Le nombre de victimes des incendies de forêt qui ravagent le nord et le sud de la Californie est passé à 31. Des milliers de maisons et de structures ont été détruites et des centaines de milliers de personnes ont été forcées de fuir le brasier qui s'étend.
L’incendie le plus destructeur se trouve au nord, surnommé le «Camp Fire», qui a commencé sous les lignes électriques à Poe Dam, dans le comté de Butte. Alimenté par des vents violents et un temps sec, l'incendie a rapidement englouti les communautés voisines de Pulga et Concow, avant d'atteindre Paradise, une ville de 26.000 habitants, peu après le début de la journée scolaire. Toute la ville a été forcée d'évacuer, paniquée et non préparée. Vendredi matin, Paradise avait été réduite en cendres.
Des images et des vidéos déchirantes ont été publiées sur les médias sociaux de voitures tentant de fuir des murs de flammes qui s'abattent de tous côtés. D'autres ont dû abandonner leur voiture et essayer d'échapper aux flammes à pied, tandis que d'autres n'ont pas réussi.
Avec 29 morts, il s'agit de l'incendie de forêt le plus meurtrier de l'histoire de l'État, le nombre de morts étant supérieur à celui de l'incendie du Griffith Park à Los Angeles en 1933. Au moins 200 autres personnes manquent à l'appel.
Le «Camp Fire» est aussi le plus destructeur de l'histoire de l'État. Au moins 6453 maisons ont été détruites, ainsi que l'hôpital et la maison de retraite de Paradise. On s'attend à ce que la destruction et le nombre de morts augmentent à mesure que l'incendie se propage et que les responsables commencent à fouiller les décombres.
Le «Camp Fire» a éclaté le même jour que les incendies de Hill et de Woolsey dans le sud de la Californie, qui, ensemble, ont forcé l'évacuation de plus de 260.000 personnes. Deux décès ont été attribués aux incendies dans le sud.
Le président Donald Trump a réagi aux incendies en menaçant de couper le financement fédéral. «Des milliards de dollars sont donnés chaque année, avec tant de vies perdues, tout cela à cause de la mauvaise gestion des forêts», a-t-il déclaré dans un tweet samedi. «Une solution maintenant, ou plus de paiements de la Fed !»
En fait, les destructions ont une fois de plus révélé l'indifférence criminelle et la négligence de la classe dirigeante et de ses deux partis politiques, démocrate et républicain. L'infrastructure sociale, y compris les services d'incendie, est privée de fonds depuis des décennies, des billions de dollars ayant été versés dans les comptes bancaires des riches.
La Californie a été frappée par une série d'incendies dévastateurs ces dernières années. La catastrophe en cours fait suite à l'énorme incendie du complexe Mendocino de 460.000 acres en juillet (le plus important de l'histoire de l'État), à l'incendie Thomas de 280.000 acres en décembre 2017 (le deuxième en importance) et à l'incendie Tubbs en octobre 2017, qui a détruit 5636 bâtiments (deuxième en importance après celui du «Camp Fire»).
Les niveaux de décès et de destruction dus à la saison des incendies en Californie ressemblent de plus en plus à l'impact des ouragans sur la côte est, où les ouragans Florence et Michael ont tué des dizaines de personnes cette année et l'ouragan Maria, des milliers à Porto Rico en 2017.
Chaque catastrophe «naturelle» suit une formule bien connue. Les scientifiques et les ingénieurs ont lancé maints avertissements que la dégradation des infrastructures, l'étalement urbain et le réchauffement de la planète menacent d'entraîner des catastrophes. Le gouvernement ne donne suite à aucune de leurs recommandations. Puis, après l'inévitable catastrophe, les autorités organisent des opérations de secours totalement inadéquates, les médias cessent d'en parler et laissent des milliers de personnes se débrouiller seules.
L'impact de chacune de ces catastrophes est le produit des conditions sociales. Les services d'incendie ont été privés de ressources et les compagnies d'électricité n'ont pas pris les mesures de sécurité de base.
