lutte pour briser le contrôle de la bureaucratie syndicale qui insiste sur le fait que les lois antisyndicales soient respectées. Au lieu de cela, la gauche de l’UCU a lancé une campagne « visant à consulter à nouveau les unions locales qui avaient un taux de participation de 35 pour cent ou plus sur la question d’augmentation salariale […] afin d’augmenter le taux de participation cette foi-ci. Si au début vous ne réussissez pas, essayez, essayez encore et encore ! »

Le 7 novembre, une conférence sectorielle spéciale sur la rémunération a décidé de consulter de nouveau les membres de l’UCU Education. Le nouveau vote devait « impliquer toutes les unions locales, mais cette fois-ci sur une base de vote globalisé (toutes les voix étant additionnées) ».

Cette nouvelle consultation a été repoussée de plusieurs mois. L’UCU avait annoncé qu’elle « aurait lieu l’année prochaine et au plus tard en mars 2019. » En l’occurrence, il a été décidé d’appeler au vote à partir du 14 janvier 2019 et de le clôturer un mois plus tard, le 22 février.

Les dirigeants de l’UCU sont passés maître en matière d’isolement et de démobilisation des luttes salariales et des pertes d’emploi (article en anglais). Le syndicat a finalement autorisé une grève symbolique pour les salaires à la fin du mois de novembre, dans six établissements seulement qui avaient dépassé le seuil de 50 pour cent.

Cette dernière débâcle confirme l’impossibilité de réformer les organisations qui fonctionnent comme des auxiliaires des directions d’établissements. Les travailleurs dans l’éducation doivent se donner comme tâche la construction de nouvelles organisations de lutte de base, indépendantes des syndicats et dotées d’un programme socialiste. Une telle initiative ne se fera que face à une vive opposition des groupes de pseudo-gauches.

(Article paru en anglais le 8 décembre 2018)

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