Deux jours avant que les récents incendies n'éclatent, le département californien des forêts et de la prévention des incendies (Cal Fire Prevention) a émis des avertissements selon lesquels 23 millions de personnes dans l'État se trouvaient dans des zones où les conditions étaient propices à la prolifération rapide d'incendies. On s'attendait à des vents de 30 à 45 km/h avec des rafales pouvant atteindre 80 km/h.
La Pacific Gas and Electric Company (PG&E) a dit à maintes reprises aux résidents du comté de Butte qu'elle pourrait couper l'électricité de façon préventive pour éviter que les lignes électriques abattues par les vents violents ne provoquent un incendie, mais a finalement décidé de ne pas le faire.
Lorsque les pompiers sont intervenus pour la première fois jeudi matin lors du «Camp Fire», ils ont été immédiatement confrontés aux lignes électriques de PG&E qui avaient été endommagées. Cal Fire va enquêter pour savoir s'ils sont la cause de l’incendie.
Le premier pompier sur les lieux à 6 h 43 a reconnu le danger et ordonné l'évacuation de la communauté voisine de Pulga. En moins de trois heures, l'incendie avait parcouru 16 km jusqu'à la ville de Paradise. Le shérif du comté a commencé à ordonner des évacuations, mais aucune alerte d'urgence sans fil n'a été émise pour les téléphones cellulaires dans la région. De nombreux résidents n'ont découvert le danger extrême que lorsque l'incendie s'abattait déjà sur eux.
Il s'agit d'une répétition presque exacte de l'incendie de Tubbs de l'année dernière qui a ravagé une zone ouvrière de Santa Rosa et tué 22 personnes. Cet incendie s'est déclaré la nuit sous des vents violents, et les pompiers ont répondu à 10 rapports différents faisant état de lignes électriques tombées. En seulement trois heures, le Tubbs Fire avait parcouru 20 km jusqu'au bord de Santa Rosa, et ce n'est qu'alors que les gens ont été systématiquement évacués, bien trop tard.
Cal Fire n'a pas encore déterminé la cause précise des incendies de «Camp Fire» ou de Tubbs. Cependant, dans un rapport de juin, ils ont découvert que l'équipement de PG&E avait déclenché 16 incendies de forêt l'an dernier et que, dans 11 de ces cas, l'entreprise avait enfreint les codes nationaux de prévention des incendies.
Loin de tenir l'entreprise responsable, le gouverneur démocrate Jerry Brown a signé la loi SB 901 en septembre, une nouvelle mesure qui limiterait les dommages potentiels dont les entreprises de services publics ne peuvent être tenues responsables. PG&E est potentiellement responsable de 15 milliards de dollars pour les incendies qu'elle a causés, mais les organismes de réglementation peuvent maintenant réduire les dommages évalués lorsque les conditions météorologiques exacerbent la catastrophe. Elle permet en outre aux organismes de réglementation de l'État de tenir compte de la «situation financière» de l'entreprise et de limiter les coûts pour les actionnaires en permettant à ces entreprises d'augmenter les tarifs pour le public.
Le projet de loi prévoyait également l'affectation d'un milliard de dollars sur cinq ans à Cal Fire pour la prévention des incendies. En comparaison, le bénéfice d'exploitation de PG&E en 2017 était de 3 milliards de dollars.
Des mesures d'urgence sont nécessaires pour faire face aux conséquences de catastrophes comme les incendies en Californie et prévenir des catastrophes similaires à l'avenir. Le logement doit être construit avec des matériaux résistants au feu. Les villes ont besoin de périmètres où le débroussaillage, les coupe-feu et les brûlages contrôlés empêchent le combustible de s'accumuler. En cas d'imprévus, la technologie moderne doit être mise à profit pour procéder à des évacuations rapides, et les personnes touchées ont besoin des ressources nécessaires pour reconstruire leur vie du mieux qu'elles le peuvent.
Toute catastrophe de ce genre rend nécessaire une mobilisation de masse des ressources sociales fondée sur la planification scientifique et les besoins sociaux. L'obstacle fondamental à la prise de mesures, même les plus minimes, est cependant le système capitaliste, qui subordonne toute la vie sociale et économique aux intérêts lucratifs de l'élite financière et des grandes sociétés.
(Article paru en anglais le 12 novembre 2018)